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Somalie: encore loin d’une stabilisation

Écrit par Vincent Duclos, La Grande Époque – Montréal
25.01.2007
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Avec la chute de l’Union des tribunaux islamiques (UTI) à la fin du mois de décembre, la Somalie se voyait replongée dans le désordre autant social qu’économique. La stabilité, que ce pays qui n’a pas connu de paix durable depuis plus de quinze ans croyait avoir atteinte pendant les six mois au pouvoir de l’UTI, s’est envolée et nul ne peut prévoir quand et comment elle reviendra. L’absence de lois et de gouvernement capable d’assurer la sécurité de la population a ouvert la porte au retour du sanglant contrôle exercé par les seigneurs de guerre et les différentes milices locales, et ce, en particulier dans la capitale Mogadiscio.  

 

 

  • Des soldats éthiopiens patrouillent les rues(Stringer: STRINGER / 2007 AFP)

 

Une présence étrangère qui n’est pas la bienvenue

Fin décembre. Les troupes du gouvernement somalien transitoire, fortement appuyées par l’armée éthiopienne, renversent l’UTI qui assumait depuis plus de six mois le contrôle de la majorité du pays et de la capitale, Mogadiscio. Les forces éthiopiennes marchent dans les rues de celle-ci tout en promettant de s’en retirer dès que la situation sera calmée.

Le problème, c’est que personne ne veut de cette présence étrangère provenant d’un pays qui est traditionnellement un ennemi militaire de la Somalie. Autant les partisans que les opposants de l’UTI voient d’un œil sceptique cette invasion armée et exigent le retrait rapide des troupes d’Addis Abeba. Alors que les représentants de l’UTI appellent à une «guerre sans précédent» contre les forces éthiopiennes, les Somaliens en général ne croient aucunement aux bonnes intentions de l’Éthiopie.

Les frappes américaines tuant plusieurs civils dans le sud du pays ne sont rien non plus pour soulager la colère et le désespoir d’une population qui se sent prise en otage dans des enjeux politiques les dépassant et dont le bien-être n’est pas pris en compte.

«Les États-Unis ont été silencieux sur ce qui se passe en Somalie depuis l’échec de l’opération de paix menée par l’ONU en 1995», s’est confié à la BBC Abdu-kadir Adbulle, qui a perdu des proches dans ces attaques aériennes près de Ras Kamboni. «Maintenant, ils commencent à jeter des bombes sur nos civils pour se venger des dix-huit soldats américains tués ici», a ajouté M. Abdulle, en faisant référence aux pertes américaines lors de l’attaque contre deux de ses hélicoptères à Mogadiscio en 1993.

D’autres voient plutôt cette attaque américaine comme une opération plus isolée, mais n’ayant pour objectif que la «guerre contre la terreur» menée par Washington, qui soupçonnait que certains membres du réseau Al-Qaïda se cachaient dans cette partie de la Somalie.

«Personne n’a l’intention de nous aider. Chaque Somalien doit compter sur lui-même», a confié Salad Ahmadey à la BBC, un jeune homme d’affaires qui résume bien le sentiment qui habite actuellement la population somalienne. Après avoir connu quelques mois de relative prospérité et de relative stabilité sous le régime de l’UTI, les Somaliens sont impatients de voir l’ordre rétabli, surtout que pour nombre d’entre eux la situation actuelle constitue un pas en arrière et un pénible retour aux pires moments de la guerre civile qui touche le pays depuis plus de quinze ans. 

Instabilité et insurrection armée

À l’heure actuelle, le gouvernement transitoire du président Abdullahi Yusuf Ahmed ne réussit aucunement à assurer la sécurité de la population. Les routes y sont fréquemment bloquées par des milices à la solde de seigneurs de guerre cherchant à extorquer de l’argent aux automobilistes; la circulation y est chaotique et les échanges de coups de feu sont monnaie courante. Bref, les seigneurs de guerre qui terrorisaient la ville avant la prise du pouvoir par l’UTI ont repris là où ils avaient laissé.

Cette situation n’est rien pour faciliter la prise de position d’Addis Abeba qui, en renversant l’UTI, s’engageait en même temps à s’assurer que le gouvernement transitoire prenne le contrôle du pays, ce qui semble encore loin d’être le cas. Les troupes éthiopiennes sont fréquemment victimes d’embuscades et le palais présidentiel se veut une cible privilégiée d’attaques armées.

Alors que les représentants du gouvernement transitoire estiment que ce sont là des actes isolés cherchant à montrer au monde entier que la capitale est le lieu d’une grande instabilité, les combattants de l’UTI assurent que ces démonstrations de force témoignent plutôt de la colère des Somaliens devant la présence éthiopienne et que ce n’est que le début d’une insurrection généralisée.

Tout semble donc indiquer qu’en intervenant aussi massivement et ouvertement pour renverser les forces de l’UTI, Addis Abeba n’avait pas bien évalué l’ampleur de la réaction ou encore s’attendait à un support plus rapide et de plus grande envergure de la part d’une communauté internationale qui a ouvertement salué son intervention.

Entre les mains de l’Union africaine

Alors que la présence éthiopienne ne fait que mettre le feu aux poudres dans ce pays de la Corne d’Afrique, où autant les habitants que les combattants de l’UTI croient nécessaire le retrait des intérêts éthiopiens et américains pour qu’une éventuelle paix soit possible, il semble que les options pouvant ramener la stabilité soient de moins en moins nombreuses.

Tous les regards se portent actuellement vers l’Union africaine (UA) pour qu’elle envoie des troupes dans la capitale dans le but de la sécuriser. En visite dernièrement à Mogadiscio, une commission de l’UA a confirmé la nécessité de l’envoi «dès que possible» de soldats devant assurer le retour à la stabilité dans la capitale.

Les diplomates du monde entier s’entendent pour dire que l’envoi de forces internationales de maintien de la paix se veut la seule solution pour mettre fin à la situation actuelle de même que pour s’assurer que les choses ne s’aggravent dans l’éventualité d’un départ des troupes éthiopiennes.

Toutefois, bien peu de pays ne veulent se risquer à envoyer leurs troupes dans le guêpier somalien. L’échec de l’opération onusienne du début des années 90 a laissé des traces, et même à l’intérieur de l’UA, seulement l’Ouganda a jusqu’à maintenant officiellement offert d’y envoyer des effectifs.

On estime à quelque 8000 le nombre de soldats nécessaires pour une telle mission. L’Ouganda est prêt à envoyer quelque 1500 alors que la Tanzanie, le Nigeria, le Rwanda et l’Afrique du Sud n’ont toujours pas fait d’offre formelle.

«La mission devrait être déployée pour une période de six mois et viser à contribuer à la phase de stabilisation initiale de la Somalie avec une compréhension claire qu’elle évoluera en une mission des Nations Unies», indique le rapport de la commission de l’UA. Or, aucun pays des Nations Unies ne s’est à ce jour offert d’envoyer un quelconque support autre que diplomatique pour aider la Somalie à retrouver la stabilité.

 

Alors que le premier ministre éthiopien, Meles Zenawi, ne cesse d’annoncer le retrait rapproché de ses troupes de la Somalie, tout semble indiquer que la communauté internationale, et particulièrement les États-Unis, se réjouit davantage de la chute de l’UTI que de l’idée d’avoir à contribuer en termes d’effectifs militaires à la nécessaire stabilisation suivant un tel renversement.

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