Somalie : vers un deuxième «Afghanistan»?

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque
11.01.2007

 

 

 

 

Le numéro 2 d’Al-Qaïda appelle à l’insurrection

Le scénario semble se répéter. Un pays est ravagé par des années de guerre civile. Puis, émerge un groupe de fondamentalistes musulmans qui restaurent l’ordre, un ordre des plus rigides. La population accueille ce durcissement sans trop de résistance et même, peut-être, avec soulagement, car il met fin au chaos. L’application de la loi islamique pour lutter contre la corruption et le crime se traduit par l’exécution des meurtriers et l’amputation des voleurs. Peu à peu, le voile devient la norme chez les femmes et leurs visages de plus en plus masqués

  • Une femme voilée armée monte la garde(Stringer: STRINGER / 2006 AFP)

 

Oui, nous sommes en Afghanistan, après la prise du pouvoir par les Talibans en 1996. Et nous sommes aussi en Somalie, après la prise de la capitale Mogadiscio en juin 2006 par l’Union des tribunaux islamiques.

Les deux forces se sont imposées au milieu des guerres claniques et des luttes factionnelles terrorisant les populations depuis de nombreuses années. Elles ont émergé grâce au souffle de leurs puissants bienfaiteurs : le Pakistan dans le cas des Talibans et, supposément, de riches individus d’Arabie saoudite et d’États du golfe Persique dans le cas des tribunaux islamiques somaliens.

Les Talibans ont été chassés du pouvoir par l’intervention américaine, et les tribunaux islamiques somaliens par une récente offensive conjointe des forces du gouvernement de transition somalien et de l’Éthiopie. Les Américains n’étaient pas loin derrière non plus…

Les raisons de l’intervention de l’Éthiopie sont multiples. Mise à part l’hypothèse qu’elle agissait en mandataire de Washington, sa relation avec les organisations militantes fondamentalistes est extrêmement mauvaise. Par exemple, en 1996 les forces éthiopiennes avaient traversé en Somalie pour détruire des bases du groupe islamique al-Itihaad al-Islamiya, responsable d’attentats dans la capitale éthiopienne, Addis Abeba. Le groupe terroriste militait à l’époque, entre autres, pour reconquérir la région de l’Ogaden à l’Éthiopie, affirmant qu’elle fait partie du territoire somalien.

L’Éthiopie a vraisemblablement poursuivi des incursions en Somalie et c’est cette ingérence qui aurait poussé l’Union des tribunaux islamiques à lui déclarer une «guerre sainte» en juillet 2006.

Le but des tribunaux est également clair, soit d’instaurer une république islamique en Somalie. Mais c’est une chose que l’Éthiopie ne peut tolérer, pas plus que les États-Unis. Ces derniers avaient vu deux attaques à la bombe sur ses ambassades en Tanzanie et au Kenya en 1998, causant la mort de plus de 200 personnes et en blessant plusieurs milliers. Elles avaient été attribuées au réseau terroriste Al-Qaïda et à son chef Ousama Ben Laden. Selon différentes sources, l’organisation terroriste émergente avait des liens avec al-Itihaad al-Islamiya, et certains de ses ex-dirigeants occupent présentement des places importantes au sein des tribunaux islamiques somaliens.

Le président des tribunaux, Sharif Sheikh Ahmed, a nié abriter dans ses rangs des gens liés à Al-Qaïda et il contredit les allégations que des combattants islamiques de partout dans le monde sont à leurs côtés.

Avant de prendre le contrôle de Mogadiscio, les islamistes avaient mené de furieux combats contre des seigneurs de guerre appuyés par Washington. Après leur défaite, il était rapporté que des navires de la marine américaine avaient secouru certains de ces chefs guerriers collaborant avec eux.

L’Éthiopie, quant à elle, appuie Abdullahi Yusuf, le président de l’actuel gouvernement de transition en Somalie, qualifié de «seigneur de guerre» et allié de longue date de d’Addis Abeba par la BBC. Il est rapporté qu’on lui fournissait une assistance militaire bien avant les récentes attaques conjointes.

Quant à l’ennemi juré de l’Éthiopie, l’Érythrée, on rapporte qu’environ 2000 de ses soldats appuient l’Union des tribunaux islamiques. En fait, il semble évident que les deux rivaux se mènent une guerre interposée en appuyant différentes factions en Somalie.

Mais Addis Abeba n’a pas pris de temps à s’imposer, détruisant toute résistance sur son passage et poussant les derniers combattants islamistes à la fuite. À cet effet, le Kenya a renforcé ses frontières pour éviter que des éléments jugés indésirables s’introduisent sur son territoire. Quant à la flotte américaine dans la région, elle patrouille les côtes pour éviter que les vaincus ne s’évadent pas la mer.

Cette cuisante défaite des tribunaux a d’abord été qualifiée de «retraite tactique» par ses dirigeants, mais la pente sera difficile à remonter pour contrer les forces du gouvernement de transition, celles de l’Éthiopie et la volonté américaine. Le dernier ressort des militants serait de s’en remettre à une insurrection semblable à celle que mènent les milices en Irak et les Talibans en Afghanistan : attaques de style guérillas, attentats-suicides, prises d’otages, enlèvements, etc. Et c’est justement ce qu’a demandé le numéro 2 d’Al-Qaïda, l’Égyptien Al-Zawahiri, dans un message audio lui étant attribué. Le fait que l’Éthiopie est un pays de forte tradition chrétienne, le chef terroriste y voit une autre tentative des «croisés» d’en découdre avec le monde musulman.

Plusieurs problèmes immédiats se posent, et l’Afrique – comme la communauté internationale – est sur le qui-vive. À prime abord, l’Éthiopie sait qu’elle ne peut maintenir ses troupes longtemps en territoire hostile de peur d’enflammer le nationalisme somalien. Elle a déjà mentionné qu’elle voulait se retirer le plus vite possible, mais existe la question de terminer le travail commencé.

Au point de vue de la sécurité et de l’ordre, tout est à faire et il s’agit d’une épreuve fondamentale. Le déploiement d’une force de maintien de la paix de l’ONU en Somalie au début des années 90 s’était soldé par des échecs désastreux et d’énormes bavures. Pour l’instant, rien n’est envisagé de ce côté. On parle plutôt d’une force de l’Union africaine (UA), mais les pays qui seraient prêts à envoyer des troupes peuvent être en conflit d’intérêts ou être, eux-mêmes, aux prises avec des troubles internes allant d’agitations à des guerres civiles. Et les forces de l’UA démontrent toutes leur faiblesse avec leurs présents efforts au Darfour qui n’empêchent en rien les milices djandjawids et Khartoum de poursuivre leurs attaques génocidaires sur des villages.

Selon vous, quelle est la solution pour sortir de cette crise? L’Éthiopie a-t-elle raison d’avoir attaqué? Et que dire de la position américaine qui préfère le chaos à un gouvernement islamiste pouvant possiblement appuyer le terrorisme? Envoyez-nous vos commentaires à l’adresse suivante : noe.chartier@epochtimes.com