La liste noire aérienne bientôt en vigueur

Écrit par Michael Wing, La Grande Époque - Calgary
26.01.2007

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La nouvelle liste canadienne de personnes interdites de vol, qui avait été premièrement annoncée par le gouvernement libéral en 2005, devrait entrer en vigueur en mars 2007 pour les vols domestiques et en juin 2007 pour les vols internationaux. 

  • La nouvelle liste canadienne de personnes interdites de vol(Stringer: Sandy Huffaker / 2007 Getty Images)

 

En tant qu’élément important du Programme de protection des passagers, la liste de personnes interdites de vol sera utilisée pour détecter des gens qui pourraient être considérés comme une «menace immédiate pour la sûreté aérienne» et ainsi les interdire de prendre l’avion. Bien que les noms de certains résidants canadiens seront sur la liste, le programme est conçu pour focaliser davantage l’attention sur les non-résidants, selon Transports Canada.

Sous les nouvelles réglementations, les transporteurs aériens devront vérifier si les noms des passagers «qui paraissent être âgés de plus de douze ans» figurent sur la liste avant d’émettre une carte d’embarquement.

Ceci veut dire que les enfants qui paraissent plus vieux, mais qui ont moins de douze ans et dont les noms correspondent à ceux sur la liste, pourraient se faire interdire de monter à bord des vols domestiques s’ils n’ont pas de carte d’identité. Dans ce cas-là, les passagers devront présenter soit une pièce d’identité gouvernementale avec photo ou deux pièces sans photo.

La liste américaine de personnes interdites de vol, qui est entrée en vigueur immédiatement après les attentats du 11 septembre 2001, a démontré un manque de fiabilité, causant ainsi des problèmes à bon nombre de voyageurs innocents. Alors que la liste des États-Unis contient environ 44 000 noms, celle du Canada ne devrait pas en avoir plus de 1000 et, par conséquent, les transporteurs aériens ne prévoient pas de ralentissement lors de l’embarquement.

Transports Canada a tenté de rassurer la population en déclarant que le programme est conçu pour minimiser les erreurs d’identification et ne fera pas de profilage racial ou de certains pays. Cependant, la création de la liste soulève plusieurs inquiétudes concernant les droits à la circulation, à la vie privée et aux libertés civiles.

«Il n’y a pas beaucoup de gouvernements qui admettent l’utilisation d’un tel outil», estime Michael Vonn, directrice des politiques à l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique.

«Mais l’information qui est colligée pour établir une telle liste contiendra immanquablement des aspects raciaux ou religieux. Alors, il devient très difficile de dire comment cette information peut faire partie d’une évaluation de l’ensemble des données sans qu’elle soit considérée comme du profilage racial.»

Il existe aussi des craintes à l’effet que le programme du Canada s’aligne sur les exigences américaines en matière de sécurité et pourrait injustement cibler les musulmans. Même si Transports Canada refuse de dire si la liste sera partagée avec Washington, les critiques croient évidemment qu’elle le sera.

Mais est-ce que ces listes peuvent aider à arrêter les terroristes?

«Il n’y a absolument aucune preuve que les listes de personnes interdites de vol améliorent la sécurité», croit Mme Vonn. «Nous l’avons fait remarquer au gouvernement et la meilleure réponse qu’il a pu trouver est que cela fait partie d’une approche sécuritaire à multiples facettes et à des degrés différents, signifiant qu’il n’a pas de preuve non plus [de l’efficacité de la liste].»

Mme Vonn soutient que la liste de personnes interdites de vol n’a pas été examinée ou débattue suffisamment au Parlement et elle a été votée sans un réel accord de ce dernier. Elle a ajouté que si elle se base sur l’expérience américaine, il n’y a presque aucun moyen de faire enlever le nom d’une personne apparaissant sur la liste.

Selon un reportage du quotidien montréalais The Gazette, Maher Arar, un citoyen canadien qui a été emprisonné et torturé en Syrie, a été incapable de faire retirer son nom de la liste états-unienne des personnes interdites de vol, même s’il a été complètement blanchi. Son seul crime connu était «être arabe et avoir pris l’avion».

Toutefois, l’administration Bush a annoncé, la semaine dernière, qu’elle compte mettre en place un nouveau système en février pour s’occuper du problème des voyageurs qui sont fichés par erreur sur la liste états-unienne. Le système permettra aux personnes frappées d’interdiction d’entrer ou de sortir du pays, ou qui sont injustement non autorisées à monter à bord d’un avion, de demander un réexamen de leur cas.

Au dire de Florence Nguyen, porte-parole du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, lorsque le Canada a envisagé de créer une liste de personnes interdites de vol en 2005, la commissaire Jennifer Stoddart avait conclu que le programme représentait une «sérieuse incursion» dans les droits à la vie privée et à la liberté de circulation des voyageurs.

Mais depuis, Mme Nguyen affirme que Transports Canada a travaillé en étroite collaboration avec le Commissariat et s’est efforcé d’incorporer la protection de la vie privée dans le programme.