La générosité à bon marché
Depuis plusieurs années, les ONG, oeuvrant dans les pays touchés par
des catastrophes naturelles, dénoncent la présence de médicaments
périmés ou détériorés, donc inutilisables, parmi les tonnes de
médicaments reçus. Il en va de même pour l’aide alimentaire, qui est
souvent inadaptée aux conditions de vie des habitants de ces pays. Mais
qu’en est-il chez nous ? Les personnes les plus pauvres sont, en
général, exclues involontairement des enquêtes nationales. Compte tenu
du nombre élevé de personnes considérées comme pauvres en France (en
2003, selon l’Insee, entre 3,7 millions et 7,1 millions selon le seuil
utilisé), le problème de leur état nutritionnel constitue une réelle
priorité dans les actions de santé publique.
En 2003, le
secrétariat d’État à la Lutte contre l’Exclusion et la Précarité a
saisi l’INVS pour que l’unité de surveillance et d’épidémiologie
nutritionnelle (Usen) réalise une étude permettant de décrire les
consommations alimentaires et l’état nutritionnel des personnes
recourant à l’aide alimentaire. Cette étude a été réalisée à Paris,
Seine-Saint-Denis, Dijon et Marseille. Parmi les personnes interrogées,
65,2 % vivaient dans un appartement ou une maison, ou étaient hébergées
par un proche. Au total, 35,3 % de l’échantillon a déclaré vivre en
couple, et environ la moitié (51,6 %), avoir des enfants à charge
(nombre moyen : 2,3).
Alors que l’aide alimentaire n’est
généralement pas conçue pour subvenir à l’ensemble des besoins
nutritionnels, les personnes y recourant la décrivent comme étant leur
source d’approvisionnement quasi unique. De ce point de vue, c’est
l’organisation même de l’aide alimentaire qui doit être remise en
question. Il ne fait aucun doute que ces résultats, même limités d’un
point de vue géographique, doivent déboucher sur des décisions de
politique de santé publique intégrant des mesures sociales fortes. Les
structures d’aide alimentaire ont le souci de distribuer des aliments
en adéquation en suivant les recommandations des nutritionnistes. Elles
proposent notamment à leur personnel des formations pour la
constitution de colis ou repas équilibrés. Mais elles se heurtent trop
souvent à de fortes contraintes d’approvisionnement. Les dons des
acteurs privés ou de la population sont fréquemment de mauvaise qualité
nutritionnelle et les quantités sont insuffisantes. Les aides de l’État
ne comblent pas ce manque, ce qui oblige ces structures à acheter des
aliments de qualité moindre. La plupart des personnes qui ont recours à
cette aide pour s’alimenter n’ont pas les moyens de la compléter. Pour
les autres, les compléments s’achètent principalement dans les hard
discount.
Or, des analyses ont démontré que les aliments à prix
cassés contiennent majoritairement trop de sucres et des graisses de
mauvaise qualité. Cela conduit à des déséquilibres nutritionnels
entraînant des pathologies comme le diabète, les maladies
cardiovasculaires, le cancer ou autres maladies chroniques. Par
ailleurs, l’obésité est particulièrement fréquente chez les personnes
de faible statut socioéconomique, phénomène lié semble-t-il en grande
partie, au faible coût des aliments les plus caloriques et au coût plus
élevé des aliments de bonne qualité nutritionnelle. Le chômage est la
principale cause de précarité. Viennent ensuite les familles
monoparentales, les personnes ne parlant pas français et celles n’ayant
pas une santé qui leur permette de travailler. Une éducation à la
solidarité serait nécessaire pour nous permettre de mieux répondre aux
besoins des plus déshérités si nous voulons que notre générosité reste
une richesse.
Source : Institut de veille sanitaire