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Afrique : le crépuscule d’une enclave nigériane

Écrit par Irin News
23.11.2007
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  • Des pècheurs en Nigeria(STR: PIUS UTOMI EKPEI / ImageForum)

CAMEROUN-NIGERIA, 16 novembre 2007 - En juin 2006, le Nigeria a transféré la gestion des affaires courantes d’une bonne partie de la péninsule de Bakassi au Cameroun conformément à la décision de la Cour internationale de justice (CIJ). Toutefois, les forces de police nigérianes continueront de contrôler les secteurs sud et ouest de l’enclave jusqu’en juin 2008. Cette enclave, coupée du Nigeria par le territoire camerounais et par la mer, est baptisée zone Bakassi. La fin progressive de l’administration nigériane a plongé la zone dans une impase administrative. La plupart des habitants vivent dans des conditions d’hygiène et de promiscuité déplorables, sans aucun service de base. Pour les responsables locaux, le processus de transition est responsable de cette situation. « Les dispensaires ne fonctionnent plus. Les pompes à eau sont en panne ; nous n’avons plus d’enseignants et les écoles sont laissées à l’abandon », a déploré un habitant de la zone qui dit être le chef Cassidy et le responsable local d’Abana, une des deux localités construites en bordure d’une plage d’où on peut apercevoir les puits de pétrole offshore exploités par le Nigeria.

Ni le Nigeria, ni le Cameroun n’offrent de services sociaux dans la localité, a-t-il affirmé. « Le Nigeria nous a déjà oubliés alors que le Cameroun s’apprête à nous exploiter », a-t-il poursuivi.

« Nous sommes moins bien traités que les chiens, car un maître qui s’absente laisse au moins des provisions à son chien ; rien de tel n’a été fait pour nous », a confié à IRIN Etinyin Etim Okon Edet, le chef suprême traditionnel nigérian de Bakassi.

Selon lui, les autorités camerounaises seraient plus oppressives que leurs homologues nigérians, et les habitants du nord de la péninsule – désormais sous contrôle camerounais – se seraient enfuis vers le sud de la zone de Bakassi actuellement surpeuplé. Mais aucune autre source n’a confirmé ces affirmations.

Érosion cotière

Si le statut d’Atonbong West reste encore flou, la ville actuelle disparaît progressivement avec l’avancée de la mer. L’érosion côtière progresse rapidement et lorsque la marée est haute, la mer envahit les rues de la ville. Plusieurs habitants ont affirmé à IRIN que des centaines de maisons en bois avaient été emportées par la mer cette année.

De toutes ces maisons, il ne reste que quelques poutres en bois plantées dans le sable.

Aucune des maisons encore épargnées par la mer ne dispose de toilettes et il n’y a que deux endroits où les centaines d’habitants de la ville peuvent se rendre à cet effet. Pour y accéder, ils doivent marcher le long d’une passerelle chancelante surplombant un lagon, derrière la plage. Chaque structure dispose d’une toilette – avec une ouverture donnant directement dans l’eau marécageuse du lagon – et chaque habitant doit payer 10 nairas (environ un centime de dollar américain) pour y accéder.

D’après certains habitants, l’eau des forages dans les localités de la ville est polluée par l’eau de mer et les matières fécales.

« Nous souffrons souvent de choléra ici », a confié à IRIN Effiom Edet Okon, un des chefs traditionnels d’Atonbong West, « surtout pendant la saison sèche, entre janvier et mars, lorsqu’il est plus difficile d’importer de l’eau ».

Même la pompe manuelle du principal forage d’Atonbong West est en panne. Les enfants tirent l’eau polluée en l’aspirant à travers des tuyaux en caoutchouc.

En outre, il n’y a aucun endroit où les habitants peuvent s’adonner à l’agriculture car les terrains situés derrière la plage sablonneuse sont des marécages salés.

« Le poisson, c'est tout ce que nous avons »

Alors pourquoi tant de personnes vivent ici ? « A cause de la pêche essentiellement », a répondu Mercy Nyong, une étudiante du Nigeria continental venue en vacances voir sa famille. « Nous n’avons pas besoin d’aller loin pour pêcher ».

Malgré les mauvaises conditions de vie, la pêche rapporte incontestablement quelques revenus. Vêtements, légumes, oranges et eau minérale vendus dans les boutiques en bois situées derrière la plage sont tous emmenés en bateau depuis le Nigeria continental.

« Tout s’effondre autour de nous ici, mais nous continuons de considérer cet endroit comme notre village », a expliqué à IRIN le chef Okon.

Et bien que le Nigeria ait cessé de fournir des services à la population, le chef Okon et toutes les autres personnes contactées par IRIN ont fait part de leur désapprobation du transfert de l’autorité au Cameroun prévu l’année prochaine.

« Nous avons peur des Camerounais », a affirmé M. Okon. « Ils s’étaient montrés très violents par le passé lorsqu’ils avaient envahi le territoire ; ils vont nous imposer des taxes et confisquer nos embarcations et nos biens ».

Mais une alternative existe. Pour les habitants ne souhaitant pas vivre sous souveraineté camerounaise, ils peuvent aller s’installer dans la nouvelle commune de Bakassi implantée dans une région de la frontière est du pays et créée tout particulièrement par le gouvernement nigérian à leur intention.

Mais la nouvelle commune de Bakassi n’est pas si différente de la zone de Bakassi, a expliqué Mercy Nyong. « Et la situation là-bas pourrait être encore plus désastreuse », a-t-elle ajouté.

« Le gouvernement nigérian n’a pas développé la nouvelle commune de Bakassi, comme il s’était engagé à le faire. C’est comme ici ; il n’y a pas d’école, pas de services de santé, la commune est plus éloignée des zones de pêche poissonneuses alors que le poisson est tout ce que nous avons ».

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