Prendre racine

Écrit par Patrice-Hans Perrier, La Grande Époque - Montréal
12.11.2007

Équiterre et ses partenaires dévoilent leur projet de Maison du développement durable 

  • Projet architectural novateur(攝影: / 大紀元)

La construction représente un secteur d’activités particulièrement énergivore. C’est en ayant cet axiome en tête que l’organisme Équiterre s’est lancé dans la grande aventure de la conception d’une Maison du développement durable. Les instigateurs de l’ambitieux projet souhaitent ériger un bâtiment-phare qui devrait contribuer à positionner Montréal dans le domaine des nouvelles technologies du bâtiment. Auront-ils les moyens de leurs ambitions?

Équiterre et ses partenaires dévoilaient, le 5 novembre dernier, le concept architectural qui portera l’aventure jusqu’à l’ouverture du bâtiment, prévue pour le printemps 2010. Ce projet d’un édifice de cinq étages ne risque pas de passer inaperçu… s’il finit par se réaliser. En effet, ce grand navire amiral contiendra toute une panoplie de technologies avant-gardistes dans sa cale. Le coordonnateur des programmes d’efficacité énergétique d’Équiterre, François Boulanger, nous confiait en entrevue «n’avoir rien ménagé pour faire de ce bâtiment un remarquable outil de sensibilisation et de conscientisation du grand public. Ainsi donc, l’édifice agira comme une vitrine technologique auprès des visiteurs qui s’aventureront dans ses entrailles».

Ce bâtiment-phare sera construit à l’angle des rues Clark et Sainte-Catherine, en plein centre-ville de Montréal, exactement là où les édiles projettent d’aménager un Quartier des spectacles fort attendu par la communauté culturelle. Le projet devrait coûter entre 20 et 25 millions de dollars si l’on se fie aux projections financières de ses instigateurs. Certains observateurs arguent que les dépenses projetées seraient disproportionnées pour un petit bâtiment de 60 000 pieds carrés, répartis sur cinq étages. Toutefois, François Boulanger tient à souligner «qu’il faudra tenir compte que le futur bâtiment devrait être certifié LEED Platine, la plus haute certification environnementale du genre». Il deviendra le premier bâtiment canadien d’importance à obtenir cette certification et pourrait être considéré comme un des bâtiments les plus écologiques au monde.

L’impact d’une certification LEED

La certification LEED n’est pas un slogan à la mode. Il s’agit, dans les faits, d’un processus d’évaluation extrêmement pointu qui sert à guider les maîtres d’œuvre à tous les moments du projet architectural, de la conception jusqu’à la réalisation d’un projet de construction. Ce système de certification a été mis sur pied par le US Green Building Council à la fin des années 1990 et une version canadienne fut peaufinée par le Conseil du bâtiment durable du Canada quelque temps après. Les constructeurs qui souscrivent à ce label devront montrer patte blanche en ce qui a trait à l’efficacité énergétique, au niveau de consommation d’eau, à l’utilisation de matériaux de provenance locale ou recyclés et à la réduction des déchets issus de la phase de construction.

Cette certification vise, avant toute chose, à pousser les maîtres d’œuvre à intégrer tous les processus de construction dans une vision globale plus respectueuse du développement durable. Il s’agit du système d’évaluation environnementale des bâtiments le plus utilisé au monde. Il n’y aurait que seize bâtiments certifiés LEED Platine de par notre vaste monde, ce qui fera de cette Maison du développement durable un véritable petit joyau.

Un processus de conception unique

C’est le cabinet d’architectes Menkès, Shooner, Dagenais et LeTourneux (MSDL) qui a été chargé du développement architectural du projet. La responsable du projet, Anik Shooner nous confiait que le déroulement du processus d’appel d’offres fut particulièrement tatillon, faisant en sorte que le processus de design soit intégré au maximum. C’est ainsi qu’il sera possible de documenter toutes les étapes de la conception et de la réalisation du projet afin de maximiser le processus de design, mais aussi de conserver des traces pour d’autres projets futurs du même acabit.

