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Peine de mort à Paris: Saddam et les autres…

Écrit par Zora Ait El Machkouri, La Grande Époque – Montréal
30.01.2007
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Qui n’a pas en tête les images saisissantes d’un Saddam Hussein, que l’on a dit digne, quelques secondes avant son exécution? Beaucoup d’entre nous ont même poussé la curiosité jusqu’à aller voir la trappe se dérober sous ses pieds. Suite à cette exécution «planétaire», la peine de mort a été projetée sur le devant de la scène internationale. Pour certains, ce n’était que justice, pour d’autres l’occasion rêvée de servir la cause abolitionniste. Paris accueillera le 1er février les «anti-peine de mort» du monde entier. Au menu: personnalités engagées, débats entre juristes, tables rondes et stratégies abolitionnistes. 

 

  • Un homme regarde à la télévision l’exécution de Saddam Hussein.(攝影: / 大紀元)

 

Après Montréal en octobre 2004, c’est au tour de Paris, du 1er au 3 février prochain, d’accueillir le Congrès mondial contre la peine de mort et son aspiration à faire de l’abolition de la sentence suprême une réalité.

Organisé par l’association Ensemble contre la peine de mort (ECPM), ce troisième congrès se tiendra sous le patronage de la chancelière allemande, Angela Merkel, et du président français, Jacques Chirac. Experts et militants du monde entier seront réunis pour promouvoir l’action en faveur de l’abolition universelle, pour sensibiliser le public et inciter de nouveaux États à abolir la peine de mort. Selon le porte-parole et délégué général de l’association ECPM, Michel Taube, ce rassemblement parisien aspire avant tout à promouvoir l'abolition de la peine de mort en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, mais aussi à lancer un appel à la trêve des exécutions en Chine, en vue des Jeux olympiques de Pékin en 2008.

De Montréal 2004 à Paris 2007: un débat qui gagne de l’ampleur médiatique

Suite à l’exécution de Saddam Hussein, le 30 décembre dernier, des voix de toutes parts se sont faites entendre sur la peine de mort. Alors que les pays arabes ont violemment contesté cette exécution, Ban Ki-Moon, le nouveau secrétaire général des Nations Unies, s’est pris les pieds dans les fleurs du tapis faisant fi de l’essence abolitionniste de l’ONU.

Quant à l’Europe, elle s’est contentée de condamner du bout des lèvres l’exécution du dictateur irakien. En effet, Michel Taube soutient que dans cette affaire l’Union européenne fut faible face «aux Irakiens et aux Américains qui détenaient les clés de ce procès et qui, manifestement, voulaient en finir le plus vite possible». En revanche, l’association abolitionniste française en veut fortement aux Britanniques, présents militairement en Irak, et dont le premier ministre, Tony Blair, a tardé à condamner la pendaison.

Ce sont les Italiens qui se sont le plus engagés dans le débat avec l’entrée en scène du géant cinématographique, Cinecittà Holding, et de son président, Alessandro Battisti, qui s’est opposé officiellement à la peine de mort en lançant une pétition. Parmi les signataires, on retrouve les grands réalisateurs Paolo et Vittorio Taviani, Mario Monicelli, Damiano Damiani, et les actrices Laura Morante et Valeri Golino. Le président du Conseil italien, Romano Prodi, a suivi le courant et a encouragé son ambassadeur à l’ONU à tout mettre en œuvre pour inscrire la question de la peine capitale dans l’agenda de l’Assemblée générale des Nations Unies. On s’attend évidemment à rencontrer l'opposition des États-Unis, de l'Iran, de l'Arabie saoudite et de la Chine, où 94 % des exécutions en 2005 ont eu lieu.

Quelle stratégie: moratoire ou abolition?

Si les «anti-peine de mort» sont d’accord sur la stratégie globale de mettre fin à l’application de la sentence suprême, leur approche spécifique oscille entre un moratoire et une abolition complète et irréversible. En effet, si le moratoire est souvent une étape décisive et diplomatiquement plus acceptable pour les pays exécuteurs, l’expérience montre aussi qu’il est extrêmement aléatoire.

