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Montréal, point focal de la prévention du génocide

Écrit par Alison Duncan et Noé Chartier, La Grande Époque – Montréal
16.10.2007
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  • Esther Mujawayo, survivante du génocide rwandais, et Roméo Dallaire.(攝影: / 大紀元)

Du 11 au 13 octobre dernier, le Centre sur les droits de la personne et le pluralisme juridique de l’Université McGill accueillait la Conférence mondiale sur la prévention du génocide. Il s’agissait de la première conférence non gouvernementale sur le sujet depuis l’adoption de la Convention des Nations Unies contre le génocide en 1948. Pour focaliser sur les mesures préventives, et non sur la gestion ou la réparation des crimes génocidaires, la conférence réunissait certains des leaders les plus consciencieux de la planète. Survivants, experts, avocats, politiciens, journalistes et militants ont, pendant ces trois jours, partagé leur compréhension des actions à prendre pour éviter le pire, à la lumière des erreurs et réussites du passé, mais surtout des erreurs.

L’un des buts de la cérémonie d’ouverture du 11 octobre, avant le début des exposés de théories et des débats, était de mettre en contact les intellectuels et les décideurs politiques face aux victimes de génocide. Ainsi, quelques individus ayant traversé des atrocités ont livré leur témoignage.

Hédi Fried a survécu à l’Holocauste en Pologne et a raconté son transfert dans un ghetto et la manière dont elle a été forcée à porter l’étoile de David qui l’identifiait comme Juive. Sa famille a ensuite été déportée à Auschwitz et elle n’a plus jamais revu ses parents. Elle a confié à l’assistance qu’au moment où elle avait entendu que des Juifs étaient persécutés, elle ne s’inquiétait pas, elle pensait que «rien de trop grave n’arriverait car le monde ne le permettrait pas».

Manika Néni, qui a maintenant 50 petits-enfants, a survécu à l’invasion nazie en Hongrie. Comme Hédi Fried, d’abord parquée dans un ghetto, elle a ensuite été déportée vers Auschwitz. Elle a calmement décrit que, parce qu’elle était une jolie jeune fille, elle était constamment violée et battue par les gardes.

Youk Chhang est un jeune homme ayant subi les horreurs du régime communiste de Pol Pot au Cambodge, responsable du massacre du quart de la population du pays. Sa famille a été affamée et massacrée. Il a été témoin de khmers rouges ouvrant le ventre de sa sœur, alors enceinte de huit mois, tuant à la fois les deux êtres. Actuellement, Youk se dédie à la recherche et à la documentation de l’expérience de son peuple.

Esther Mujawayo est survivante du génocide rwandais. Sa mère, son père, son mari et des centaines de membres de sa famille y ont péri. Elle se rappelle que, lorsque les Hutus s’apprêtaient à exterminer son ethnie, elle était confiante que l’ONU les en empêcherait. Alors que le génocide se déroulait, des ressortissants étrangers étaient rapatriés, en compagnie de leurs chiens et animaux de compagnie. Elle a dû alors vivre avec le sentiment que son secours était moins important que celui des chiens belges.

L’ONU n’a rien fait pour empêcher le génocide. Esther a grondé : «Vous saviez et vous n’avez pas agi. Ce n’est pas comme si vous ne saviez pas, mais vous n’aviez pas la volonté d’agir.» Avec un humour sain, elle a ajouté : «Je ne sais pas qui je vise quand je dis “vous”.» Pas besoin, tous savaient de quoi elle parlait. Elle a admise qu’elle avait des doutes à propos de la conférence, car elle est très sceptique quant à la sincérité des dirigeants d’agir. Esther a également souligné l’étrange situation que subissent les victimes de génocide infectées par le sida et qui sont laissées à elles-mêmes, alors que les protagonistes qui subissent un procès reçoivent de l’assistance pour leurs maladies.

La franchise d’Esther était rafraîchissante. Elle représentait la réalité, ce n’était pas seulement un discours. Apparemment, son degré d’authenticité a été bien accueilli par l’assistance, car elle a été honorée d’une ovation debout. La solidarité du public ainsi que sa compréhension a mis au défi la Conférence et ses acteurs à s’élever à un haut niveau.

