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Le chamanisme, médecine de l’âme - 1

Écrit par Patrick Shan praticien en médecine traditionnelle, La Grande Époque
11.08.2006
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Au début de la médecine était le chamanisme. Le mot est d’origine

sibérienne, mais il recouvre une réalité présente dans l’histoire

médicale de tous les continents. De l’aborigène d’Australie à

l’homme-médecine sioux, en passant par le kahuna hawaïen, le miko

japonais ou le bombo tamang du Népal, chaque socio-culture a son

chaman, personnage mystérieux et androgyne, à la croisée du prêtre et

du médecin. On dit de la médecine qu’elle est un sacerdoce. En latin,

ce mot veut dire « prêtre ». Tout comme le mot chaman, en langage

toungouse, ou marabout, en langue arabe. Et il faut bien admettre que,

de nos jours encore, la frontière entre religion et médecine reste

indistincte : certains patients font du médecin leur confesseur, tandis

que d'autres partent en pèlerinage trouver la guérison. Comment

pourrait-il en être autrement, dès lors que l’entité humaine est faite

d’un corps et d’un esprit qui interagissent en permanence, entre une

naissance et une mort qui ne sont elles-mêmes que les deux faces d’une

même vie ?

  • Un Chaman mexicain(攝影: / 大紀元)

 

 

La médecine chamanique chinoise

A l’instar des autres

ethnomédecines, la médecine chinoise est d’origine chamanique. Son

ouvrage de référence, le Huang Di Nei Jing (300 av. J.-C.), révèle que

« dans la Chine ancienne, les médecins étaient des chamans (Wu Yi :

médecins-sorciers). » Dans cet ouvrage, l’empereur Huang Di demande à

son médecin Qi Bo :

– « On dit que les anciens traitaient les

malades en se bornant, par des invocations (Zhou Yu Ke), à déplacer

l’essence et transformer l’énergie (Qi). Comment se fait-il

qu’aujourd’hui on doive recourir aux médicaments contre les maladies

internes et aux aiguilles contre les maladies externes, et souvent sans

succès ? »

– « Nos ancêtres vivaient parmi les animaux. Ils se

protégeaient du froid par l’activité physique et de la chaleur en se

mettant à l’ombre. Ils n’avaient ni attaches domestiques ni charges

publiques. Dans cette ère de tranquillité les perversions (maladies

exogènes) ne pouvaient s’enfoncer profondément ; les médicaments pour

l’intérieur et les piqûres pour l’extérieur étaient sans nécessité ;

les déplacements d’essence par invocations suffisaient. Il n’en est

plus de même à présent car les soucis domestiques gâtent la vie intime

et les travaux pénibles endommagent le corps ; et cela d’autant plus

que, pêchant contre les impératifs saisonniers, on s’expose aux vents

malfaisants qui déposent du matin au soir des atteintes par vide (Xu

Xie : facteurs pathogènes générés par faiblesse interne – nous dirions

aujourd’hui immunodéficience –), pénétrant jusqu’aux viscères et aux

moelles après avoir lésé extérieurement les orifices et la peau. De

telle sorte que les moindres maladies sont aggravées et les plus graves

deviennent mortelles, sans que les invocations puissent y mettre un

terme. »

Ce texte ancien souligne le fait que les sociétés

humaines qui vivaient de façon simple, en contact avec la nature, bien

que ne disposant pas du confort moderne, n’avaient pas non plus toutes

ses obligations, laissant aux individus le loisir de s’adapter, se

protéger, fonctionner en symbiose avec l’environnement.

L’éloignement

de cette nature a entraîné une inadaptation progressive de l’homme à

son milieu, et favorisé le développement de nouvelles maladies, rendues

virulentes par son propre affaiblissement. Pour traiter ces maladies,

une médecine de type chamanique, faisant essentiellement appel aux

ressources de la nature et à celles de l’esprit, est devenue à son tour

insuffisante. Ceci dit, le chamanisme semble connaître depuis quelques

années un regain d’intérêt en Occident. Sans doute le doit-il à sa

vision naturelle, holistique et spirituelle de l’être humain, qui

apparaît d’une étonnante modernité, en phase avec un vingt-et-unième

siècle décidé à rompre avec un matérialisme incapable de venir à bout

des maladies qu’il a lui-même créées.

