Heureusement, les hommes sont de grands enfants!
Je ne me souviens pas de l’instant précis où je suis devenu adulte, ça a dû se passer durant mon sommeil. Je m’étais pourtant juré de ne jamais tomber si bas… Pour y échapper, j’avais tout prévu depuis des années ; j’avais observé de loin les agissements des gens sérieux, appris leur mimique de personnes fatiguées de tout, et assimilé l’essentiel de leurs expressions d’adultes, comme « pas le temps », « problèmes » et « impôts ». Comme le vaccin contre l’adultite était toujours en voie de développement, je me suis concentré, en surface, à devenir une grande personne. En quelques mois, Blondinette et moi nous sommes transformés en de curieux banlieusards en herbe et avons plongé tête première dans les tracas ennuyeux de la vie adulte. J’ai tout de même choisi le métier le plus amusant que j’ai pu trouver et je me suis essayé à ce nouveau rôle de personne sérieuse, me promettant bien de garder, sous mon masque, mes yeux d’enfants. Longtemps j’ai cru être le seul à avoir encore besoin de jouer. Puis, en discutant à gauche et à droite, en laissant mes amis se confier, j’ai compris à quel point ils avaient aussi besoin de retrouver leurs yeux d’enfants. Observez les gens autour de vous… Voyez-vous cette petite étincelle qui jaillit de temps en temps de leur regard ? |
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La première fois qu’il revêt son uniforme, le policier doit revoir tous les policiers qui ont marqué sa jeunesse. L’avocat qui lance haut et fort « Objection ! » est inévitablement inspiré par la centaine de fois où il a vu son acteur préféré faire la même chose. Quand votre mari boucle son ceinturon d’ouvrier et se promène avec marteau et perceuse aux hanches, il jubile. Même ce type en habit-cravate qui consulte ses cotes boursières chaque matin doit forcément y trouver un certain plaisir. Les hommes sont de grands enfants, dites-vous ? Oui, et heureusement. Nous gardons sans nous en rendre compte beaucoup d’influence de notre jeunesse. Jeune, je ne rangeais jamais ma chambre. Vous voyez, aujourd’hui le désordre s’étend à toutes les pièces. Bon, ce n’est sûrement pas un bon exemple… Souvent, il s’agit de voir la vie comme un jeu pour enfin l’apprécier pleinement. Vivre implique de gagner parfois, de perdre aussi, d’apprendre, de créer et d’extérioriser une partie de soi mal connue. Bref, de ne pas se prendre au sérieux pour un moment. Si je voulais jouer au chroniqueur crédible, je citerais ce psychologue qui disait : « Jouer, c’est s’affronter, se conquérir ». C’est aussi une façon de combattre le trop sérieux entonnoir du monde adulte, qui nous attaque à coups de responsabilités, de projets d’avenir, de planification financière et de traitements de pelouse. Les grandes personnes aussi ont besoin d’être émerveillées. On a, quelque part au fond de soi, un petit monde unique qui mérite d’être revisité. Pas pour s’y cacher, juste pour se retrouver. J’ai toujours aimé le bruit que font les touches du clavier. Alors, je me suis trouvé un nouveau jeu cette saison. Je vais jouer à vous écrire.
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