L’art de vendre un son «équitable»

Écrit par Gabriel Aubry Gayón, La Grande Époque
17.10.2006

«Chaque jour, lorsqu’on marche dans la rue, 41 % de notre expérience est sonore. Quand une entreprise fait une publicité, 99 % de l’expérience est visuelle. Pourquoi? Ça n’a aucun sens!»

  • Paul Anthony(攝影: / 大紀元)

 

Paul Anthony, 29 ans, est fier des valeurs qu’incarne Rumblefish, un carrefour Internet où les musiciens peuvent afficher leurs compositions et se faire piger par des entreprises du web, producteurs de films et de musique électronique, tout en offrant des services d’agence aux entreprises, créant des campagnes de buzz marketing. Il a fondé l’entreprise en 1996. Son but était de créer des liens entre les musiciens indépendants et les entreprises qui désiraient améliorer leur image (ou plutôt leur son) dans un cadre de marketing non traditionnel. Il innovait dans un terrain peu exploré qu’on appelle aujourd’hui la «mercatique musicale»[1].

À l’époque, il était tout seul dans son projet. Aujourd’hui, il coordonne une petite équipe de dix employés et dessert des clients, tels que JC Penney, The Sopranos, Red Bull et Adidas Originals.

Le concept a pris une certaine expansion ces dernières années avec des compagnies semblables, comme Magnatune, qui permet aux artistes de récolter 50 % des profits faits sur leur musique à travers le site. Contrairement au modèle de Itunes, ce site permet aux auditeurs d’écouter la musique avant de la télécharger. Comme Rumblefish, Magnatune explore de nouvelles voies pour créer un équilibre entre l’industrie, ses artisans et les consommateurs.

«Il y a cinq ans, elles (les compagnies) ne comprenaient pas ce qu’on disait. Aujourd’hui, des organisations internationales nous ont payés pour livrer des résultats. Seulement les mercaticiens les plus innovateurs travaillent avec nous», dit-il, dans son stand à l’Université McGill, lors du Sommet sur l’avenir de la musique qui s’est tenu du 4 au 8 octobre 2006.

Mais qu’y a-t-il de si nouveau? La musique fait partie des publicités à la télévision depuis toujours et les entreprises ont souvent recours à des artistes pour attirer de nouveaux groupes ciblés.

Mais Rumblefish n’est probablement pas la bonne compagnie pour recruter les Spice Girls pour faire la chanson thème de Pepsi. Leur approche est beaucoup plus alternative et interactive. Pour Red Bull, qui offre des boissons énergétiques dans la plupart des clubs de nuits, ils ont organisé, dans plusieurs villes, des ateliers de formation en musique électronique pour les intéressés et ont ensuite donné le disque compilation aux artistes participant au stage.

Pour une banque du midwest américain nommée Umpqua, Rumblefish a élaboré le projet Discover Local Music (découvrez la musique locale). Le projet consistait à recruter plusieurs musiciens locaux comme nouveaux porte-parole de la banque, avec des postes d’écoute et même une tournée de mini-spectacles dans les succursales. Les clients reçoivent aussi comme cadeau un disque de musique émergeante avec l’ouverture d’un nouveau compte. Umpqua, qui cherchait à renchérir son image auprès d’une clientèle diversifiée, a ainsi transformé ses succursales en endroits où l’on peut relaxer, écouter de la musique, voir ses amis et, bien sûr, faire ses opérations bancaires. Cette approche offre en même temps de la visibilité à des artistes peu ou moyennement connus.

N’empêche que des artistes très connus sont disponibles sur le site web, tels le roi du funk George Clinton, le crooner Mel Torme et Kool and the Gang.

Comme le souligne la directrice musicale de la firme, Merida Damewood, «Nous avons de la musique enregistrée dans des appartements et dans des salles de concert.» Une fois rendues aux bureaux de Rumblefish situés à Portland, Oregon (États-Unis), les compositions sont évaluées pour la qualité de l’enregistrement, la qualité artistique et le potentiel dans le marché que dessert Rumblefish. Dans le site web, elle affirme aussi qu’elle ne tolère pas la musique ayant des échantillons illégaux, ce qui est commun dans la musique électronique et le hip-hop.

Avec n’importe quel ordinateur muni d’Internet, les visiteurs de [rumblefish.com] peuvent rechercher les titres et même des listes d’écoute thématiques. Celles-ci incluent J’ai 14 ans et je suis en amour et Quelle est la taille de l’Univers? Tout ceci est pour permettre aux clients d’utiliser tous les raccourcis nécessaires pour trouver ce qu’ils cherchent. Un moteur de recherche efficace est une denrée précieuse pour le consommateur contemporain, explique M. Anthony. «Nous sommes à l’ère du filtre», affirme-t-il.

Après avoir trouvé la chanson «parfaite», l’utilisateur l’ajoute à son panier d’achat virtuel et utilise la calculatrice de licence qui détermine le prix selon l’utilisation et l’acheteur. Par exemple, la chanson instrumentale Big Block Dodge du funk-band Alcajazz coûte 5 $ US si elle est utilisée dans un podcast[2] Internet pendant la durée du droit d’auteur. Si une compagnie de production commerciale veut inclure une minute de cette chanson dans le générique de son film qui sera distribué internationalement, avec un maximum de 1 million de copies pendant dix ans, le coût s’élève à 11 694 $ US. Un chiffre vaut mille mots.

Mais quelle tranche de cette énorme somme se rend aux artistes? La compagnie négocie des ententes non exclusives avec les artistes et s’assure que ceux-ci gardent la totalité de leurs droits. Quand ils sont signés sous une maison de disques, les affaires deviennent un peu plus compliquées. «Nous ne travaillons pas avec les grosses maisons de disques. Ils ne comprennent tout simplement pas. […] Chez eux, 95 % de l’argent provient de 5 % de la musique. Chez nous, c’est presque le contraire», déclare-t-il.

«Nous envoyons de l’argent aux artistes, c’est ça ce qu’ils aiment!», dit-il, ajoutant : «Nous avons nos mains pleines avec ce que nous faisons.»

Originaire de San Francisco, Paul Anthony est batteur et producteur de profession et a enregistré son premier disque à l’âge de douze ans. À dix-neuf ans, il a fondé Rumblefish. Entre-temps, il a travaillé avec plusieurs artistes connus dont George Clinton et Sarah McLachlan.

[1] Traduction libre pour «music marketing».

[2] Podcast : Fichier au contenu radiophonique, audio ou vidéo qui, par l'entremise d'un abonnement au fil RSS, ou équivalent, auquel il est rattaché, est téléchargé automatiquement à l'aide d'un logiciel conçu à cette fin et destiné à être transféré sur un baladeur numérique pour une écoute ou un visionnement ultérieurs. Source : OQLF.