Cultiver la terre avec un autre regard

Écrit par Catherine Keller La Grande Époque - Genève
04.10.2007

  • tracteur(攝影: / 大紀元)

Bien que le siècle dernier ait métamorphosé l’agriculture, les connaissances de base que nous en avons se pratiquent depuis que les hommes se sont regroupés dans les villes, il y a plus de 6  000 ans. Pourtant cela n’a pas toujours été le cas et peut évoluer.

Il est très difficile d’accepter que ses connaissances sur un sujet soient erronées. Le professeur Claude Bourguignon le sait bien. Cet ingénieur agronome ayant une formation en biochimie et microbiologie, il a travaillé pendant dix ans avec sa femme, Lydia, à l’INRA (Institut national de la recherche agronomique). Ils participaient aux recherches sur la vie du sol dans la section « microbiologie des sols », dont la chaire d’enseignement est maintenant fermée. Il a mis au point une méthode qui mesure l’activité biologique des sols. Selon les résultats de son étude, les sols cultivés en Europe ont perdu 90% de leur activité biologique. L’INRA lui a demandé de ne pas révéler sa découverte. Avec sa femme, ils ont choisi de démissionner et d’ouvrir un laboratoire privé. Dans le cadre du 2e cycle de conférences André Dupuy au Comice Agricole de Feurs (Loire) en France, Claude Bourguignon expose le fruit de ses observations. Le thème est : « Vers de nouvelles techniques d’assolement ».

Il arrive d’entendre dire qu’il n’est pas correct de subventionner l’agriculture, qu’elle devrait être compétitive. Certains économistes prévoient même la disparition de ces subventions d’ici à 2012.

Claude Bourguignon explique que pour avoir une agriculture viable, il faut qu’elle soit basée sur le développement durable. Pourquoi ? Il nous donne quelques chiffres : en 50 ans, 90 % des agriculteurs ont disparu. Cela représente une perte de 200 000 agriculteurs chaque année pour l’Europe. La qualité de la production n’est pas bonne ; à titre d’exemple, 40 % de la production de blé n’est pas panifiable et va nourrir les cochons. Trop souvent, la production consomme plus qu’elle ne produit. Par exemple, la culture des tomates hors sol représente 99 % de la production. Elle consomme 36 calories pour produire 1 calorie agricole (énergie de chauffage, etc.).

De plus, cette agriculture appauvrit le sol. Celui-ci meurt et les déserts avancent chaque année de 10 millions d’hectares pendant que la forêt tropicale en perd 17 millions. D’ailleurs, depuis 1984, la production mondiale céréalière n’a pas augmenté contrairement à la population.

 

Comment meurt un sol ?

La terre grouille de vie. Les Lombrics, appelés communément vers de terre, sont particulièrement actifs. Ils  remontent les éléments se situant en profondeur, les digèrent en y ajoutant du calcium produit par leurs intestins et les rejettent à la surface. Cet apport nutritionnel (phosphate, nitrate, etc.) enrichit la terre et empêche l’érosion. Les pesticides tuent les animaux qui vivent dans le sol. D’autre part, le labour ramène en surface les animaux qui vivent en milieu anaérobie et enfouit ceux qui vivent en surface, entravant gravement leur développement. De plus, les excréments des lombrics ne sont plus remontés en surface, ce qui transforme le terrain. Les champignons disparaissent et l’humus ne peut plus se former.  Une semelle  ce crée, empêchant l’eau de circuler.

 

Ensuite les pluies lavent le sol, emportant les nutriments comme le phosphate et les nitrates que l’on retrouve dans les nappes phréatiques. On le constate en regardant une rivière après de fortes pluies. La rivière est anormalement boueuse.

Claude Bourguignon présente une photo vue du ciel. C’est un fleuve amazonien sur lequel on observe des traces de boue provoquées par un affluent. Celui-ci s’étale sur des terres cultivées. La différence est flagrante.

 

Comment répondre à un impératif économique en même temps qu’écologique ?

Pour cultiver la terre sans l’éroder, il faut modifier complètement le mode de production. Jusqu’à présent, on ajoute de l’engrais pour nourrir les plantes. En excès, l’engrais rend les plantes malades, celles-ci doivent alors être traitées. Une analyse du sol permet de savoir ce qu’il convient d’apporter au sol pour qu’il offre tout ce dont les plantes ont besoin.

La diversité des plantes, tant au niveau des espèces que des variétés, limite la propagation des maladies. Il vaut mieux privilégier des variétés plus rustiques, moins productrices mais plus résistantes et qui demandent moins d’eau. Les pesticides ne devraient être utilisés qu’au moment où une attaque de parasites est confirmée. De plus, il vaut mieux privilégier les produits biodégradables et naturels.

Contrairement à ce qu’on a toujours enseigné, il est préférable de ne pas retourner la terre. Pour cela, Claude Bourguignon a mis une méthode au point dont voici les grandes lignes.

La récolte de céréales se fait en laissant le maximum de tiges sur place. Elles sont mises à terre sans jamais que celle-ci ne soit retournée. Un engrais vert – il s’agit de plantes à croissance rapide qui structurent et enrichissent la terre – y est semé à même le sol. Au bout de quelques semaines, l’engrais est coupé en même temps qu’est semée la prochaine culture. La terre n’étant jamais retournée, ni même grattée, les mauvaises herbes ne germent plus. La vie peut se développer correctement et ainsi décomposer rapidement l’engrais vert qui permet ainsi à la culture de croître harmonieusement.

En suivant cette méthode, il faut tout de même attendre de 3 à 4 ans pour voir la vie revenir. Ce n’est qu’à ce moment que les êtres microscopiques vivant dans la terre seront en nombre suffisant pour transformer la paille en azote. Avant d’en arriver là, les herbicides sont encore utilisés car la nature ne travaille pas encore correctement.

 

Cultiver ainsi demande des compétences qui s’apprennent auprès du professeur Bourguignon et de sa femme. LAMS

 

 

Il est possible de visionner la conférence ICI