Analyse de Cheng Xiaonong sur les tactiques et les ruses du parti communiste chinois
Cheng Xiaonong, docteur en sociologie à l’Université Princeton, diplômé
de Master en économie en 1985 à l’Université Populaire de Chine, a
successivement travaillé au bureau d’étude du Comité permanent de
l’Assemblée populaire national de Chine et à l’institut de la réforme
du système économique de Chine où il était chercheur et directeur. En
1989, il a été chercheur invité à l’Institut économique d’Allemagne, à
l’Université de Göttingen et l’Université de Princeton. Monsieur Cheng
est actuellement rédacteur en chef du magazine « Étude de la Chine
contemporaine ».
Les politiques intérieures et extérieures actuelles du Parti communiste chinois
Ces
dix dernières années, la politique du parti communiste chinois (PCC) en
matière de relations internationales a été de vouloir attirer les
capitaux internationaux afin de prolonger pouvoir et d’améliorer son
économie. Mais, en même temps, de refuser catégoriquement la politique
démocratique préconisée et pratiquée par la plupart des pays du monde,
résistant à l’influence des valeurs démocratiques sur la société
chinoise. D’après le PCC, le fait que Gorbatchev ait poursuivi la
réforme politique en ex-URSS fait de lui le plus grand traître du parti
communiste, il aurait bouleversé le camp communiste.
En apparence
le PCC a toujours pratiqué la réforme économique en Chine depuis 1980,
mais en réalité l’orientation de cette réforme et la direction de la
politique sociale sont radicalement différentes de celles de la période
de Zhao Ziyang (ex-secrétaire général du PCC, 1919-2005). Dans la
période de Zhao un point important à souligner était qu’il tenait
compte des intérêts de toutes les catégories sociales, les ouvriers,
les paysans, les intellectuels et les fonctionnaires. C’était une
politique relativement équilibrée pour la société chinoise, autrement
dit, aucune catégorie n’a souffert de la réforme économique dans les
années 80.
A partir de 1990 il y eut un changement radical dans
la politique sociale du gouvernement chinois. La politique
gouvernementale fut de sacrifier les intérêts de la plus grande partie
de la population, c’est à dire ceux des ouvriers et des paysans. En
contrepartie, il a mis en avant des élites dans le domaine économique
et politique, celles ci constituèrent le groupe au pouvoir. Les
intérêts de ce petit pourcentage de la population ne cessent
d’augmenter, désormais la corruption devient un phénomène profondément
répandu dans la société chinoise - presque tous les dirigeants
gouvernementaux sont corrompus - l’écart entre les riches et les
pauvres est devenue très grand. Une polarisation aussi importante
menace non seulement la stabilité sociale mais entraîne aussi, à long
terme, le déclin économique. Sur ces fondements, la Chine ne peut pas
connaître une prospérité économique normale.
La porte de sortie planifiée par le PCC
Les
dirigeants du PCC ont déjà choisi une issue de secours pour eux-mêmes,
leur groupe et leurs proches, et cette issue est étroitement liée à la
mondialisation économique. Dans tous les autres pays communistes, à la
fin de la période de domination, le groupe au pouvoir n’avait
généralement pas la possibilité de fuir. Ils devaient donc faire face à
un problème concret : ne pouvant pas quitter le navire, étant obligés
d’y rester, sauver ce navire prêt à chavirer et sauver leurs propres
intérêts revenaient alors au même. C’est pour cela qu’il est apparu des
réformistes au sein même du parti en ex-URSS, qui voulaient sortir
l’URSS de la crise. Il en va de même pour les autres pays de l’Europe
de l’Est.
Mais la situation chinoise actuelle est tout à fait
différente. Grâce à la mondialisation économique et aux longues années
de relation que la Chine a eu avec la communauté commerciale
internationale, les dirigeants chinois à tous niveaux ont pu expatrier
d’importantes sommes d’argent à l’étranger, obtenir des passeports
étrangers, acheter des maisons à l’étranger où leurs enfants et proches
se sont déjà installés. t. Certains disent qu’il ne leur manque plus
qu’un billet d’avion pour s’enfuir lorsque cela sera le moment. Que le
navire chinois coule ou ne coule pas et de quelle manière n’est pas
leur vrai souci, tout ce qu’il leur importe, c’est de s’emparer le plus
possible des richesses présentes sur le navire pour les emporter à
l’étranger.
C’est pour cette raison que le gouvernement chinois
n’a jamais réellement enquêté sur la corruption des fonctionnaires,
qu’ils ne veulent jamais rendre publiques les informations sur les
richesses des dirigeants, ni pratiquer le projet de loi « rayons de
soleil » proposé par Zhao visant à rendre public les sources des
richesses des dirigeants, rendre transparents les moyen, légaux ou
illégaux, avec lesquelles ils acquièrent leur revenus. Le PCC se refuse
fermement à pratiquer de telles mesures franches et ouvertes, car en
faisant cela, il mettrait en lumière toute la corruption profonde du
PCC.
Le butin est prêt, et le transfert se fait rapidement. Le
1er décembre 2004 le gouvernement chinois a publié une réglementation
stupéfiante et sans précédent dans le monde : les chinois qui veulent
émigrer à l’étranger peuvent transférer leur fortune sans être
interrogé sur la source de la fortune, sans plafond des sommes, et sans
contrôle strict ; autrement dit, si quelqu’un a de l’argent et veut
l’emporter à l’étranger, qu’il le fasse, et qu’il en emporte autant
qu’il peut. Le gouvernement lui garantit de pouvoir tout emporter en
moins de 2 ans. Le but de cette loi est d’ouvrir une grande porte aux
fonctionnaires pour qu’ils puissent transférer leur fortune à
l’étranger.
A cause de cela, la future situation politique en
Chine sera encore pire que lors de la transition des autres pays
communistes. Le groupe actuellement au pouvoir ne prend plus ses
responsabilité envers la Chine, mais envers leurs portefeuilles et
l’enrichissement de leur famille, ils ne pensent qu’à prolonger leur
pouvoir en prenant le plus d’argent possible, et en le transférant à
l’étranger. Une fois le transfert terminé, une fois que la Chine aura
été ruinée, ils l’abandonneront comme une maison délabrée et s’en iront
en laissant les milliards de chinois qui ne peuvent pas partir, rester
sur cette terre où ils ne pourront pas survivre. Voilà la situation la
plus dangereuse à laquelle la Chine devra faire face dans le futur.
Cependant, actuellement, ce voile d’illusions n’a pas encore été
complètement déchiré, beaucoup de personnes nourrissent encore diverses
espoirs vis à vis du gouvernement et du Parti.
Version chinoise disponible ici