Rendez-vous d'Actions Boréales 2006
Tenu en fin de semaine dernière et organisé par Richard Desjardins et son organisme L’Action Boréale de l’Abiti-Témiscamingue (ABAT), ce rendez-vous a permis de rassembler une panoplie d’artistes et de spécialistes du Québec sous la cause commune de la forêt. Tant les conférences que les spectacles tenus pendant le rendez-vous ont su ranimer cette question de la forêt qui est au cœur des préoccupations de l’heure. Arrivé à un tournant décisif au niveau de la gestion de cette ressource, des solutions émergent. | |
De son aveu, Desjardins n’a pas eu besoin de tordre de bras pour inviter les Gilles Vigneault, Diane Dufresne, Richard Séguin, Michel Pagliaro, les Cowboys Fringants et autres artistes pour endiabler bénévolement les deux soirées de spectacles livrées au Métropolis de Montréal. «J’ai pris mon bottin personnel pis j’ai appelé mes chums à la maison sans passer par leurs agents», raconte l’emblème de l’Abitibi. D’autre part, les conférences livrées sous le thème Pour une nouvelle foresterie ont permis d’échanger sur des expériences nouvelles et des avenues possibles de gestion de la forêt afin de répondre à la crise actuelle de cette industrie. «Au bout des ressources, les 150 ans de ce régime colonial tirent à sa fin. En ce moment, le constat est que les industries forestières sont en faillite et qu’en parallèle une nouvelle foresterie se développe, mais y’a pu de territoire disponible pour qu’elle s’y exerce», a tenu à rappeler le chanteur. Continuant de mettre de la pression sur le gouvernement pour que des changements s’organisent, les spécialistes ont tenu à partager leur vision et faire accepter ces idées nouvelles au sein de la société. Pour sa part, Marc Beaudoin, l’ancien directeur général de la Forêt de l’Aigle, territoire de 14 km2 en Outaouais géré sous le concept de forêt habitée, constate que «l’industrie forestière ne peut plus assurer le même développement aux communautés forestières». La lune de miel des grandes industries forestières semble bel et bien terminée parce que les ressources ne sont plus aussi abondantes qu’elles étaient et, selon M. Beaudoin, les communautés développées autour des industries doivent se rassembler afin d’élaborer une vision commune d’aménagement du territoire si elles veulent assurer leur survie. Solution possible aux défis forestiers actuels, le zonage fonctionnel en foresterie est mieux connu sous le nom de la Triade. Cette idée vise à briser l’idée qu’il existe seulement une seule façon de faire en forêt et intègre à la fois la protection du territoire, l’aménagement écosystémique et la ligniculture. Selon Christian Messier, spécialiste en écologie forestière, en consacrant jusqu’à 5 % du territoire forestier à la culture du peuplier hybride, par exemple, il serait possible de créer jusqu’à 12 % d’aires protégées et, en plus, arriver à produire plus de volume de bois pour l’industrie forestière. Le chercheur Messier soutient que le Québec doit arrêter de voir la plantation d’essences à croissance rapide néfaste pour l’environnement si l’on veut arriver à protéger des forêts anciennes. «À l’heure actuelle, la Finlande vient voir comment les forêts anciennes du Québec fonctionnent et, nous, on va voir comment faire pousser du bois plus rapidement chez eux.» Effectivement, les forêts scandinaves ont été victimes d’une grande perte de biodiversité associée à l’exploitation massive des forêts anciennes de ses territoires pour ensuite les transformer en forêt artificielle sous forme de plantation. Pour Sylvie Gauthier, chercheur en écologie forestière pour Ressources naturelles Canada, «la biodiversité, c’est comme une police d’assurance face aux perturbations et aux changements environnementaux». «Il faut arrêter de se concentrer strictement sur la production de fibres, mais de prendre compte des autres bénéfices associés à la forêt […]. Laisser vieillir la forêt ou laisser du bois sur pied peut être plus rentable à long terme», a précisé Sylvie Gauthier lors de son allocution. Selon le rapport de la Commission Coulombe et, également, fer de lance de la chercheuse Gauthier, le Québec doit le plus rapidement mettre l’aménagement écosystémique au cœur de la gestion des forêts publiques au Québec si l’on veut éviter le piège scandinave. Pour sa part, Richard Desjardins a précisé que «la tenue de cet événement perdurera dans l’avenir tant et aussi longtemps qu’on n’aura pas fait la révolution forestière». |