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Le Rendez-vous novembre 2007 – Montréal, métropole culturelle

Écrit par Patrice-Hans Perrier, La Grande Époque - Montréal
20.11.2007
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  • Modélisation infographique du projet d’aménagement d’une place du Quartier des spectacles(攝影: / 大紀元)

La table était mise, il y a une semaine de cela, pour un redéploiement du Montréal culturel à l’heure de la mondialisation. Le Rendez-vous Montréal, métropole culturelle aura permis à une cohorte d’intervenants de venir discuter des moyens à prendre afin que Montréal conserve sa position dans le peloton de tête des métropoles culturelles nord-américaines. À défaut d’une stratégie en bonne et due forme, les participants ont tout de même réussi à s’entendre sur les principaux enjeux en lice.

Montréal doit se donner les moyens de ses ambitions si nous voulons aller de l’avant dans le monde hautement compétitif des grands centres culturels que sont devenues les métropoles du monde occidental. Un certain consensus semblait émerger du rendez-vous à l’effet de favoriser des maillages entre les milieux culturels et le monde des affaires, dans une conjoncture où les gouvernements se désengagent. Par ailleurs, la mise à niveau du tissu urbain du centre-ville devient un incontournable si nous souhaitons positionner Montréal comme métropole culturelle.

Un projet rassembleur

Il semblerait que c’est le dévoilement du Plan public d’urbanisme (PPU) du futur Quartier des spectacles [voir l’article à la page Environnement] qui est parvenu à rallier tout le monde. Les pouvoirs publics préconisent que le Quartier des spectacles devienne une véritable plateforme de diffusion des produits culturels. Cette mise à niveau d’une partie du centre-ville permettrait de redynamiser l’offre culturelle dans un contexte où Montréal doit se positionner rapidement dans la nouvelle économie du savoir.

De nouvelles avenues de financement

Si ce rendez-vous aura permis au monde de la culture de rencontrer les gens d’affaires, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. À l’heure de la nouvelle économie du savoir – un concept discutable – les gens d’affaires semblent intéressés à investir dans une culture qui serait appelée à devenir un secteur porteur. Isabelle Hudon, présidente et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), se réjouit à l’idée d’avoir un futur Quartier des spectacles qui puisse agir comme un «projet structurant» qui permettra aux divers acteurs en lice de «s’investir et d’investir» dans la culture.

Toutefois, Serge Joyal, un conseiller spécial en matière de culture chez Power Corporation, est venu remettre les pendules à l’heure en affirmant que «les entreprises détenues par les Québécois consacrent deux fois moins d’argent à soutenir les milieux artistiques que leurs concurrentes ontariennes». En outre, les Québécois ne se mobiliseraient pas assez en faveur de la culture, un secteur qui serait en bas de la liste de leurs préoccupations selon un récent sondage. Loin de partager l’idée de faire de la culture une marchandise comme une autre, M. Joyal craint que «la culture devienne une vitrine de l’entertainment».

Prônant une nouvelle participation du milieu des affaires, Daniel Langlois, le magnat éponyme de sa Fondation, propose de réaménager la fiscalité afin de permettre au mécénat de prendre son envol au Québec. Il faut dire que, mises à part certaines entreprises qui consentent de gros investissements, bien peu de petits joueurs corporatifs semblent désireux d’appuyer la culture à l’heure actuelle. Outre l’aspect des nouveaux incitatifs fiscaux à mettre en place, certains représentants du monde des affaires souhaitent que les milieux artistiques suivent une formation et un encadrement d’appoint afin d’être en mesure de mieux faire cheminer leur demande de subventions ou de dons.

