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Le mariage de Tuya

Écrit par Michal Neeman, La Grande Époque
08.10.2007
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  • Tuya en habit traditionnel (攝影: / 大紀元)

Il n’est pas rare d’assister dans les régimes totalitaires à l’émergence d’un cinéma « sensible » qui trouve sa propre voie pour contourner l’obligation de coller à un discours officiel. Le mariage de Tuya qui a remporté l’Ours d’or au cinquante-septième festival de Berlin, décrit magnifiquement un univers menacé de disparition sous la pression de la politique centraliste du régime chinois. Wang Quan’an, lui-même fils d’une mère mongole, signe là son troisième film peignant une fois encore avec un réalisme d’une grande sensibilité, une société entrain de se décomposer.

Tuya surveille son troupeau, montée sur son chameau, entre un bleu céleste et un jaune désertique. Le bleu et le jaune sont d’ailleurs les couleurs traditionnelles des vêtements portés par les danseuses mongoles. Ces couleurs sont également liées à des symboles spirituels qu’on retrouve dans le chamanisme et le bouddhisme mongols.

Les régimes communistes chinois et soviétique ont tenté d’empêcher les Mongols d’exercer leur foi. Après avoir menacé d’éliminer le ciel, le régime chinois menace maintenant d’éliminer le désert. La politique économique et industrielle oblige les habitants du désert à quitter leur terre natale et leur mode de vie ancestral pour des villes saturées et inhospitalières. La vie nomade en Mongolie est entrain de disparaître.

Le film de Wang Quan’an est un hommage à ce monde. Il exprime sa volonté de retenir, ne serait-ce qu’en pellicule,  ces paysages extraordinaires et les créatures dont ils sont peuplés pour les générations futures.

Tuya, l’héroïne du film, s’emploie à faire survivre sa famille : son mari – handicapé après avoir tenté de creuser un puits à la dynamite – et leurs deux enfants. Un jour, Tuya qui est forcée de parcourir de longs kilomètres avec son chameau pour ramener l’eau du puits le plus proche, s’écroule. Le médecin de l’hôpital lui interdit tout effort sous peine de rester paralysée.

Tout cela arrive dans un contexte où les droits sociaux et la sécurité sociale ne sont pas des notions familières puisque dans la Chine d’aujourd’hui ces services sont réservés – lorsqu’ils existent – à une élite urbaine.

Tuya n’a d’autre choix que de se résoudre à divorcer pour prendre un nouveau mari valide. Digne et déterminée à ne pas abandonner celui qu’elle aime, elle impose une condition quasi inacceptable à ses nouveaux prétendants : en plus des deux enfants, ils devront aussi prendre soin de l’ex-mari sous leur toit.

Les prétendants se succèdent, seuls ou accompagnés de leur famille, tantôt à pied ou à dos d’âne tantôt sur des motos pétaradantes ou dans des Mercedes flambant-neuves.

 Malgré ces épisodes comiques, la tragédie se poursuit : Tuya est déchirée sans cesse entre la nécessité et le sentiment, entre ses désirs et son sens du devoir.

Le seul prétendant à accepter les conditions de Tuya est son voisin qui l’aime depuis longtemps et qu’elle semble, elle aussi, aimer secrètement.

Mais bientôt, les noces se changent en un véritable champs de bataille et le combat intérieur mené par les personnages pour maîtriser leur coeur déborde pour finir par éclater à l’extérieur.

Les personnages personnifient chacun un échantillon social : le mari handicapé représente l’écroulement de la société patriarcale et la résignation à la réalité. Tuya de son côté bien que pouvant représenter la modernité : une femme autonome et indépendante, elle n’en reste pas moins femme et a besoin de la force d’un homme pour vivre. Le chercheur d’or noir, qui a quitté la vie du désert pour faire fortune, exprime la perte des valeurs traditionnelles et l’assimilation du peuple mongol. La vie solitaire et malheureuse qu’il mène se caractérise par le vide qu’engendre la recherche de la richesse matérielle en l’absence de tout contenu spirituel.

En contrepoint, le voisin incarne d’une certaine façon la jeunesse mais aussi sans doute la vertu, puisque c’est lui qui est prêt à se sacrifier pour les autres. Comme Tuya, il est de ceux pour qui la vie se doit d’être vécue sans compromission.

Aucun des acteurs du film n’est professionnel hormis Yu Nan qui joue le rôle de Tuya. 

Ces authentiques Mongols, habitants du désert jouant leur propre personnage, donnent au film une crédibilité et une profondeur proche du documentaire sans toutefois que l’on perde une seconde la magie de la fiction.

 

LE MARIAGE DE TUYA

De Wang Quan’an

Scénario : Lu Wei, Wang Quan’an

Avec Yu Nan, Bater, Senge, Peng Hongxiang, Zhaya

Photo : Lutz Reitemeier

Musique : Jiang Peng

Durée : 1h32

 

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