Le sexisme, le féminisme et Ségolène Royal

Écrit par Clotilde Monteiro, Politis.
04.12.2006

 

 

 

Des femmes politiques et une féministe se prononcent sur l’action et les idées de Ségolène Royal relatives aux femmes, et sur les attaques dont la candidate à l’investiture socialiste est l’objet. 

  • Ségolène Royal(攝影: / 大紀元)

 

« Est-ce qu’on dirait ça d’un homme ? », c’est la question renvoyée

par Ségolène Royal aux deux journalistes (masculins) de Ouest-France

qui lui demandaient, le 31 octobre dernier, si elle était

« autoritaire, voire cassante », comme l’affirment « certains de ses

adversaires ». La candidate à la candidature socialiste pour la

présidentielle de 2007 avait commencé par répondre : « Je ne pense pas

être cassante, je suis exigeante. Peut-être y a-t-il aussi dans cette

critique une dimension sexiste. » Depuis que les sondages l’ont rendue

populaire, l’actuelle présidente de la région Poitou-Charentes fait

l’objet de critiques ayant parfois à voir avec le fait qu’elle est une

femme.

Que pensent les femmes de ces difficultés supplémentaires qui leur

sont imposées dès lors qu’elles évoluent dans un univers

majoritairement masculin, voire machiste ? Qu’elles soient femmes

politiques ou éminentes féministes, l’ensemble de leurs points de vue,

parfois antagonistes, donne la mesure de la complexité de la réponse,

et pose la question du « féminisme » de Ségolène Royal.

Michèle Sabban, vice-présidente du conseil régional d’Île-de-France,

juge sévèrement la nature de la réponse faite par Ségolène Royal à

Ouest-France. Elle estime qu’« en récusant son autoritarisme, Ségolène

Royal joue avec une certaine représentation de la femme. Louise Michel

ou Indira Gandhi étaient des femmes autoritaires et l’assumaient.

Pourquoi une femme dans l’exercice du pouvoir devrait-elle véhiculer

une inévitable image maternante, qui serait implicitement le propre de

toute femme ? »

Cette proche de Dominique Strauss-Kahn reproche à la présidente de

Poitou-Charentes de prôner le concept « travail, famille, maison » et

de ne pas porter le combat féministe. Par conséquent, Michèle Sabban a

décidé avec certaines élues socialistes, telles qu’Annick Lepetit et

Anne Hidalgo, de soumettre le 24 novembre, au lendemain de

l’investiture, au candidat ou à la candidate élu(e), cinquante

questions relatives aux femmes et à la santé, élaborées « avec un panel

de militantes et de militants socialistes ».

Si Laurence Rossignol, chargée des droits des femmes au Parti

socialiste et vice-présidente de la Région Picardie, approuve la

candidature d’une femme aux plus hautes fonctions de l’État, elle ne

manque pas de porter un regard critique sur les positions de la

candidate à l’investiture. Selon cette proche de Laurent Fabius,

Ségolène Royal se situe « en dehors du combat féministe et s’est

construite en marge de la confrontation collective du parti, d’où un

parcours solitaire plus que solidaire ». Ce qui explique qu’elle « se

positionne davantage sur un plan féminin que féministe ». Ces réserves

n’empêchent pas Laurence Rossignol d’approuver sa réponse aux

journalistes de Ouest-France, réponse qu’elle ne juge pas

essentialiste. Elle préfère souligner la nature sexiste de ces attaques

« récurrentes » dirigées contre les femmes qui briguent ou exercent un

pouvoir majoritairement détenu par des hommes : « Cette question était

clairement destinée à obliger Ségolène Royal à se justifier en tant que

femme, il était donc tout à fait légitime de sa part de répondre sur ce

registre. »

La chargée des droits des femmes au PS impute malgré tout une part de

la responsabilité à Ségolène Royal, qui, selon elle, prête le flanc à

ce type d’attaques en prétendant faire de la politique autrement, au

seul motif qu’elle est une femme : « Quand elle parle de démocratie

participative, dans l’implicite, celle-ci propose une alternative

personnelle à la politique faite par des hommes et à la crise

démocratique. »

D’où l’importance de critiquer Ségolène Royal sur le projet

politique dont elle est porteuse, qui « a pour objectif, non formulé

par elle-même mais clairement par son entourage, de transcender le

clivage droite/gauche ». Laurence Rossignol ajoute que ces attaques

sexistes ne font pas avancer le débat : « Ceux qui cherchent à

déstabiliser Ségolène Royal devraient plutôt lui demander ce qu’elle

pense, par exemple, de l’allocation parentale d’éducation, comme

d’autres dispositifs de la politique de la famille, qui contribuent à

maintenir à l’écart du monde du travail des milliers de femmes. »