En outre, les architectes impliqués se sont efforcés de faire en sorte que «ce bâtiment ne soit pas un collage de technologies, mais plutôt le fruit d’une solution globale», pour reprendre les mots de notre interlocutrice. Une analyse fine de l’ensemble des technologies à mettre en œuvre et une évaluation des contraintes environnementales immédiates ont permis de maximiser les solutions retenues.

Madame Shooner a poussé au maximum son équipe de créateurs pour que le bâtiment soit agréable à l’œil et qu’il s’intègre bien à son environnement construit. Elle déplore le fait que trop de bâtiments «verts» soient laissés pour compte en terme d’esthétique architecturale. Parce que «réaliser de la belle architecture, c’est une autre forme de contribution au développement durable», argue-t-elle.

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  • Projet architectural novateur(攝影: / 大紀元)

Des dispositifs révolutionnaires

Les concepteurs ont créé un effet d’écran de communication en animant la façade principale du côté de Sainte-Catherine au moyen de rétroprojections sur la fenestration du 2e étage. La peau du bâtiment sera donc animée au moyen de messages qui témoigneront des activités du bâtiment et inviteront les badauds à venir y jeter un coup d’œil.

Un immense atrium a été conçu sur le flanc ouest du bâtiment, donnant sur un petit parc, ce qui permettra d’ensoleiller le cœur du bâtiment. Un mur végétal verdira littéralement une des parois intérieures de l’atrium et permettra de climatiser à longueur d’année le bâtiment. Par ailleurs, cette mesure originale aidera à filtrer et à purifier l’air ambiant, en captant les molécules volatiles des substances toxiques issues des composants du bâtiment ou de la pollution environnante. François Boulanger tient à préciser que le système géothermique de chauffage et de climatisation sera performant à 400 %, en comparaison avec des sources d’énergies plus conventionnelles.

L’enveloppe du bâtiment sera composée de verre à haute performance énergétique, de brique rouge locale et de panneaux d’acier provenant de conteneurs recyclés. Chemin faisant, les initiateurs du projet veulent limiter l’apport en matériaux et équipements qui viennent de loin. Cette façon de faire tient compte de la certification LEED, dans une optique de réduction des gaz à effet de serre causés par le transport et la transformation des matériaux. «Penser globalement, agir localement», demeurant le mot d’ordre d’un écodesign véritablement intègre et novateur.

Un bâtiment-phare ouvert à tous

Outre sa vocation de «vitrine technologie», pour reprendre les mots de M. Boulanger, le nouveau bâtiment servira aussi de «banc d’essai» qui permettra aux chercheurs et aux intervenants de l’industrie de venir y faire des tests. Hormis les quatre étages supérieurs qui accueilleront les organismes locataires, des salles de conférences et de formation et des espaces techniques, c’est tout le déploiement du rez-de-chaussée qui attire l’attention.

Le premier étage du bâtiment comprendra un café qui fera face à la rue Sainte-Catherine et qui aura une mission éducative envers des clients en prônant les vertus du commerce équitable. Un peu plus loin, dans l’espace du gigantesque atrium, un espace convivial sera aménagé avec des bornes interactives afin d’inviter le grand public à se familiariser avec les notions de développement durable appliquées à la technologie du bâtiment. Par ailleurs, des modules éducatifs seront installés dans les espaces communs du bâtiment afin que les occupants puissent se documenter sur les propriétés et autres dispositifs de cet édifice révolutionnaire. Une belle salle de conférence de cent places est également au programme.

Les instigateurs de cette grande aventure souhaitent que leur Maison du développement durable s’intègre bien au tissu urbain des alentours, histoire de devenir un pôle d’attraction inévitable pour les citoyens désireux de s’informer sur la magie des bâtiments verts. Les détails d’architecture et les devis de construction devront être terminés d’ici une année environ et le grand vaisseau amiral prendra le large à compter du printemps 2010. En espérant que les écueils politiques et partisans ne l’empêcheront pas de voguer vers de nouveaux horizons. D’ici là, un projet porteur vient de prendre racine en plein centre-ville de Montréal.