Deux contrebasses aussi légères que deux plumes

Écrit par Gabriel Aubry Gayon, La Grande Époque
23.12.2006

 

 

 

«Deux contrebasses, ça sonne comment? Assez léger, je dirais.» D’entrée de jeu, le contrebassiste Guillaume Bouchard, qui vient de lancer son disque Happy Blue en collaboration avec un autre contrebassiste québécois très connu, Michel Donato, est convaincu que le grand public se laissera emporter par les marées basses. Entretien avec la moitié d’un duo qui, sur disque, surprend l’auditeur à taper des pieds et à oublier ses maux. 

Guillaume Bouchard (gauche) et Michel Donato (droite), lors de l’enregistrement de Happy Blue. (Alain Labonté Communications) 

  • Guillaume Bouchard et Michel Donato lors de l’enregistrement (攝影: / 大紀元)

 

Michel Donato, 64 ans, et Guillaume Bouchard, à quelques pas de la trentaine, ont lancé Happy Blue la semaine dernière au Québec, cependant le disque est sur les tablettes des disquaires en France depuis novembre 2006.

Tandis que l’un assure le plancher et la sécurité du rythme, l’autre s’aventure dans des mélodies et harmoniques complexes, la démarche du duo étant irréprochable en matière d’«altruisme». En effet, la culture de bassiste est celle de laisser la place à l’autre tout en assurant sa propre prestance.

«C’est ça aussi le rôle de la contrebasse… faire un accompagnement pour solidifier le reste de l’orchestre», explique Bouchard, rejoint par téléphone à Québec. «Nous, on présente cela sous un nouveau jour», ajoute-t-il.

Le disque est divisé en trois parts égales : les compositions de Donato, dont Have You Met Mr. Jones; celles de Bouchard et des pièces connues du jazz de grands compositeurs tels que Miles Davis et le légendaire gitan Django Reinhardt, ce qui donne une certaine diversité à cet album cru caractérisé par l’absence d’arrangements.

Tous les morceaux ont été enregistrés à l’église de Bon Secours à Paris, une petite chapelle anglicane fabriquée en bois. Zigzag Territoires, une compagnie de disques française spécialisée en musique ancienne, a entamé l’enregistrement et la production de Happy Blue en utilisant les techniques courantes dans la musique ancienne. On a donc une vive impression d’entendre les contrebasses respirer.

Cette rencontre entre le public français, Donato et Bouchard a été des plus spontanées. Depuis une dizaine d’années, Donato, connu entre autres pour avoir joué derrière Oscar Peterson et Félix Leclerc, entretient avec Bouchard une relation de maître-disciple. Lorsqu’ils se rencontraient, les deux musiciens jouaient ensemble quelques morceaux qu’ils avaient composés, la plupart étaient déjà enregistrés sur d’autres ensembles.

Le public montréalais a pu aussi avoir un avant-goût de Happy Blue au Festival de jazz en 2003 où Donato, Bouchard et le batteur Michel Lambert ont présenté quelques pièces.

Quand les deux se sont retrouvés en France en 2004, ils ont continué à jammer avec les mêmes morceaux qu’avant, mais cette fois, dans l’ambiance parisienne. Cette atmosphère qui ne laisse personne indifférent était sans doute un catalyseur pour la concoction de Happy Blue.

«On était bien détendu avec une magnifique vue sur Notre-Dame-de-Paris», explique-t-il.

Les deux musiciens ont connu, dès leur jeune âge, un parcours musical semblable. Donato a connu les prouesses de la contrebasse à quatorze ans, après avoir expérimenté l’accordéon et le piano. Bouchard, lui, jouait du violon dès son jeune âge pour apprendre la contrebasse à quinze ans. Les deux proviennent de familles de musiciens professionnels.

La différence d’âge entre les deux contrebassistes est frappante. Tandis que l’un fêtera bientôt ses trente ans avec plusieurs collaborations en France et au Québec, l’autre a connu une carrière quadragénaire florissante. On ne peut toutefois parler de choc des générations mais plutôt de complémentarité. Que ce soit le jazz ou le classique, Bouchard et Donato se retrouvent sur la même longueur d’onde, s’inspirant des Charlie Parker, Bach et Mingus.

«On a beaucoup de plaisir à jouer ensemble. Un jeune, ça le fait rire. Lui aussi, il a des élans musicaux qui me font rire», lance Bouchard.