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Amnistie internationale joue au ping-pong pour les droits de l’Homme en Chine

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque – Montréal
04.10.2007
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  • Partie de ping-pong d’Amnistie internationale pour les droits de l’Homme en Chine,(攝影: / 大紀元)

Avant de pleinement mettre en marche, en janvier 2008, sa campagne pour les droits de l’Homme en Chine, Compte à rebours pour les Jeux olympiques, Amnistie internationale a organisé des joutes de ping-pong au carré Philips, au centre-ville de Montréal, le 29 septembre dernier. Une équipe était composée des «oppresseurs» et l’autre de «défenseurs des droits de l’Homme». Les membres de cette dernière équipe portaient des chandails avec les noms et photos de différents dissidents chinois renommés, comme Gao Zhisheng, Chen Guangcheng ou Shi Tao. Doit-on dire qu’ils gagnaient à coup sûr?

Le but de l’exercice était de dénoncer les nombreuses violations des droits de l’Homme en Chine : record d’exécutions, stérilisations forcées, persécution du Falun Gong, répression des minorités ethniques tibétaines et ouïghours, absence de liberté d’expression, etc.

La Grande Époque a interviewé les responsables de deux organisations qui oeuvrent pour plus de liberté et de respect des droits fondamentaux en Chine. Tout d’abord, François Bugingo, président et porte-parole de Reporters sans frontières Canada, et Béatrice Vaugrante, directrice générale de la section canadienne francophone d’Amnistie internationale.

Entrevue avec François Bugingo

La Grande Époque (LGÉ) : Vous avez dit, dans votre discours, que la Chine est derrière pratiquement tous les régimes répressifs. Qu’est-ce que vous répondez à ceux qui vous disent que les États-Unis ne sont pas mieux?

M. Bugingo : Je répondrais qu’aux États-Unis, malgré tous les défauts qu’on peut trouver au régime actuel, la liberté d’expression existe, les médias s’expriment, les opposants à la guerre en Irak ou en Afghanistan s’expriment d’une manière assez libre. Les pressions d’organisations comme les nôtres, comme Amnistie internationale, peuvent s’exercer directement sur le terrain. Vous savez, qu’en Chine, on n’a même pas le droit d’avoir des organisations internationales de défense des droits civiques ou des droits de l’Homme qui coopèrent à partir de la Chine. Dans le meilleur des cas, on opère à partir de Hong Kong. Je crois que, oui, il n’y a pas de régime parfait dans le monde. Je pense que la question des droits de l’Homme est un combat de tout temps, de toute haleine, mais il faut se dire qu’il y a des proportions à considérer et, aujourd’hui, quand on regarde ce qui se passe au Darfour; quand on regarde un pays comme le Zimbabwe qui était le grenier de l’Afrique et qui, aujourd’hui, vous rappelle les images de l’Éthiopie en 1984 quand les enfants mourraient de faim; quand on regarde ce qui se passe en Birmanie, aujourd’hui, à l’abri du regard international; on a le choix entre se dire «de toutes les manières tous les régimes sont pourris, donc restons à la maison», ou alors s’indigner. Et je crois que ce qui est le plus difficile, aujourd’hui au 21e siècle, c’est de développer le sens de l’indignation. Et sans indignation, on n’a pas d’âme, on n’a pas de raison d’être sur terre.

LGÉ : Pendant un certain temps, Reporters sans frontières avait cessé ses pressions sur Pékin au sujet des Jeux olympiques pour négocier directement avec le régime afin d’obtenir la levée de restrictions ou la libération de journalistes. N’avez-vous pas été un peu dupes de croire que le régime allait tenir compte de vos demandes?

M. Bugingo : Non. Je crois qu’on y est allé de bonne foi et je pense que le but ultime est essentiel. Au-delà de toutes les crises d’ego, de toutes les volontés de gagner toutes les batailles, ce n’est pas ça le plus important. Par ailleurs, les discussions que nous avons eues avec les autorités chinoises ne concernaient pas la libération de tel ou tel autre journaliste. C’était sur une base de durabilité, parce que nous ne sommes pas intéressés de voir quinze journalistes libérés pour être ré-emprisonnés aussitôt que les Jeux olympiques seront terminés. On veut une base permanente, ça veut dire ouvrir des bureaux à Pékin, permettre la liberté totale d’Internet, permettre l’expression libre des droits religieux, que ce soit Falun Gong, que ce soit d’autres mouvements comme le mouvement tibétain. On voulait quelque chose de beaucoup plus pérenne. Moi et Reporters sans frontières sommes entièrement convaincus que si la Chine avait fait le choix de venir à la table des négociations, alors que la Chine n’avait jamais daigné nous adresser la moindre réponse à toutes les demandes qu’on lui avait faites – aucune réponse pendant 25 ans – et là, c’étaient eux qui avaient fait le premier pas vers nous. Ça traduisait une certaine fébrilité parce qu’il faut dire qu’aujourd’hui la Chine n’a absolument pas l’intention de rater cette grande messe que seront les Jeux olympiques de 2008. Pour cela, ils sont prêts à énormément de concessions. Mais ça, il faut que les politiciens le comprennent, il faut que le Comité [international] olympique le comprenne, il faut que les entreprises qui font des affaires avec la Chine le comprennent, et tant qu’ils n’auront pas compris, malheureusement, on n’ira pas très loin.

LGÉ : Mais là, vous êtes de retour en force. Vous demandez le boycott finalement?