Le sénateur et lieutenant général à la retraite, Roméo Dallaire, a fourni des réactions aux propos des victimes. Il a discuté de ce que nous pouvons faire pour dépasser nos blocages émotionnels nous empêchant de nous soucier les uns des autres. Il a utilisé l’exemple d’une citation de Joseph Staline : «La mort d’une personne est une tragédie. La mort d’un millier est une statistique.» Lorsque M. Dallaire s’est rendu au Darfour, il a vu un enfant dont le ventre était gonflé par la famine. Il a confié que lorsqu’il a regardé dans les yeux du petit garçon, il y a vu l’expression de son propre fils. M. Dallaire s’interrogeait donc sur la manière dont nous pouvons inspirer des gens à se soucier d’une population étrangère autant que nous pouvons le faire pour une personne proche qui nous est chère.

Payam Akhavan, professeur à la Faculté de droit de l’Université McGill et président de l’événement, a –  lors de la cérémonie d’ouverture – cité Anne Frank, cette jeune fille ayant enduré la persécution nazie durant la Seconde Guerre mondiale. Elle a écrit dans son journal : «[…] Je crois encore, malgré tout, que les gens ont bon cœur dans le fond.» M. Akhavan a utilisé cet exemple en guise d’inspiration pour traverser les périodes de grande noirceur.

Dans le propos introductif de la cérémonie, Nicholas Kasirer, professeur et doyen de la Faculté de droit de McGill, a décrit sa faculté comme ayant «le devoir de parler et de ne jamais s’empêcher de dire la vérité au pouvoir». René Provost, professeur de droit et directeur du Centre pour les droits de la personne et le pluralisme juridique de McGill, a pour sa part mentionné que nous avons tendance à réagir à la souffrance des autres, non pas dépendamment de comment les victimes sont affectées, mais selon que leur souffrance nous affecte personnellement. Il a également exprimé que lorsque nous traitons la souffrance massive d’un groupe comme une question politique, nous nous rendons indifférents. Selon M. Provost, l’opposé de l’amour n’est pas la haine, mais l’indifférence.

Irwin Cotler, député libéral fédéral et avocat spécialiste des droits de la personne réputé, a établi un très haut standard de responsabilité éthique en demandant avec enthousiasme que chacun d’entre nous déracine ses attitudes négatives pour les remplacer fondamentalement par une nouvelle culture de dignité humaine. Il a plaidé pour qu’aucun sanctuaire ou impunité ne soit accordé aux protagonistes de crimes contre l’humanité et que nous remplacions le slogan «plus jamais» par «plus jamais nous serons indifférent».

Après une pluie de remerciements et d’éloges adressés au fondateur et donateur de la conférence : la Famille Echenberg, Gordon Echenberg a prononcé quelques mots. Il a fait l’observation qu’accepter de se plier à un régime génocidaire dans le but de soutirer des gains à court terme ne convient pas du tout aux intérêts d’un pays.

Tous ces discours nobles n’avaient pas l’objectif de demeurer inertes; ils appelaient à l’action ou, du moins, posaient les jalons pour une profonde réflexion sur la manière de mieux agir en matière de prévention du génocide.

Durant la Conférence de trois jours, un ensemble de thèmes ont été abordés comme L’initiative publique : le rôle de la société civile, Les racines du génocide : propagande de la haine et banalisation du mal, L’avenir de la prévention : Dépasser les craintes d’enlisement, etc. Chaque conférence réservait une place au public pour qu’il puisse poser des questions et émettre des commentaires, de manière à amener les conférenciers à préciser leurs pensées ou aborder des sujets moins fréquents.

La Conférence a-t-elle été une réussite? Les salles étaient bien remplies et les visages jeunes nombreux, de quoi ravir Roméo Dallaire qui, lors de la conférence de clôture, y est allé d’un appel vibrant à la jeunesse. «Vous réalisez que vous avez du pouvoir», a-t-il dit au groupe des Jeunes dirigeants qui partageaient la tribune avec lui. Du 7 au 13 octobre, dans le cadre de la Conférence, 35 jeunes hommes et femmes s’étaient réunis pour discuter de prévention et finalement produire une déclaration et un plan d’action.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.