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Les diamants canadiens extraits malgré les conflits

Écrit par Joan Delaney, La Grande Époque
29.12.2006
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Plusieurs problèmes doivent être abordés, selon le chef des Premières Nations

Un groupe des Premières Nations en Ontario a déclenché une campagne auprès des Américains pour les persuader de ne pas acheter les diamants extraits du sol canadien. Le groupe affirme qu’en raison des effets sur l’environnement et des droits des autochtones actuels, plusieurs diamants canadiens sont extraits avec un coût caché.

Alvin Fiddler, adjoint au Grand Chef de la nation Nishnawbe Aski, qui représente 49 communautés des Premières Nations dans le nord de l’Ontario, fait observer que De Beers Canada compte développer massivement des projets de mines de diamants à ciel ouvert sur leurs terres traditionnelles, sans aucune consultation préalable et sans aucun respect pour les traités de droits.

«Nous avons toujours dit que, selon le traité, nous avons un droit sur les terres et les ressources des terres, et les droits que nous avons doivent être respectés par l’industrie et par le gouvernement», confie M. Fiddler à La Grande Époque.

La campagne visera largement les États-Unis, où les ventes de diamants représentent près de la moitié des 55 milliards de dollars dans le marché mondial.

Fiddler mentionne que certaines communautés qu’il représente sont dans une «situation plutôt désespérée» avec un taux de chômage de près de 70 %, des maisons surpeuplées, une mauvaise qualité de l’eau potable, le taux d’espérance de vie le plus bas au Canada et le taux de suicide chez les jeunes le plus élevé dans le monde.

«Il doit y avoir des mesures sur le partage des revenus avec les Premières Nations stipulant que toutes les ressources extraites de notre territoire doivent revenir à nos communautés», dit Alvin Fiddler.

Plus tôt cette année, le travail a commencé sur le projet d’exploitation Victor, la première mine de diamants en Ontario de la compagnie De Beers. Installée dans une région vierge de la Baie James, qui n’avait pas connue de développement industriel auparavant, la mine à ciel ouvert couvrira une région de 5000 hectares. Mais en raison de la déshydratation – l’eau est pompée de la mine – 260 000 hectares additionnels seront touchés, selon Mines Alerte Canada.

Plusieurs communautés des Premières Nations au nord de l’Ontario ont demandé un moratoire sur les explorations minières jusqu’à ce qu’une consultation décente se fasse sur le partage des revenus et l’effet sur l’environnement. Selon Fiddler, il y a plusieurs communautés dont les cas de réclamation de terres n’ont pas encore été résolus.

Au même moment, avec des fouilles minières continuelles dans la région, les groupes environnementaux sont inquiets à propos des dommages faits à la vaste forêt boréale, habitat d’une myriade d’oiseaux, de poissons, de plantes et de vies animales et un des quelques écosystèmes forestiers encore intacts sur la terre.

Joan Kuyek, coordonnatrice nationale de Mines Alerte, déplore qu’en avril dernier, quand De Beers a entamé l’exploitation minière de la terre des Premières Nations de Muskrat Dam sans permission, les hélicoptères et perceuses ont détruit les possibilités de la chasse à l’oie des neiges au printemps, sur laquelle dépend la communauté pour nourrir les aînés durant l’hiver.

«Les compagnies minières ont commencé à travailler sur des terres des autochtones souvent sans permission», ajoute Mme Kuyek. «Le seul fait qu’ils soient ici et s’ingèrent sur une terre traditionnelle a créé toutes sortes de problèmes pour les communautés qui sont déjà stressées.»

Le site Internet de la compagnie De Beers qualifie de «regrettable» l’interruption de la chasse à l’oie des neiges au printemps causée par les travaux entrepris dans la région, mais leur demande d’une rencontre avec Muskrat Dam ayant été refusée ils n’étaient pas au courant de la chasse. La compagnie déclare qu’elle s’est donné «beaucoup de mal» pour répondre aux besoins des communautés locales à l’intérieur des terres où elle opère.

Au dire de Mme Kuyek, la nation Attawapiskat, une communauté «petite et fragile», a accepté la mine Victor étant donné sa situation financière précaire. Elle croit que cette communauté n’était pas consciente de l’ampleur des conséquences de ce projet sur l’environnement.

Pour la première fois dans les annales de l’exploitation minière, la mine Victor est construite sur la tourbière, un sol humide et marécageux. Pour garder la mine sèche, l’eau doit être constamment pompée profondément de la terre, où il y a plusieurs systèmes d’eau interconnectés. Étant donné que l’installation est près de la mer, l’eau est salée. Donc, cette eau salée sera pompée tout près de la rivière Attawapiskat, fait valoir Joan Kuyek

En 2003, à la suite de la conscientisation croissante des consommateurs et de la critique sévère des militants défendant les droits de l’homme au sujet des diamants de guerre alimentant les conflits armés en Afrique, l’industrie du diamant a finalement serré les dents. Elle a travaillé avec le ONG et les gouvernements pour mettre en place le Processus Kimberley, une initiative internationale qui certifie la provenance des diamants.

Même si le Processus Kimberley a été relativement fructueux, les ONG disent que les diamants de guerre arrivent malgré tout à frayer leur chemin parmi le marché légitime des pierres précieuses. Avec la diffusion récente du film Blood Diamond (Le diamant de sang), ayant pour histoire la guerre civile au Sierra Leone dans les années 90, des revendeurs de diamants et des responsables de l’industrie se préparent à la nouvelle vague de consommateurs avertis.

Même si les diamants canadiens ne sont pas dans la même catégorie que Blood Diamond (Le diamant de sang), Tara Scurr, d’Amnesty International, avance que les gens, croyant que les diamants canadiens sont «propres», sont souvent inconscients de l’enjeu des problèmes des droits humains et environnementaux.

«Le drainage des lacs et la destruction des habitats est un très sérieux problème pour les gens dans le Nord et pour chacun de nous», mentionne Tara Scurr.

Mme Scurr explique qu’il y a un peu une attitude «cowboy» parmi les compagnies d’extraction opérant dans le Nord, car elles essaient de tirer profit du peu de surveillance et de l’absence de consultations appropriées avec les autochtones.

Ces dernières années, la Cour suprême a rendu des jugements stipulant que les Premières Nations doivent être consultées et, dans certains cas, doivent donner leur consentement avant la mise sur pied des projets de développement sur leurs terres. Mais M. Fiddler souligne que l’industrie et les gouvernements continuent toujours de ne pas tenir compte de ces décisions.

Même si la mine Victor ira quand même de l’avant, M. Fiddler espère que des problèmes tels que la réclamation des terres, le partage de revenus, le traité des droits et l’environnement feront l’objet d’une discussion avant la réalisation d’autres développements majeurs dans la région.

«L’Ontario et le gouvernement fédéral affirment que le Nord est ouvert au commerce. Nous disons qu’il ne l’est pas, nous devons parler de nos droits et de nos problèmes en premier», affirme M. Fiddler.

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