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Thaïlande : la révolution des orchidées en question

Écrit par Marc Gadjro, La Grande Époque
26.09.2006
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«Un pas en arrière, ou deux pas en avant?» Les Thaïlandais s'interrogent une semaine après le putsh militaire contre l'ex-premier ministre Thaksin Shinawatra. Acceptée par le très populaire roi Bhumibol Adulyadej, la junte militaire s'est montrée rassurante dans les premières heures du coup d'État qui a renversé un régime souvent jugé corrompu. Mais les dernières «mesures de rétorsion» annoncées par Sonthi Boonyaratglin, le nouveau maître de Bangkok, contre la presse internationale accusée d'avoir critiqué le coup d'État, de même que l'attentat contre une mosquée du Sud, rappellent à certains les dérapages du coup d'État de février 1991 et le bain de sang qui s'en est suivi.

  • Un soldat salue une femme(攝影: / 大紀元)

La Thaïlande à la croisée des chemins

Kraisak Choonhavan, ancien sénateur et grand défenseur des droits de l’homme, ne semble pas inquiet lorsqu'il répond aux questions de l'AFP au sujet de l'avenir de ce qu'il appelle joliment «la révolution des orchidées» : «Mardi soir, j’étais transporté de joie en apprenant la chute de (l’ex-premier ministre) Thaksin. Mercredi matin, en voyant ces hommes en uniforme à la télévision répondre aux questions des diplomates par deux ou trois mots, je me suis dit : "Mon Dieu, ils sont de retour."»

Kraisak Choonhavan parle en connaissance de cause. Lors du dernier coup d’État en février 1991 (contre son père Chatichai, alors premier ministre), il avait dû s’exiler précipitamment à Londres. Pour autant, cet opposant farouche au régime Thaksin estime que «ce coup d’État ne représente pas un retour à une véritable junte militaire».

Ce royaume de 65 millions d’habitants, à 95 % bouddhiste et dirigé pour la première fois de sa tumultueuse histoire (neuf coups d'État entre 1971 et 1991) par un musulman, le général Sonthi Boonyaratklin actuel chef de la junte, se trouve à la croisée des chemins. La «longue parenthèse» représentée par le régime Thaksin (2001-2006) s’est achevée le 19 septembre 2006 sans effusion de sang. La plupart des analystes se montrent optimistes et pensent que le pays va reprendre sa difficile marche vers l’établissement d’un État de droit et vers l’enracinement d’une culture démocratique. Un itinéraire qui avait été interrompu par l’irruption en politique du milliardaire Thaksin.

Les militaires vont-ils «prendre goût au pouvoir»?

«Pour juger de l’attitude des généraux, il faudra examiner quelle sera la marge de manœuvre du futur gouvernement et quel rôle conserveront les militaires», objectait néanmoins à l'AFP un diplomate à Bangkok.

Jusqu’à présent, force est de constater la bonne tenue des putschistes. Malgré certaines restrictions ciblées sur les médias, aucun journal local n’a été censuré et les magazines étrangers dénonçant ouvertement le coup d’État sont en vente dans les librairies de Bangkok. Le soir du 22 septembre, une manifestation rassemblant une centaine d’universitaires et d’étudiants qui condamnaient le putsch s’est tenue sans intervention de la police. La prudence est, certes, de mise comme l’indique un analyste occidental : «La question est de savoir si les généraux vont prendre goût au pouvoir.»

La légitimation du putsch par le très respecté monarque Bhumibol Adulyadej, considéré à 78 ans comme le «père de la nation», est toutefois vue comme une garantie contre les risques d'autoritarisme. Cette bénédiction royale a été un facteur clef dans l'accueil relativement enthousiaste fait aux généraux par la population, non seulement à Bangkok, mais aussi dans certaines provinces du centre où l'ex-premier ministre reste apprécié.

Dans l’immédiat, le gouvernement intérimaire civil qui doit être mis sur pied dans les semaines à venir va devoir s’attacher à réécrire une constitution qui comporte des mécanismes solides pour empêcher un futur premier ministre aux tendances autocratiques d’exploiter le système en sa faveur.

Abroger la Constitution pour faire durer la transition militaire?

Certains se demandent pourquoi les généraux ont immédiatement abrogé la constitution de 1997, qui comporte des faiblesses, mais qui est reconnue comme «fondamentalement bonne» par une majorité de politologues. Amender la constitution permettrait d’écourter la période pendant laquelle les militaires dirigeront le pays. Mais la junte, dont le nom officiel est le Conseil de réforme démocratique sous la monarchie constitutionnelle (CDRM), insiste pour une refonte totale de la charte fondamentale, ce qui devrait prendre une année.

La constitution abrogée comportait deux faiblesses majeures : la possibilité pour l’exécutif de contrôler les organismes dits «indépendants» (Commission anti-corruption, Commission électorale, Cour constitutionnelle) et les règles sur les partis politiques qui permettaient à un parti unique de devenir dominant en limitant les possibilités de mouvements de ses cadres vers d’autres formations.

Chacun s’accorde sur la nécessité de reposer des bases saines pour permettre un développement moins chaotique de la démocratie thaïlandaise. Est-ce pour autant un retour à la case départ? «Non», rétorque l’ex-sénateur Kraisak Choonhavan, après avoir souffert cinq ans sous Thaksin, «nous avons beaucoup appris.»

 

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