«Gestapo» chinoise et espionnage exposés en Australie
Les désertions en Australie de trois fonctionnaires chinois révèlent un
immense réseau d’espionnage, ainsi que l’existence d’une véritable
«gestapo» chinoise.
Le diplomate Chen Yonglin, premier secrétaire du
Consul général de Chine à Sydney, a provoqué une onde de choc à travers
le monde le 4 juin dernier. Il a déclaré publiquement que 1000 espions
opéraient en sol australien et affirmait avoir lui-même espionné les
dissidents chinois. Sa conscience ne lui permettant plus de poursuivre
sa tâche, il a fait une demande d’asile politique à l’Australie,
craignant pour sa vie s’il devait retourner en Chine.
Alors que
ses affirmations n’étaient pas prises au sérieux par le gouvernement
australien et que l’ambassade chinoise de Canberra traitait ses dires
de «pures fabrications», un deuxième déserteur chinois est sorti de
l’ombre et a confirmé ce qu’avançait M. Chen.
Hao Fengjun,
ancien policier du Bureau 610 en Chine, a non seulement confirmé les
propos de M. Chen, mais il a également fait la lumière sur
l’organisation policière dont il faisait partie, une entité comparable
à la gestapo nazie.
Jeudi dernier, une troisième désertion était
rendue publique. Son identité n’a pas été révélée pour des raisons de
sécurité et l’annonce a été faite par son avocat, Bernard Collaery. Me
Collaery a indiqué que son client avait déjà obtenu l’asile,
contrairement aux deux premiers déserteurs toujours en attente d’une
réponse du gouvernement australien.
Le Consul de Chine au Canada,
Huang Yongyue affirme que tous sont des menteurs. Lorsqu’on lui a
demandé son avis sur les désertions alors qu’il assistait au Festival
de la culture chinoise le 9 juin dernier à Montréal, il a répondu
«qu’il y a des tas de problèmes dans le monde et qu’il y a des
problèmes encore plus importants, alors regardons le spectacle!»
Réseau d’espionnage
Selon
les affirmations de M. Chen, le premier déserteur, les ambassades et
consulats chinois d’outre-mer seraient utilisés pour mener des
opérations d’espionnage contre les éléments jugés indésirables par le
Parti communiste chinois (PCC). Il dit avoir passé ces dernières années
à recueillir des informations sur les mouvements pro-démocratie, sur le
Falun Gong, les militants pour un Tibet libre, etc.
M. Hao
Fengjun, le deuxième déserteur qui avait, entre autres, pour tâche de
trier les renseignements recueillis à l’étranger, a confirmé
l’existence du réseau en y ajoutant les informations relatives à son
expérience directe. «Je sais que les espions chinois ne sont pas
seulement dans les ambassades et les consulats, mais aussi dans les
entreprises et les organisations chinoises à l’étranger», a-t-il dit
lors d’une entrevue exclusive accordée à La Grande Époque d’Australie.
M.
Hao a expliqué qu’il y avait différents moyens par lesquels les agents
spéciaux chinois entraient en Australie; certains le font en tant
qu’investisseurs, d’autres comme personnel technique. «Certains étaient
envoyés par le Bureau de la sécurité nationale et d’autres par
l’armée», a-t-il mentionné.
«Ils sont innombrables. Qu’il y ait des communautés chinoises ou pas, il y a des agents spéciaux chinois.»
Au Canada aussi?
Alors
qu’il travaillait pour le Bureau 610, M. Hao a travaillé avec une
centaine d’espions postés à l’étranger qui lui envoyaient l’information
recueillie sur les groupes religieux. Les rapports provenaient en
premier lieu des États-Unis, du Canada, de l’Australie et de la
Nouvelle-Zélande.
Quand Hao Fengjun a quitté la Chine pour
l’Australie en février dernier, il a apporté des documents secrets
qu’il a pris des ordinateurs du Bureau 610. Parmi ces documents se
trouvent, entre autres, des enregistrements de conversations privées
entre des pratiquants de Falun Gong canadiens. M. Hao estime le nombre
d’espions au Canada à environ un millier, soit le même nombre avancé
par Chen Yonglin au sujet de l’Australie.
Les autorités sont bien
au courant de cette présence importune sur le territoire. Des
révélations du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS)
faites à l’hiver dernier révélait l’activité d’espions chinois au
Canada. Il était écrit dans le National Post du 30 décembre 2004 :
«Une
source des services de renseignements a indiqué au National Post que la
Chine a illégalement ciblé la science et la technologie canadiennes et
qu’elle utilise des étudiants et des scientifiques en séjour pour
obtenir des informations secrètes.
L’information volée est livrée
au Centre d’information de la défense en science et technologie, une
branche de l’armée chinoise qui supervise une toile de manufactures et
d’institutions liées au nucléaire, à l’aéronautique, à l’électronique,
à la construction navale et à l’industrie militaire.»
