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Montréal honore le griot Boubacar Diabaté (1929-2006)

Écrit par Gabriel Aubry-Gayón, La Grande Époque – Montréal
25.01.2007
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En 2006, Montréal a perdu un de ses plus authentiques et plus grands ambassadeurs de la musique du monde. En nous quittant, l'âme du griot et joueur de kora sénégalais, Boubacar Diabaté, emportait avec elle tout un héritage culturel et historique qu'aucun disque ou document ne pouvait saisir. «Quand un griot meurt, c'est une bibliothèque qui part en flammes», dit le fameux proverbe malien.

 

La kora est un instrument originaire de l'empire Mandingue, qui englobe

le Sénégal, le Mali et la Guinée. Apparenté au luth par son chevalet

qui se retrouve au bout du manche des guitares, violons et basses, la

kora produit un son très mélodique qui ressemble à celui d'une harpe.

  • oubacar Diabaté fera l'objet d'un dernier adieu public à Montréal(攝影: / 大紀元)

 

La kora est un instrument originaire de l'empire Mandingue, qui englobe le Sénégal, le Mali et la Guinée. Apparenté au luth par son chevalet qui se retrouve au bout du manche des guitares, violons et basses, la kora produit un son très mélodique qui ressemble à celui d'une harpe.

En Afrique traditionnelle, où le système des castes était omniprésent, les seules personnes autorisées à raconter l'histoire des générations passées étaient les griots. Ces derniers assumaient le rôle de musiciens, chanteurs, historiens et conteurs. Tout le bagage historique des Anciens était transmis grâce aux griots, qui se reproduisaient uniquement entre eux, comme toutes les autres castes divisées en domaines. Ces derniers avaient le rôle de louanger certains nobles, ou de leur dire comment mieux diriger le peuple avec des exemples tirés de l'Histoire.

Selon Lamine Touré, fondateur et directeur des Productions Nuits d'Afrique, «Le griot est plus fort que le roi. Il va le conseiller et lui dire ce qu'il doit faire et ce qu'il ne doit pas faire». Au Québec, il n'y a pas de roi, mais cela n'a pas empêché Diabaté de conseiller plusieurs personnes, dont les jeunes qui ont appris à jouer de la kora.

«C'est comme un négociateur, une courroie de transmission, une bibliothèque», dit Nathalie Cora, musicienne formée par Diabaté, qui a voyagé à plusieurs reprises en Afrique avant de lancer un disque de world-fusion basé sur la kora.

Pour célébrer la vie d'un des premiers griots sénégalais à s'installer en Amérique du Nord, le Kola Note accueillera une douzaine d'artistes dont les griots Zal Idrissa Sissokho, Tapa Diara et Aboulaye Coné, et leurs formations, le groupe funk-baladi-raï Syncop, la flûtiste bansuri (Inde) Catherine Potter et la jeune Québécoise Nathalie Cora (alias Nathalie Dussault).

Nathalie Cora a appris à maîtriser l'instrument grâce à Diabaté et l'a accompagné jusqu'à son lit de mort.

Malgré son état de santé, pour le griot de 80 ans, il n'était pas question de quitter Montréal. «À Montréal, il s'est senti chez lui. Sans tout l'entourage africain qu'il avait chez lui, il s'est senti très confortable ici. Il a eu beaucoup de soutien de son entourage québécois. Il n'était pas du tout “ghettotisé”, la plupart de ses amis étaient québécois», explique la musicienne.

Dès l'âge de vingt ans, il fait le tour du monde avec son instrument, avant de s'installer définitivement au Québec.

En 1986, à l'âge de 60 ans, il s'installe au Québec afin de vivre de l'art qu'il avait hérité en tant que membre de la caste des griots. Il arrive à vivre de la kora en jouant dans des festivals internationaux et dans des petites salles à Montréal. Un de ses plus grands succès est d'ailleurs intitulé Québec-Montréal.

Il y a quelques décennies, avant qu'il soit possible pour un griot d'avoir une renommée mondiale, il n'était pas question de jouer cet instrument pour quelqu'un qui ne venait pas d'une lignée «griot». Toutefois, avec la mondialisation et le déracinement du système des castes, plusieurs griots ont abandonné ce métier, tandis que des personnes issues d'autres castes et même d'autres nationalités ont adopté le métier de musicien, sans pour autant prendre le rôle du griot. Parmi eux, Youssou N'dour et Salif Keita, deux des plus grands porte-parole musicaux et sociaux de la région, viennent de familles nobles. Né albinos, Keita était déjà marginalisé avant d'annoncer à sa famille qu'il allait devenir musicien. La nouvelle n'a pas été accueillie très chaleureusement.

Aujourd'hui, il est tout à fait acceptable pour quelqu'un comme Nathalie Cora de jouer de cet instrument en le mélangeant avec des instruments occidentaux tels que l'accordéon et le violon. Grâce aux efforts de Boubacar, elle et une poignée d'autres non-griots montréalais ont appris cet instrument ancestral.

Boubacar était le premier griot de sa génération à s'installer au Québec. D'autres plus jeunes suivent sa lignée, aujourd'hui griots et non-griots confondus. «À voir ces musiciens jouer, c'est le dépaysement total», affirme Cora. Elle conclut : «On est carrément en Afrique de l'Ouest!»

Honneur à Boubacar Diabaté, le vendredi 26 janvier 2007, au Kola Note – 5240, avenue du Parc, Montréal. Métro Laurier. Prix du billet : 15 $.

 

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