La folie comme processus de guérison

Quelle

que soit la tradition à laquelle il appartient, la principale

caractéristique du chaman est sa vision élargie de la réalité, son

apparente familiarité avec un royaume échappant à la conscience

éveillée ordinaire. Pour comprendre le chamanisme, il faut accepter le

monde des morts et des esprits. Il faut admettre la notion de

perception extra-sensorielle, d’état modifié de conscience, d’existence

d’un « au-delà » des sens ordinaires que réfute la science

matérialiste. Il faut réviser l’idée que l’on se fait de la sagesse et

de la folie, et admettre que ce que l’on nomme chez nous schizophrénie

ou hystérie, peut tout aussi justement être appelé transe ou possession

dans d’autres contextes socioculturels, et qu’un chaman n’est autre

qu’un « fou guéri ». Freud lui-même suggérait que l’on devrait «

considérer les troubles psychotiques comme la dissolution d’un ego trop

rigide, suivie d’une tentative de reconstruction, de renaissance à soi,

qui, dans le cas du psychopathe, n’est jamais pleinement réussie ». Il

écrit : « Le rôle d’une psychose, dont nous pensons qu’elle est un

phénomène pathologique, est en réalité une tentative de guérison, un

processus de reconstruction » . En apparence, rien ne distingue un

Sadhu indien ou un sorcier Yaki, de certains illuminés enfermés dans

nos hôpitaux psychiatriques. Si ce n’est que les premiers sont maîtres

de leur folie, et pas les seconds. La différence est de taille, et la

confusion dramatique. Aussi, avant d’enfermer tous les « rêveurs sacrés

», devrions-nous essayer de redécouvrir comment ils fonctionnent, et ce

qu’ils peuvent apporter à une société normopathe qui ne sait plus

rêver. Le succès de séries télévisées comme X-files ou de films comme

Le 6e sens, stigmatise à sa manière ce besoin confus d’une génération

actuelle en mal d’initiation, et en quête de réponse à des questions

qui ont toujours fait partie de l’homme.

Le voyage de l’âme

Pour

les médecines chamaniques, l’être humain est constitué de plusieurs «

corps » de différentes densités, chacun ayant sa propre réalité. En

médecine chinoise, on distingue le corps physique Shen Di, le corps

ethérique ou astral Po, le corps mental ou conscience Shen, et le corps

de l’âme Hun. Bien qu’indépendants les uns des autres, ces différents

corps, ou agrégats, ne sont pas séparés. Ils forment les entités de

l’être composite que nous sommes, tout comme une bougie est à la fois

cire, mèche, flamme, chaleur et lumière. Hormis le corps physique, les

trois autres agrégats, conscience Shen, âme spirituelle Hun, âme

physique Po peuvent tout aussi bien être décrits comme des « formes

d’esprits ». Cependant, le terme « corps » leur donne une plus grande

réalité. Bien que ces corps vibrent à un diapason différent, ils sont

reliés par une même énergie, le Qi qui maintient l’ensemble en vie, et

rend ces corps capables de s’influencer, se régler ou se dérégler

mutuellement.

La particularité du chamanisme est de prendre

appui sur les corps-racines les moins manifestés, le Po et le Hun, pour

agir sur le corps physique et la conscience ordinaire. Cela se fait

généralement au moyen d’une transe, au cours de laquelle le corps et

l’esprit ordinaires sont mis en veille, pour laisser les corps-racines

s’exprimer. Selon les traditions, cette transe prend différents noms :

voyage de l’âme, temps du rêve, quête de vision...

En médecine

chinoise, cette expérience se nomme Shi Hun (perte de l’âme), et

correspond à une situation où le Hun se sépare temporairement des

autres corps. Dans cette situation, le sujet est éveillé, mais sa

conscience est sans contrôle.

Cliniquement, cet état se manifeste

par des signes de folie ou d’hystérie Dian Kuang. L’âme Hun est en

effet la racine de la conscience Shen, et si le Hun s'échappe, les

racines de la raison et des sentiments sont coupées.

L'esprit

peut alors divaguer, rencontrer d’autres niveaux de réalité, entrer

dans le monde des esprits, s’imprégner de leurs conseils et de leurs

pouvoirs. Il convient donc de réserver le terme de folie aux aspects

définitifs de Shi Hun. Car de la même manière que le sommeil n'est pas

le coma, le transe et l’état modifié de conscience ne sont pas la

folie. Tout dépend de la possibilité pour l’âme de réintégrer ou non

les autres corps à l’issue de son voyage.

Un esprit peut en cacher un autre

Le

terme « esprit » utilisé dans les médecines chamaniques peut être sujet

à diverses interprétations en terme de médecine chinoise. Il peut

désigner :

- Le Grand Esprit (litt. « Grand Mystère ») : Wakan Tanka des sioux, Xuan ou Ling des Chinois ;

-

L'esprit (ou pouvoir) des orients ou directions : sensible équivalent

des Wu Xing et du Yin Yang dans la médecine chinoise (bien que ces

derniers fassent initialement référence au pouvoir des planètes, du

soleil et de la lune) ;

- Les esprits qui « visitent » le chaman

lors d'une transe : équivalents des Shen chinois (« esprits errants »

n’ayant plus de support corporel) ;

- L'esprit (ou pouvoir) des

pierres, des animaux ou des plantes : corps vibratoires avec lesquels

le Hun et le Po de l'homme peuvent communiquer lors des pratiques

rituelles.

 

 

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