Terre promise

Écrit par Patrice-Hans Perrier, Collaboration spéciale
29.10.2007

L’agriculture intensive fait de terribles ravages 

L’Union Paysanne, un syndicat qui regroupe plus d’un millier d’agriculteurs progressistes, n’hésite pas à dénoncer l’ingérence de l’agrobusiness dans notre agriculture. À l’heure des cultures transgéniques et de la prolifération du maïs, c’est la vitalité de nos terres arables qui est grandement menacée. La Grande Époque s’est entretenue avec Maxime Laplante, le président de l’Union Paysanne.

L’Union Paysanne est un syndicat agricole qui a vu le jour en 2001, histoire d’encourager l’émergence d’une paysannerie libérée des diktats des multinationales de l’agrobusiness. On y encourage les fermes de petites tailles, une production diversifiée, des cultures biologiques et des pratiques respectueuses de l’environnement. Les membres de cette véritable confrérie sont invités à adhérer à une déclaration de principes qui les incitent à promouvoir de nouvelles pratiques agricoles. Et c’est le respect de la terre, une ressource plus ou moins renouvelable, qui demeure le cheval de bataille de l’organisme.

Maxime Laplante fulmine contre les pratiques interventionnistes de l’État québécois qui favorisent les gros joueurs, abandonnant les francs-tireurs d’une nouvelle agriculture plus respectueuse de l’environnement. En effet, l’État verse de généreuses subventions aux grands producteurs de porcs, ce qui nuit aux petits producteurs bio qui désirent élever des porcs nourris au pâturage. Il ne serait pas superflu de préciser que cette politique conforte tout un cycle de production qui fait que les porcs doivent être nourris aux grains de maïs, bourrés d’antibiotiques et finissent par souffrir de diarrhée chronique.

La culture du maïs vampirise nos sols

Un véritable scandale est en train d’éclater, alors que les gouvernements agissent comme des courroies de transmission pour l’agrobusiness. Nos gouvernements ont ainsi grassement subventionné les plus gros producteurs pour qu’ils convertissent leurs champs à la culture du maïs. Il s’agit d’une culture qui vampirise carrément les sols, en raison de sa très forte dépendance aux ressources hydriques et aux herbicides. Sans compter que près de 30 % du maïs québécois serait transgénique au moment de mettre cet article sous presse.

Le maïs a la cote auprès de nos dirigeants à l’heure actuelle. Cette monoculture monopoliserait autour de 50 % de la quantité totale des pesticides utilisés en agriculture. Et, qui plus est, le maïs transgénique résiste aux généreux épandages d’herbicides de plus en plus toxiques pour les substances organiques de la terre. Un puissant herbicide, le glyphosate – mieux connu sous le nom de ROUNDUP – fait des ravages dans les champs de maïs transgénique. En effet, la culture transgénique n’est pas affectée par cet herbicide qui tue tout sur son passage… sans compter sur le fait que «les pollens de ce type de plantation se baladent au vent pour aller disséminer des semences transgéniques sur des fermes de petits producteurs bio», pour reprendre les mots de notre interlocuteur.

Un système de subventions calqué sur les besoins des multinationales

Maxime Laplante n’hésite pas à dénoncer le fait que les normes gouvernementales soient allègrement contournées par les plus gros producteurs. La réglementation en vigueur oblige les producteurs à se conformer à un plan de fertilisation qui, normalement, interdit l’épandage du fumier après le 1er octobre. Toutefois, les «usines de production de porcs» réussissent à contourner la réglementation pour épandre leur lisier très tôt ou très tard dans l’année. Dès le mois d’avril ou après la saison des récoltes, en novembre ou même en décembre, des quantités inouïes de lisier se retrouveront à ruisseler à la surface de sols qui ont été consacrés à la culture du maïs. C’est ainsi que l’eau de ruissellement emportera les résidus des herbicides vers les affluents qui viennent abreuver les terres arables.

Il va de soi que les grands producteurs de porcs ont converti leurs cultures vivrières au maïs, histoire de nourrir leur bétail et de jouir des généreuses politiques de subvention de l’État. En outre, les champs de maïs enlignent des plans qui sont espacés, ce qui favorise l’érosion et la compaction des sols arables. Les pluies diluviennes ne sont pas filtrées par d’autres espèces d’herbacés ou de plantes et, conséquemment, la terre est compactée et se dévitalise petit à petit. Le sol finit par être compacté lorsqu’il est incapable de préserver sa structure et sa porosité. Sa structure se durcit et l’eau finit par ruisseler en surface, emportant avec elle les résidus toxiques et, aussi, une partie de la terre meuble. Chemin faisant, l’eau emporte avec elle l’humus et les autres éléments nutritifs qui assuraient une bonne santé au sol. La terre est dévitalisée.

Une terre dévitalisée

Tout ce processus fait que les matières organiques, les insectes et les petits organismes qui s’occupaient de rendre la terre meuble ont été emportés par le ruissellement ou l’action meurtrière des puissants herbicides. L’érosion sauvage qui en résulte dévitalise les sols arables de façon quasiment irréversible. Certains agronomes arguent que la terre mettrait plus de 500 années à se régénérer.

Depuis 1950, l’érosion aurait sacrifié plus du tiers des sols arables de la planète, ce qui prête à réflexion. Et ce phénomène d’érosion pourra aller jusqu’à la désertification dans certains cas. Notre interlocuteur n’hésite pas à parler de la désertification de la Montérégie, la région du Québec où le maïs règne en souverain absolu. «On assassine nos meilleures terres arables, poursuit-il, alors que des étendues de maïs transforment le paysage campagnard en mornes plaines qui s’étendent à l’infini.»

Maxime Laplante se désole de voir toute cette biodiversité disparaître de nos campagnes, alors qu’au même moment «les producteurs de porcs devront déclarer forfait face au dumping d’autres pays producteurs». Et de poursuivre que «la dernière pandémie du circovirus a fait en sorte de faire disparaître 50 % des porcelets de nos campagnes. Malgré tout, les gouvernements continuent à subventionner la production du maïs dans le cadre d’une politique de reconversion de la production agricole qui favorise l’industrie des agrocarburants». Alors que le Brésil croise le fer avec les États-Unis dans la guerre de l’éthanol (un carburant produit à partir de la canne à sucre ou du maïs entre autres), l’État québécois a débloqué 2 milliards de dollars en subvention afin de fabriquer cet éthanol qui mobilisera une part croissante de nos champs de maïs.

Comble du paradoxe, le président de l’Union Paysanne nous faisait remarquer que «les agriculteurs doivent consommer plus d’énergie fossile, non renouvelable, pour produire de l’agrocarburant que …  ce que cette nouvelle forme d’énergie permettra d’économiser au total». Mais nous n’en sommes pas à une contradiction près. Nous poursuivrons ce dossier avec un article qui portera sur la lutte des petits agriculteurs bio contre les multinationales des semences transgéniques.

Pour en savoir plus à propos de l’Union Paysanne: unionpaysanne.com.