Michel Taube confirme que le moratoire est certes «plus réaliste mais il n’est pas satisfaisant. Déjà une trentaine de pays dans le monde ont instauré un moratoire depuis plus de dix ans. Ceci dit, quel sens y a-t-il à condamner à mort des personnes qui ne seront pas exécutées? Et puis des pays comme le Bahreïn en décembre dernier ou encore l’Inde en 2005 ont subitement repris les exécutions. La stratégie du moratoire permet de suspendre des mises à mort mais elle est fragile. Mieux vaut convaincre un État, comme les Philippines en 2006 par exemple, d’abolir définitivement par le vote d’une loi. Et dans ces conditions, on n’a vu aucun pays rétablir la peine capitale».

Le caractère dissuasif de la peine de mort prouvé statistiquement

Les «pro-peine de mort» font tout de même valoir leur argument et se saisissent du fait que les abolitionnistes ne proposent pas vraiment d’alternative à la peine de mort, puisqu’ils considèrent la peine de prison à vie comme une sentence «excessive». À cette critique, Michel Taube répond que «la vraie alternative, celle qu’appliquent (mieux que l’Europe) le Québec et le Canada, c’est une prise en main du détenu quand il est condamné à une lourde peine, c’est le suivi social et médical des prévenus. Un pays qui a investi dans une justice pénale à dimension sociale enregistre les taux de criminalité et de récidive les plus faibles».

Une vision qu’une association américaine comme la Criminal Justice Legal Foundation (CJLF), créée en 1989, récuse. Elle défend devant les cours de justice américaines le point de vue des victimes de crimes et fait valoir la pleine et entière responsabilité des criminels. Une de leur spécialité est la publication d’études économétriques portant sur la mesure de l’effet dissuasif de la peine de mort. Ils font état de vingt-cinq études recensées et émanant de diverses publications scientifiques, telles que le Journal of Legal Studies, le Journal of Applied Economics, le Journal of Law and Economics ou encore la American Law and Economics Review.

Ces études montreraient, statistiquement et de manière convergente, le caractère dissuasif de la peine de mort. Affirmer qu’elles tranchent véritablement le débat serait sans doute excessif, mais elles fournissent encore aux défenseurs américains de la peine capitale un argument statistique qui leur permet d’écarter certaines affirmations des abolitionnistes.

 

Paris 2007: un espoir réel pour le Maghreb

Mais à Paris, ce sont les défenseurs des droits de l’homme et les abolitionnistes des pays arabes qui bénéficieront d’une tribune internationale. Des religieux comme le représentant du Grand Mufti d’Égypte, des parlementaires, des ministres et des ONG montreront que, dans cette région du monde aussi, le mouvement abolitionniste progresse.

Au Maroc, par exemple, le courant abolitionniste s’est progressivement fait connaître médiatiquement et le débat s’est instauré petit à petit dans la société marocaine. Des chefs de partis politiques influents de droite comme de gauche se sont joints récemment à ce courant. Même le parti de mouvance islamiste, le PJD, a fait savoir qu’il consultait ses instances avant de prendre une décision tranchée. Le Royaume compte aujourd’hui 131 condamnés à mort, mais le pays n’a pas connu d’exécution depuis 1993 et peut véritablement devenir le centième pays abolitionniste dans le monde. Signe en ce sens: la présence du ministre marocain de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, lors du prochain congrès. Michel Taube reste confiant et nous confirme que «le Maroc sera le premier pays abolitionniste du monde arabe, et ceci, à brève échéance».

La pendaison de Saddam Hussein a certes servi d’électrochoc sur les opinions publiques, mais peut-être pas dans le sens voulu par les abolitionnistes. L’Iran qui pratique la peine capitale s’est vivement indigné de l’exécution; la Grande-Bretagne abolitionniste depuis 1969 ne s’est pas précipitée à la condamner.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.