M. Bugingo : Absolument pas. Au contraire. On demande qu’il y ait autant de monde que possible. On veut rappeler aux journalistes qui iront couvrir les Jeux qu’ils représentent l’esprit démocratique, l’esprit libre. La Charte olympique comporte un article qui stipule qu’il faut qu’il y ait une évolution sociale et culturelle. On espère qu’il y aura énormément de journalistes qui ne se contenteront pas de nous parler des records qui vont être battus, mais qui vont aussi sortir et qui vont apporter énormément de lumière sur la réalité chinoise. Au contraire, on veut qu’il y ait le plus de monde possible. Maintenant, nos prochaines cibles vont être le Comité olympique, les athlètes qui vont être sur place, les entreprises qui vont commanditer les Jeux olympiques. Il est important que tout le monde ait conscience qu’on n’ira pas en Chine pour célébrer, tant que les Chinois, eux, n’auront pas le droit de faire la même chose.

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LGÉ : Qu’est-ce que vous pensez des restrictions sur la presse qui ont été assouplies pour la tenue des Jeux, est-ce que c’est de la poudre aux yeux ou bien est-ce qu’ il y a eu certaines améliorations?

M. Bugingo : Il n’y a aucune restriction qui a été levée pour la tenue des Jeux.

LGÉ : Mais pour les journalistes étrangers?

M. Bugingo : Un journaliste étranger en Chine s’il n’a pas d’interlocuteur chinois, qu’est-ce qu’il vaut? À moins que vous parliez chinois. Je ne connais pas beaucoup de journalistes occidentaux de grande facture qui s’intéressent aux enjeux politiques et sociaux et qui parlent chinois. Donc, forcément, on est obligé de travailler avec des traducteurs chinois, on est obligé aussi de se fier à nos collègues chinois pour avoir une nouvelle. Quand on vous envoie comme reporter spécial en Chine pour une semaine, vous ne pouvez pas arriver à comprendre toutes les réalités sociales, culturelles et politiques. Vous avez absolument besoin à ce moment-là d’un guide, d’un fixer, d’un stringer. Sans que nos collègues chinois soient libérés et qu’ils aient la capacité de nous apporter de vraies informations, on sera des aveugles en train de se balader dans un champ de mines. Et à partir de ce moment-là, qu’est-ce qu’on peut apporter vraiment comme information? Je ne crois pas qu’il y ait eu tant d’améliorations que ça.

Entrevue avec Béatrice Vaugrante

LGÉ : Croyez-vous que, d’ici août 2008, il y a un pays qui va prendre une position très ferme par rapport aux Jeux olympiques? Ou est-ce qu’il y aura seulement les ONG qui vont contester?

Mme Vaugrante : Politiquement, je ne sais pas s’il y a un pays qui pourrait commencer à faire vraiment pression. Je pense qu’il y a plusieurs cibles à avoir. C’est sûr qu’on a abandonné le CIO. C’est clair que ce n’est pas lui qui va changer le monde. Il faut faire pression sur le Canada. Le mouvement d’Amnistie va faire pression sur tous les autres gouvernements et s’ils entendent du bruit, oui, ensemble, ils pourront faire quelque chose. Il faut faire pression sur les entreprises, avec les millions de dollars qui sont en jeu, si on fait du bruit ça peut commencer à les chatouiller un petit peu qu’on dise qu’ils sont là-bas et qu’ils ne font rien.

LGÉ : Avez-vous des noms d’entreprises en particulier?

Mme Vaugrante : Pour l’instant, non, car il n’y a pas d’entreprise que nous avons commencé à cibler, mais il y a sûrement des gros noms qui vont participer là-bas.

LGÉ : Bombardier?

Mme Vaugrante : Des Bombardier ou autres, donc est-ce qu’on va les interpeller, est-ce qu’on va leur dire «qu’est ce que vous faites là-bas»? Ce sont sûrement des cibles possibles lors de la campagne de janvier que nous allons faire. Il faut cibler aussi les médias. Radio-Canada a acheté des droits importants comme chacun des pays participants là-bas. Comment vont-ils pouvoir à la fois être là-bas et ne pas se poser des petites questions sur l’environnement. Donc, il y a plusieurs cibles. Ce n’est pas un pays qui fera la différence.

LGÉ : Est-ce que vous croyez que nous sommes un peu dépourvus, au Québec, en informations par rapport à la Chine?

Mme Vaugrante : Nous sommes certainement dépourvus en informations, car nous avons souvent des idées déjà faites. Oui, on sait, à peu près, qu’il n’y a peut-être pas de liberté d’expression, etc. Évidemment, les articles portent beaucoup plus sur le développement économique que sur la violation des droits humains. Donc, c’est une excellente opportunité pour nous à saisir, pour faire du bruit, des activités innovantes, médiatiques, pour dire : «Hey, venez porter votre regard.» Les gens veulent être informés. Il n’y a personne qui veut se fermer les yeux d’une manière ouverte. Amenons-leur l’information d’une manière simple, avec des questions simples, pour qu’ensuite on aille plus loin dans les questions complexes, parce que c’est complexe. Amenons le sujet sur la table avec des activités comme ça, pour que ce soit plus simple pour les gens.

LGÉ : Est-ce que vous allez préparer des actions qui seraient un peu plus choc au fur et à mesure que la date butoir va approcher?

Mme Vaugrante : Nous ne sommes pas tellement dans les actions choc, nous sommes plutôt, pour le moment, dans des actions graduelles pour informer et sensibiliser, commencer à mettre les spots bien avant le 8 août. On verra ce qu’on va faire au mois de janvier, on verra ce qu’on va faire au mois de mars et on verra ce qu’on va faire le 7 août.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.