L'air pur ou l'air chaud ?

Écrit par Omid Ghoreishi - La Grande Époque
17.10.2006

Quelques détails ont été révélés la semaine dernière, mais Stephen Harper a dit que la loi permettra au gouvernement de remplacer le «système ad hoc et rapiécé» actuel par des «normes nationales claires, cohérentes et complètes». Il a dit que cela ferait passer l’industrie de la conformité volontaire à l’application stricte, et cela créerait une «approche holistique qui ne traite pas les questions des polluants et des émissions de gaz à effet de serre de manière isolée».

«Nous avons un plan qui remplacera la rhétorique par des résultats, un plan qui remplacera les délais à court terme par des progrès à long terme, un plan qui fonctionnera pour l’environnement», a déclaré M. Harper.

Il a précisé que les détails des réglementations seront développés après une consultation approfondie avec les gouvernements provinciaux et le milieu industriel.

Jusqu’à maintenant, le plan a été critiqué pour l’importance accordée à la réduction du smog plutôt qu’aux changements climatiques. Les critiques ont aussi signalé que des lois existent déjà sur les questions environnementales, et que la nouvelle Loi canadienne sur la qualité de l’air ne fera que retarder le passage à l’action.

«Nous avons déjà tous les outils législatifs en place sous la Loi canadienne de la protection de l’environnement pour réduire la pollution, les émissions de gaz, les matières sous forme de particules ainsi que les gaz à effet de serre», explique Emilie Moorhouse, une responsable de la campagne sur l’atmosphère et l’énergie au Sierra Club.

Cependant, Shannon Haggarty, porte-parole de la ministre de l’Environnement, Rona Ambrose, prétend que les politiques adoptées sous les libéraux n’étaient pas efficaces puisqu’elles étaient fondées sur les objectifs de Kyoto, lesquels avaient été établis arbitrairement sans focaliser sur la purification de l’air.

«Nous examinons les choses, travaillons ensemble au sujet des gaz à effet de serre et de l’air pur, plutôt que de se concentrer seulement sur l’un ou sur l’autre», commente Mme Haggarty.

Dans un rapport émis à la fin septembre 2006, Johanne Gélinas, commissaire fédérale à l’environnement, a critiqué l’ancien gouvernement libéral pour son échec à diminuer efficacement les émissions de gaz à effet de serre et elle a pressé le gouvernement conservateur d’augmenter considérablement ses efforts pour s’attaquer aux changements climatiques.

Objectifs de Kyoto

Même si les conservateurs ont dit qu’ils ne prévoyaient pas s’éloigner du protocole de Kyoto, ils ont fermement maintenu leur position qui veut que le Canada ne puisse pas respecter ses engagements en vertu de l’accord.

Le protocole de Kyoto est une convention internationale ayant force d’obligation qui exige des pays membres qu’ils réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre en dessous de leur niveau de 1990 durant une période d’engagement de cinq ans, de 2008 à 2012. Le Canada, qui détient cette année la présidence d’un organe-clé aux Nations Unies supervisant le protocole, a des niveaux d’émissions excédant de 27 % les niveaux de 1990, soit assez loin de ses objectifs de réduction de 6 %.

Jusqu’à maintenant, aucun autre pays à part le Canada n’a abandonné ses objectifs de Kyoto, même si certains ont aussi de la difficulté à rencontrer leurs objectifs.

Le Japon, avec un objectif de réduction à 6 %, émet présentement des gaz à effet de serre 13 % au-dessus de ses niveaux de 1990.

L’Union européenne, qui a inégalement réparti ses objectifs d’émissions entre les pays membres avec un objectif global de réduction de 8 %, est aussi loin d’atteindre ses buts. Mais elle a réduit ses émissions. Les données de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) démontrent que les niveaux d’émissions en 2004 étaient de 0,9 % plus bas que le point de référence de 1990.

Certains pays européens, tels que la Suède et le Royaume-Uni, ont eu plus de succès à rencontrer leurs objectifs. Le Royaume-Uni, qui devait réduire ses émissions de 12,5 % en dessous de ses niveaux de 1990, a en fait dépassé cette cible, même si l’écart s’est rétréci de 14,4 % en dessous en 2002 à 12,6 % en dessous en 2004.

Certains critiques sont inquiets que si le Canada ne tient pas compte de ses objectifs de Kyoto, cela pourrait inciter d’autres pays à ne pas respecter leurs engagements et ainsi entraver les ententes post-Kyoto.

«Nous devrions être un leader au sein de Kyoto, mais le gouvernement conservateur ne s’est pas, jusqu’à présent, manifesté comme un leader», fait remarquer Camille Labchuk, porte-parole pour le Parti vert du Canada.

Un récent sondage, effectué par la firme de recherche environnementale internationale McAllister Opinion Research, révèle que 77 % des Canadiens veulent que le Canada rencontre ou dépasse ses objectifs de Kyoto.

La semaine dernière, les trois partis de l’opposition ont battu les conservateurs sur un projet de loi d’initiative parlementaire émanant du député libéral Pablo Rodriquez, demandant au gouvernement Harper de rencontrer ses objectifs de Kyoto. Ce projet de loi, qui est passé en deuxième lecture, sera maintenant revu par le Comité de l’environnement à la Chambre des communes.

Également la semaine dernière, le député du Bloc québécois, Bernard Bigras, a remis à la ministre de l’Environnement, Rona Ambrose, une pétition signée par 80 000 Canadiens demandant au gouvernement de rencontrer les objectifs du protocole de Kyoto.

Sous l’entente de Kyoto, un parti n’arrivant pas à rencontrer ses objectifs d’émissions perdra son éligibilité à vendre des crédits sous le système d’échange de droits d’émissions. Il sera aussi obligé de compenser la différence plus une pénalité de 30 % à la deuxième période de l’entente qui viendra après 2012.