Israël à l'heure du bilan

Écrit par Marc Gadjro, La Grande Époque
15.08.2006

  • Un policier aide un homme et ses enfants suite à une attaque à la roquette du Hezbollah sur la ville de Haïfa, dans le nord d’Israël. Selon la police, plus de 180 roquettes sont tombées sur Israël le 13 août 2006. photo : Roni Schutzer/AFP/Getty Images(攝影: / 大紀元)

Après la pluie de bombes, le beau temps ne semble pas promis au gouvernement d’Ehud Olmert, le premier ministre israélien, dont l’hétéroclite coalition, édifiée au nom de la lutte contre le Hamas et le Hezbollah, se lézarde à mesure que la perspective d’une solution diplomatique se profile. L’adoption de la résolution 1701 par le Conseil de sécurité le 11 août 2006 met théoriquement fin aux sanglants bombardements auxquels se livrent le Hezbollah et l’armée israélienne depuis plus d’un mois, tout en permettant à chacun des deux belligérants de prétendre avoir atteint ses objectifs initiaux. Mais l’heure du bilan s’annonce délicate pour le successeur d’Ariel Sharon.

Ils n’étaient certes que quelques centaines à se presser, le 10 août 2006 à Tel Aviv, devant le ministère de la Défense. Mais c’était la première véritable manifestation contre la guerre au Liban dans la métropole israélienne. Jusqu’ici, seuls des groupuscules gauchistes ou des partis arabes avaient brandi quelques pancartes pour dénoncer les opérations menées contre le Hezbollah. Cette fois, c’est à l’appel de mouvements plus représentatifs que s’est déroulé le rassemblement : le parti de gauche Meretz, mené par l’ancien ministre Yossi Beilin et le principal mouvement pacifiste, la Paix maintenant.

La stratégie du gouvernement en question

Manifestation d’autant plus significative que ces deux formations avaient au départ soutenu l’offensive lancée au Liban après l’enlèvement de deux soldats israéliens, le 12 juillet dernier, par les miliciens chiites, estimant qu’il s’agissait d’une opération de «légitime défense». Mais la décision du cabinet de sécurité d'élargir la zone occupée par l'armée israélienne et l’ampleur des destructions au Liban (plus de 1100 morts et 900 000 déplacés, soit un quart de la population) a provoqué un retournement de ces mouvements.

Plus largement, l’opinion israélienne s’interroge sur la stratégie adoptée par le premier ministre. Malgré ses avancées et ses bombardements massifs, l’armée n’est parvenue qu’à instaurer au sud du Liban une zone tampon mettant le territoire israélien à l’abri des roquettes du Hezbollah, mais abandonnant du même coup le rêve de l’éradication définitive de la milice chiite. Celle-ci a tiré, en moins de cinq semaines, près de 4000 projectiles sur le nord d’Israël, tuant 38 civils, paralysant une région où vivent un million de personnes, chassant de chez eux un tiers de ses habitants et contraignant les autres à se terrer dans des abris. Les pertes militaires s’alourdissent : 110 soldats israéliens ont péri au sud du Liban. Selon l’armée, la journée du 12 août ayant été la plus meurtrière avec 24 soldats tués et plus de 85 autres blessés au Sud-Liban.

L’heure des règlements de comptes politiques

Des sondages indiquent une baisse très nette de la popularité d’Ehud Olmert. Selon une enquête publiée par le quotidien de gauche Haaretz, qui titrait récemment «Olmert doit partir», seuls 48 % des Israéliens se disent aujourd’hui satisfaits de la politique du chef du gouvernement, alors qu'ils étaient plus de 75 % au début de l'offensive israélienne. Quant au ministre de la Défense, Amir Peretz, accueilli en messie par la gauche il y a encore quelques mois, sa cote de popularité tombe de 65 % à 37 %.

Reste que, de toute évidence, le premier ministre israélien traverse une passe difficile. Le débat se fait plus vif. La prise en charge du processus par les Nations Unies et la perspective du retrait de l’armée israélienne du Sud-Liban dans les prochaines semaines précipitent l’heure des règlements de comptes politiques. À droite, l’opposition – le Likoud notamment – avait prôné l’union nationale dès le début du conflit, se rangeant derrière le gouvernement. Aujourd’hui, ses dirigeants reprennent leurs attaques, lui attribuent les revers militaires et diplomatiques subis par Israël et demandent sa démission.

Ils estiment, notamment, que le projet de résolution, adopté par le Conseil de sécurité des Nations Unies, équivaut à une victoire du Hezbollah, grandement renforcé au sein de l’opinion publique arabe. Ainsi, l'ancien ministre des Affaires étrangères Silvan Shalom, un des leaders du Likoud, juge «le résultat calamiteux car le Hezbollah en profitera pour se réarmer – ce qui veut dire que la guerre sera repoussée de quelques années au plus – et alors ce ne sera pas seulement le nord d'Israël qui se trouvera sous la menace des roquettes, mais tout le pays».

Israël entre soulagement et pessimisme

Le gouvernement lui-même se retrouve divisé. Le 9 août, lors de la réunion du cabinet de sécurité, de graves dissensions sont apparues selon la presse israélienne entre les partisans d’une ligne dure soutenue par l’armée et les défenseurs d’une position plus modérée. Les commentateurs ont également relevé le fait que la ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, qui devait se rendre à New York pour des discussions sur un cessez-le-feu, a reçu d’Ehud Olmert l’ordre d’y renoncer.

Il n’y a personne jusqu’à l’état-major qui ne manifeste son mécontentement. Les journaux rapportent, sous le sceau de l’anonymat, les commentaires critiques de certains officiers israéliens. Ils se plaignent d'être contraints d'attendre passivement à la frontière l'issue de pourparlers diplomatiques incertains, au lieu de lancer l'offensive terrestre massive qu'ils préconisent et qui, selon eux, permettrait d’obtenir des conditions de cessez-le-feu plus favorables. Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, «va continuer à se moquer de nous et, au bout du compte, il y aura une autre guerre», a ainsi confié un officier à Haaretz.

Ces attaques, venues de toutes parts, contraignent les proches du chef du gouvernement à multiplier les interventions dans les médias pour défendre la stratégie d'Ehud Olmert, comme l’a fait le ministre israélien de la Justice, Haïm Ramon, au micro de la radio publique : «La guerre pour la guerre n'est pas un objectif […] L’objectif essentiel que nous cherchions, nous l’atteignons : éloigner la menace des roquettes sur la frontière nord d’Israël.»