Lafond joue avec le feu

Écrit par Louis St-Onge, La Grande Époque
26.10.2006

La saga de controverse risque de continuer pour Jean-Daniel Lafond, mari de Michaëlle Jean. Dans son documentaire Le fugitif ou Les vérités d’Hassan – qui a été vu au Québec pour la première fois, le 20 octobre dernier, au Ex-centris, dans le cadre du Festival de nouveau cinéma (FNC) – Jean-Daniel Lafond joue l’avocat du diable pour dresser un portrait troublant des liens entre la Maison Blanche et la République islamique d’Iran. Un portrait un peu trop sombre, considérant son poste de consort vice-royal du Canada (époux de la gouverneure générale).

  • Hassan Abdulrachman(攝影: / 大紀元)

 

En 1980, quand il a appuyé sur la gâchette trois fois sur l’ancien attaché de presse du déchu Shah d’Iran, Ali Akbar Tabatabaï, David Belfield, un Noir américain musulman, n’avait aucune idée que cette action le mènerait à 25 années d’exil en Iran et à une vie solitaire. Les enjeux du film sont aussi complexes que ce personnage cassé par des événements plus forts que lui.

Après la mort des deux plus grands défenseurs de la cause noire du 20e siècle, Martin Luther King Jr et Malcolm X, des milliers de jeunes Noirs étaient en colère. Ont ainsi surgi des mouvements radicaux d’affirmation raciale et politique dont le Black Panther Party et Nation of Islam. David Belfield, aussi connu comme Daoud Salahuddin et plus tard Hassan Abdulrahman/Hassan Tantai, prend conscience des injustices envers sa communauté. C’est ce qui justifierait plus tard son acte terroriste.

Il se fait des amis dans ces mouvements de résistance dans la région de Washington et s’initie à l’Islam. Vers la fin des années 70, il entrelace plusieurs liens avec les étudiants iraniens musulmans fortement opposés à la monarchie du Shah proche des États-Unis et devient favorable à une révolution islamique. Après la révolution résolument anti-occidentale qui a installé un régime d’Ayatollahs, les révolutionnaires prennent l’ambassade américaine et ses occupants. La crise secouera la communauté internationale pendant 444 jours, jusqu’à l’investiture de Ronald Reagan comme président des États-Unis.

Agissant d’après une présumée Fatwa donnée par Khomenei envers l’ancien porte-parole du Shah et dissident du nouveau régime islamiste, Tabatabaï, Belfield s’est déguisé en facteur et s’est rendu à la maison du diplomate. Après avoir expliqué à celui qui lui a répondu à la porte qu’il avait besoin de la signature de Tabatabaï, ce dernier s’est dirigé vers la porte. Il s’est éteint quelques heures plus tard à l’hôpital.

Après la «livraison du colis», le suspect s’est rendu en auto jusqu’à Montréal, a pris l’avion pour Paris et ensuite pour Genève, et s’est rendu plusieurs jours plus tard à Téhéran. Depuis, il a même joué un rôle principal dans le film Kandahar, celui d’un réfugié politique en Afghanistan, ce qui a rouvert une plaie dans la société américaine, plaie qui semblait s’être fermée dans les années 80.

Le personnage est aussi douteux pour ses propos relativistes que pour ses actions. Il ne mange pas ses mots. «George Bush tue des gens à chaque jour, alors qu’est-ce qui fait de lui un champion de la démocratie et qu’est-ce qui fait de moi un terroriste?»

Malgré ses remords, qui ont causé de la souffrance pour toutes les parties concernées en commençant par lui-même, Hassan semble défendre son geste comme étant une réaction aux injustices qu’il a subies. En cela, il est appuyé par le cinéaste qui tente de trouver des justifications dans l’histoire américaine.

Les experts interviewés proposent plusieurs théories de conspiration dans l’affaire dont une manipulation de la crise par l’équipe Reagan afin de battre Carter, et une tolérance du gouvernement américain envers les meurtres de plusieurs personnalités pro-Shah autour du monde orchestré par la république islamiste, tout cela afin de gagner des points pour libérer les otages. Bien qu’elles semblent séduisantes à première vue, aucune de ces théories n’a été prouvée jusqu’à présent.

Son Excellence Jean-Daniel Lafond est le conjoint de Michaëlle Jean, donc membre du bureau de la gouverneure générale. Son œuvre générale était déjà controversée puisque c’est dans un de ses films qu’on a observé un penchant souverainiste chez la gouverneure générale du Canada avant qu’elle n’obtienne son poste. Plusieurs personnalités au Canada ont exprimé leur mécontentement envers Lafond pour ses propos visiblement anti-américains et pour avoir donné une voix à des théoriciens de conspiration et à un meurtrier. Il faut souligner que Lafond n’est pas le narrateur du film, mais plutôt Hassan. Dans un texte qui accompagne le dossier de presse du Fugitif, le documentariste affirme : «Il faut approcher l’autre, sans devenir l’autre, pour mieux mesurer sa place, son rôle, respecter ses secrets aussi.» Peut-être voulait-il juste comprendre qu’est-ce qui peut pousser une personne à enlever la vie d’une autre personne?

Mais comme on dit souvent entre journalistes : «On parle à travers nos sujets.» Lafond a décidé de s’exprimer à travers un meurtrier plutôt que d’un activiste pacifique. Il a opté pour la voie facile, celle du sensationnalisme et de la controverse. Le réalisateur était déjà vu par certains de ses anciens amis comme un opportuniste ayant abandonné ses principes pour des titres honorifiques, mais je ne ferai pas un jugement de valeur.

Ce qui inquiète est la façon qu’il a traité ce sujet. Faire un constat social à partir des confessions d’un sympathique terroriste qui a exécuté un homme pour le faire taire est au bord de l’acceptable pour n’importe quel cinéaste. Quand ce cinéaste se trouve à être le représentant de la Royauté au Canada, nul ne peut qualifier ce geste autrement que d’irresponsable.