Relations Inde-Chine : anciens rivaux, nouveaux alliés ?

Écrit par Vashuda Samanthula, La Grande Epoque Delhi.
01.12.2006

 

La visite en Inde du dirigeant du Parti communiste chinois (PCC) Hu Jintao, du 20 au 24 novembre, qui a marqué l’apothéose de «l’année de l’amitié indo-chinoise», a provoqué une avalanche de commentaires par les analystes politiques indiens, dubitatifs quant à la réalité d’une amélioration des relations entre les deux pays les plus peuplés du monde. 

  • Un manifestant pro-tibétain lors de la venue de Hu Jintao en Inde(Stringer: MANAN VATSYAYANA / 2006 AFP)

 

La visite officielle du dirigeant chinois, qui est passé par New Delhi, Agra, et Mumbai, a été accompagnée par la signature d’une dizaine d’accords commerciaux. Malgré les 20 milliards de dollars d’échanges commerciaux annuels et leur croissance de près de 20 % chaque année, certains analystes ne cachent pas leur scepticisme :

« La croissance dans les relations économiques et commerciales entre l’Inde et la Chine n’est pas un indicateur global de l’amélioration des relations Inde-Chine », écrit le Dr. Subhash Kapila, consultant du Groupe d’Analyse Sud-Asiatique dans un récent article. « Il n’y a, à ce jour, aucune convergence notable d’intérêts stratégiques, mais les dissonances stratégiques sont nombreuses en Inde quand il s’agit des politiques régionales chinoises en Asie du Sud. »

Un des éléments-clés de cette dissonance générale est la coopération militaire et les liens économiques étroits entre Chine et Pakistan – le Pakistan, frère ennemi, qui a été l’étape suivante de la tournée de Hu Jintao.

« La visite au Pakistan et l’annonce d’une coopération nucléaire et militaire va augmenter l’inquiétude de l’Inde quant aux intentions de la Chine en Asie du Sud », écrit  Kapila.

Depuis les années 70, la Chine aide le Pakistan dans le développement de missiles nucléaires, et s’est également placée du côté du Pakistan dans les deux guerres indo-pakistanaises de 1965 et 1971. Le plus récent épisode de la coopération sino-pakistanaise a vu Pékin aider Islamabad à obtenir 6 réacteurs nucléaires de 300 mégawatts  chacun.

Une autre source de tensions entre Chine et Inde est une dispute territoriale qui remonte aux années 50. Malgré un accord de co-existence signé en 1954, la région frontalière d’Aksai Chin a néanmoins été le point de départ d’une guerre entre l’Inde et la Chine quand les troupes de cette dernière ont traversé la frontière himalayenne en 1962.

Jawaharlal Nehru, le Premier ministre indien de l’époque, avait, d’après les historiens, réellement fait confiance à la Chine, pays lui aussi en développement et donc « frère », et n’a jamais pardonné cette invasion qui l’a forcé à développer militairement l’Inde au lieu de s’occuper de sa priorité, le problème de la pauvreté.

D’après certains analystes, la raison sous-jacente à l’attaque de 1962 était l’asile politique offert par l’Inde au 14e dalai-lama qui s’était enfui du Tibet après que les troupes chinoises ont envahi la région. Plus de 120.000 réfugiés tibétains vivent aujourd’hui en Inde, au grand mécontentement de Pékin.

La question des droits tibétains a d’ailleurs refait surface durant la visite de Hu Jintao. D’après l’association Friends of Tibet, le gouvernement indien a interdit à l’auteur Tenzin Tsundue de quitter Dharamshala durant la visite, sous peine d’être renvoyé au Tibet.

«  Cela vient clairement de pressions du gouvernement chinois », a commenté Tsundue dans un communiqué de presse. « Je suis né en Inde et j’œuvre de façon non-violente pour les droits de l’homme et pour la liberté de mon peuple. » La répression est bien réelle et permanente, une vidéo amateur réalisée par des randonneurs le mois dernier montre des garde-frontières chinois abattant de sang froid des Tibétains fuyant en passant par le Népal.

De nombreux Indiens doutent aujourd’hui profondément de la sincérité des gestes de bonne volonté que multiplient les dirigeants chinois. « On ne peut leur faire confiance. Le Parti communiste chinois cherche à contrôler le gouvernement indien par des moyens détournés », affirme par exemple Arving Kumar, un analyste indien. « Je ne pense pas que les relations entre Inde et Chine soient à un tournant positif. »