Les
avertissements du SCRS ont été ignorés par le gouvernement libéral. Les
députés de l’opposition ont quant à eux vivement protesté. Ils ont
demandé le retrait des budgets destinés à la Chine sous forme d’aide
internationale, mentionnant qu’un pays qui pouvait envoyer des hommes
dans l’espace et dépenser des milliards en armements ne devait pas être
un des plus grands bénéficiaires de l’aide canadienne.
Bureau 610
Le
Bureau 610 est une agence semblable à la gestapo nazie ayant les pleins
pouvoirs. M. Hao Fengjun y a travaillé pendant plus de quatre ans. Il
décrit l’agence comme suit :
«Le Bureau 610 a été créé tout en
haut de la pyramide et est dirigé par Luo Gan, un des membres du
Politburo. Dans chaque province et municipalité il y a un Bureau 610
dans le Bureau de la sécurité publique, de même qu’à presque tous les
niveaux de gouvernement. Son rôle principal est de gérer l’affaire du
Falun Gong ou de persécuter le Falun Gong… »
Les documents
secrets que M. Hao a réussi à passer en Australie lors de sa désertion
sont une véritable «mine d’or» selon l’éminent avocat australien
Bernard Collaery. Dans une entrevue accordée au Australian Broadcasting
Corporation (ABC), il a dit que les documents secrets fournissaient des
preuves irréfutables de l’existence du Bureau 610 dont la Chine nie
l’existence. «Ils nous donnent leur [Bureau 610] plan de bataille, de
même que la preuve de la connexion jusqu’à Beijing. Ils nous éclairent
aussi sur l’espionnage en Australie», a mentionné Me Collaery.
Dans
l’entrevue accordée à La Grande Époque, M. Hao Fengjun révèle les
tortures systématiques infligées aux pratiquants du Falun Gong. Il
mentionne également l’existence des camps de travaux forcés, spécifiant
qu’il y en a - par exemple - sept uniquement pour la région de Tianjin.
Selon lui, la torture serait utilisée dans tous lesdits «camps de rééducation par le travail».
Le gouvernement australien est «prudent»
Lorsque
M. Chen s’est rendu au ministère de l’Immigration pour déposer sa
demande d’asile politique, les fonctionnaires ont immédiatement appelé
le Consulat de Chine pour avertir qu’un des leurs désertait. M. Chen et
sa famille ont dû s’enfuir et se cacher.
La réponse du
gouvernement australien dans cette affaire de désertion a été des plus
timides. Un réel débat de société est enclenché quant à savoir si M.
Chen Yonglin devrait rester en Australie ou repartir en Chine. Pour
certains analystes, les échanges commerciaux d’une valeur de 26
milliards en 2004 entre l’Australie et la Chine seraient suffisants
pour expliquer la position du gouvernement de John Howard. Il craint
plus que tout de froisser son troisième plus important partenaire
économique avec qui il prépare un traité de libre-échange.
Le
ministre de Affaires étrangères, Alexander Downer, a affirmé, lorsque
l’affaire a éclaté, qu’il n’avait jamais reçu de demande formelle de la
part de M. Chen pour obtenir l’asile politique. Ses propos ont été
réfutés par le Parti vert qui a publié la lettre de M. Chen adressée
personnellement à M. Downer.
Le sénateur Bob Brown, leader du
Parti vert, a affirmé lors d’une entrevue au ABC que, selon lui, il y
avait eu une directive ministérielle ordonnant de ne pas se mêler de
cette affaire. Il mentionne qu’à ce jour aucun agent des services de
renseignements australiens (ASIO) n’avait interrogé M. Chen Yonglin.
Pendant la Guerre froide, un tel cas de désertion aurait fait l’objet
d’interrogatoires interminables ayant pour but de soutirer le plus
d’informations possible.
Démission du Parti
Suite à
leur désertion rendue publique, les deux anciens fonctionnaires chinois
Chen Yonglin et Hao Fengjun ont démissionné du Parti communiste chinois
par l’entremise du site Internet de La Grande Époque, version chinoise.
Ils ont tous deux lu la série éditoriale des Neuf commentaires sur le
Parti communiste chinois publiée par le journal.
M. Chen, qui a dit «préférer mourir plutôt que de retourner en Chine» nous explique :
«Les
fonctionnaires chinois ont une double personnalité. Ils ont la nature
du Parti et la nature humaine. Et la nature du Parti a supplanté leur
nature humaine. J’étais ainsi auparavant. Mais, maintenant, j’ai décidé
de rejeter cela et d’aller de l’avant. Je ne vais pas permettre à ma
conscience d’être érodée ou à ma vie d’être détruite. Quant à moi, si
je ne vais pas de l’avant, je ne suis pas mieux que mort… dans un sens
spirituel.»
Quant à M. Hao Fengjun, voici un extrait de sa déclaration de démission du Parti communiste chinois :
«En
me joignant au Parti communiste chinois, j’avais de très grandes
attentes. La réalité n’est toutefois pas comme je l’imaginais. À
présent, le règne obscur de la Chine nie totalement les droits humains.
Je déclare donc solennellement que je me retire du Parti communiste et
de ses organisations affiliées.»