Les maoïstes prennent les armes en Inde

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque - Paris
12.11.2007

  • Babu Lal marandi (à droite)(STR: DEEPAK KUMAR / ImageForum)

 

Trente à 40 rebelles maoïstes, équipés d’armes automatiques, ont fait irruption en pleine nuit samedi dernier dans un village de l’Etat indien de Jharkhand, au Nord-Est du pays et ont tiré au hasard sur une foule d’environ 150 personnes.

Kumar Singh, haut responsable de la police, a d’abord indiqué à l’AFP que « dix-sept personnes avaient été tuées dans l’attaque », avant qu’on apprenne qu’un des blessés, parmi lesquels figure un enfant de 3 ans, avait succombé à ses blessures.

L’affaire a pris un retentissement médiatique particulier en Inde du fait que parmi les victimes figure Anup Marandi, fils de l’ancien ministre et ancien responsable de l’Etat de Jharkhand, Babu Lal Marandi. Le jeune homme était arrivé dans le village pour y disputer un match de football, suivi de ce qui devait être une fête.

Les frappes aveugles des maoïste

Ce massacre illustre bien le fait que les actions maoïstes ne se limitent pas à des actions de guérilla contre la police ou des forces paramilitaires : le recours à la terreur comme arme de combat est au programme. Les maoïstes indiens, génériquement appelés naxalites (du nom du village du Bengale où le mouvement est né en 1967), suivent en cela la ligne stratégique du communisme chinois.

L’attaque meurtrière de la semaine dernière intervient moins d’un an après l’assassinat par des rebelles maoïstes d’un député fédéral, Sunil Mahto, en mars au cours du festival hindou de Holi dans le même Etat indien de Jharkhand.

Dans certains districts du Jharkand, état né de la division du Bihar en 2006, les agriculteurs n’osent aujourd’hui plus aller cultiver leur terre depuis que les militants du Parti communiste de l’Inde-Maoïste (CPI-Maoist) ont délimité à l’aide de drapeaux noirs de larges périmètres « interdits » à l’agriculture.

A travers ces actions, les maoïstes visent plusieurs buts : susciter un ressentiment des secteurs les plus pauvres de la population ; affirmer leur influence sur des zones dans lesquelles ils exercent un gouvernement parallèle. En menaçant de mort des agriculteurs s’ils cultivent leurs terres, les maoïstes mettent en place un climat de peur et de soumission à leurs exigences.

Liens avec les maoïstes népalais

Après dix années d’une « guerre du peuple » qui a fait plus de 13 000 morts, les maoïstes népalais, en s’alliant avec les opposants au roi Gyanendra, ont obtenu l’année dernière une légitimité politique, voire une position d’arbitrage sur l’avenir du pays. La fracassante défection des maoïstes du gouvernement népalais fin septembre a par exemple de facto remis à plus tard les discussions sur la rédaction d’une nouvelle constitution : « Nous violerons le code de conduite prévu dans le processus de désignation de la commission et nous ferons tout pour saper les élections prévues en novembre », avait lancé le numéro deux des maoïstes, Baburam Bhattarai, cité par l’AFP, lors d’une manifestation à Katmandou.

Or, les maoïstes indiens et népalais ont toujours été proches : les seconds ont d’abord été formés par les premiers, qui leur ont aussi offert refuge à l’occasion. En 2005, l’attaque par 300 maoïstes indiens de la ville de Madhuban, toujours dans le Nord-Est indien, aurait été épaulée par les maoïstes népalais – bilan : 21 morts. La position forte prise par les maoïstes népalais n’est donc probablement pas étrangère au nouvel élan du maoïsme en Inde.

Impuissance indienne

Pour Babu Lal Marandi, « il semble que le gouvernement ne sache absolument pas comment se sortir de cette situation qui s’aggrave ».

« Les maoïstes ne croient pas en la démocratie. Ils concentrent leur guérilla sur des provinces peu développées, sans route ni électricité. Si nous voulons régler le problème, cela passe par le développement de ces zones », a ajouté M. Marandi.

Dans le Jharkhand, même avec présence de la police, les agriculteurs préfèrent aujourd’hui abandonner le travail des champs plutôt que de violer les interdictions des drapeaux noirs.

Avec Terrorisme.net