La marchandisation de la culture

Dans un contexte où il deviendrait impérieux d’augmenter l’offre culturelle, nos édiles souhaitent développer une image marque (branding) de Montréal qui puisse aider à vendre cette destination aux touristes et autres investisseurs attendus. Gilbert Rozon ne s’est pas gêné pour rappeler que les pouvoirs publics devraient investir massivement dans la culture comme outil de développement, soulignant que la ville de Nantes (France) consacre autour de 12 % de son budget d’opération pour soutenir les activités culturelles qui se déroulent sur son sol. Par ailleurs, le grand patron du Festival Juste pour rire rajoutait qu’il devient urgent d’investir aussi dans les contenus afin de pouvoir diversifier l’offre des industries culturelles.

D’autres intervenants, à l’instar de Yves Gougoux de la firme Publicis Canada, croient qu’il est grand temps que Montréal se dote d’une véritable marque de commerce afin d’être en mesure de se distinguer des autres villes nord-américaines. Ce dernier nous rappelant que «la forme (la marque, le logo ou l’étendard), c’est le fond qui remonte à la surface». Ainsi donc, ce processus de mise en marché de la cité traduirait de façon synthétique la réalité des forces créatrices à l’œuvre au sein de notre métropole.

Alors que les gouvernements se désengagent, l’urgence de trouver de nouvelles sources de financement est criante. Les acteurs du milieu culturel sont conscients qu’ils n’auront pas d’autres choix que d’aller frapper à la porte des corporations afin de palier le manque à gagner. Mais la grande majorité estime que les créateurs devront conserver une indépendance certaine vis-à-vis de leurs bailleurs de fonds. C’est la créativité et le dynamisme de la sphère culturelle qui en souffriraient advenant une inféodation de ces derniers à la sphère marchande.

Préserver le tissu urbain

De l’avis de plusieurs intervenants, le patrimoine bâti et la qualité de l’architecture à venir constituent des éléments indispensables de l’offre culturelle montréalaise. Phyllis Lambert, célèbre mécène et fondatrice du Centre canadien d’architecture (CCA), considère que la concertation avec les acteurs du milieu s’impose, histoire d’harmoniser les différentes formes de coexistence dans la cité. Mme Lambert estime qu’il est capital de consolider le caractère propre aux quartiers limitrophes au centre-ville, afin que puisse se mettre en branle un développement plus respectueux en définitive.

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Clément Demers, un architecte qui a coordonné le PPU du Quartier international de Montréal (QIM), ne craint pas d’affirmer que le réaménagement du centre-ville de Montréal devra tenir compte du concept «d’art total» que l’on retrouvait naguère dans les bâtiments religieux. C’est ainsi que les piétons seront invités à déambuler dans un nouvel environnement urbain de qualité. Dinu Bumbaru, de l’organisme Héritage Montréal, souhaite que les pouvoirs publics investissent dans «l’implantation soutenue de lieux de diffusion et de sauvegarde du patrimoine».

Rallier les forces vives

Montréal peut s’enorgueillir de représenter un milieu urbain où la qualité de la vie est enviable. Mais pour combien de temps encore? Si les artistes ont contribué à façonner la réputation de certains quartiers centraux, ils doivent s’exiler face à la spéculation galopante qui s’impose. Il serait utile de rappeler que plus de deux millions de pieds carrés seront libérés en périphérie du Quartier des spectacles pour le développement immobilier. La ville souhaite ainsi augmenter la valeur foncière des terrains du centre-ville afin de récupérer sa mise de 40 millions dans le projet locomotive.

On espère que les 120 millions consentis pour le Quartier des spectacles attireront autour de 500 millions additionnels en provenance du secteur privé. C’est dans cette optique de spéculation anticipée que les instigateurs du projet proposent à la municipalité de créer un zonage particulier afin d’aider les regroupements d’artistes à acquérir quelques immeubles. En outre, c’est la vie de quartier, dans les arrondissements limitrophes au centre-ville, qui permettra d’éviter que le projet ne dégénère en «parc d’attraction touristique». Et, avant que les forces des marchés internationaux ne viennent interférer, il serait peut-être bien de penser à protéger notre patrimoine humain : les artistes et les créateurs de tout acabit. Un dossier à suivre…

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