Journalistes emprisonnés en Chine et Jeux Olympiques

Écrit par Gary Feuerberg, La Grande Époque - Washington
24.11.2007

  • Bob Dietz(攝影: / 大紀元)

Alors que la planète attend impatiemment les Jeux olympiques de 2008, il y a, en jeu, plus que des compétitions athlétiques. Entre 20.000 et 30.000 journalistes et techniciens étrangers iront en Chine, en août 2008, et travailleront dans un environnement autoritaire qui ne leur est pas familier.

Bob Dietz, journaliste d’expérience, est heureux de voir que les gens réalisent peu à peu les liens entre l’organisation des Jeux par la Chine et ses politiques pernicieuses envers les journalistes, étrangers ou locaux. En tant que coordonnateur, pour l’Asie, du Comité pour la protection des journalistes (Committee to Protect Journalists, www.cpj.org), son travail consiste à répondre aux attaques contre sa profession en Chine. Fondé en 1981, le CPJ documente des centaines de cas chaque année et milite pour la liberté de la presse.

«En date d’aujourd’hui, à moins d’un an des Jeux olympiques de 2008, la Chine emprisonne au moins 29 journalistes et rédacteurs en raison de leur travail […] La plupart sont détenus sous des accusations vagues liées à la sécurité, telles que la révélation de secrets d’État ou l’incitation à la subversion», explique M. Dietz.

M. Dietz s’est exprimé lors d’une conférence organisée par l’ONG Carnegie Endowment for International Peace, le 11 octobre dernier, intitulée Le défi olympien de la Chine : Pékin peut-il tenir ses promesses?

«Vingt-neuf journalistes sont emprisonnés, comparativement à 31 l’année dernière. Néanmoins, la Chine détient toujours, depuis 1999, le record de journalistes en détention», selon M. Dietz.

«Nous croyons qu’il est réaliste de demander au régime de la Chine de libérer, avant octobre 2008, les 29 journalistes emprisonnés pour leur travail», estime-t-il, soulignant que la libération de six d’entre eux est prévue avant le début des Jeux.

Bob Dietz croit aussi que des pressions devraient être faites sur le Comité international olympique (CIO) qui a octroyé les Jeux à Pékin en 2001, s’attendant à ce que la Chine donne le champ libre à tous les journalistes accrédités, sans discrimination entre journalistes étrangers et chinois.

«Nous allons donner une liberté complète de couverture aux médias lorsqu’ils viendront en Chine», avait dit à l’époque le secrétaire-général du comité de Pékin lorsque la Chine avait reçu les Jeux, selon un récent rapport du CPJ intitulé Falling Short: As the 2008 Olympics Approach, China Falters on Press Freedom. M. Dietz affirme qu’on doit faire pression sur le CIO pour qu’il réalise cette promesse faite par la Chine et qu’il obtienne la libération des 29 journalistes.

Finalement, M. Dietz a mentionné que les commanditaires des Jeux devraient également être exhortés à lutter pour la libération des journalistes emprisonnés. Ces commanditaires majeurs sont : Johnson & Johnson, Coca-Cola, Adidas, Atos Origin, General Electric, Kodak, Lenovo, Namulige, McDonald’s, Omega, Panasonic, Samsung et Visa.

LA CHINE S’EN PREND À INTERNET

Ces dernières semaines, en préparation à l’ouverture du 17e Congrès du Parti communiste qui s’est tenu le 15 octobre dernier, les autorités ont accéléré les efforts pour surveiller et supprimer les informations et les forums de discussion sur Internet, selon M. Dietz. Ce dernier souligne que plus de la moitié des journalistes emprisonnés le sont en raison d’activités en ligne.

Ces activités, considérées criminelles, incluent la publication non autorisée de nouvelles internationales et nationales, les reportages sur la criminalité et les manifestations publiques, la rédaction d’articles sur le crime et le chômage qui sont critiques vis-à-vis du Parti communiste chinois (PCC) et des éditoriaux qui dénoncent le contrôle des médias par le PCC, selon le rapport Falling Short du CPJ.

«Dans une action sans précédent, les autorités de différentes régions ont ordonné la fermeture de centres de données Internet (IDC). Les IDC hébergent physiquement des serveurs, parfois plusieurs à la fois, qui à leur tour hébergent des milliers de sites Internet», mentionne M. Dietz. Si les IDC hébergent un seul site web jugé offensant pour le régime, leurs opérations sont supprimées, selon des informations obtenues par le CPJ venant de nombreuses sources en Chine. Par exemple, Waigaoqiao, basé à Shanghai, est l’un des plus gros IDC en Chine. «Il a été contraint de fermer, le 3 septembre dernier, terminant les opérations de 30 serveurs en un seul coup, selon de nombreux rapports… », indique le CPJ.

Que le régime adopte des mesures aussi draconiennes que de faire fermer des IDC entiers, indique que, même avec sa surveillance quotidienne d’Internet, les censeurs sont incapables de gérer l’immense flux d’information, estime M. Dietz. Le Bureau de la sécurité publique du régime ordonne aux IDC de supprimer toutes les fonctions interactives sur leurs sites Internet, comme les BBS, les blogs, les sections réservées aux commentaires, et ce, jusqu’à la fin du Congrès du PCC, explique le site web du CPJ. Ce genre de pression crée normalement une autocensure extrême des IDC pour éviter toute responsabilité légale.

JOURNALISTES EMPRISONNÉS

Les 29 journalistes emprisonnés en Chine, mentionnés par M. Dietz, sont décrits dans l’annexe III du rapport Falling Short. Parmi eux on peut citer :

Li Changqing, vice-directeur du Fuzhou Daily, a été emprisonné en 2005. Son crime : rapporter avec objectivité l’épidémie de fièvre dengue dans la province de Fujian. En 2005, M. Li a rapporté au moins 100 cas qui ne correspondaient pas aux vingt cas officiellement déclarés. Sa peine arriverait à terme en février 2008.

Shi Tao, rédacteur en chef du journal de Changsha, Contemporary Business News, a été arrêté en novembre 2004 pour avoir « livré des secrets d’État à des étrangers ». Son crime : fournir à des amis aux États-Unis, à travers son compte Yahoo!, les instructions du département local de propagande sur la manière dont le quinzième anniversaire du massacre de la Place Tiananmen aurait dû être couvert. Il a aussi fourni les instructions sur ce qui devait être dit au sujet du groupe de méditation banni Falun Gong. Il a été condamné à dix ans de prison. Il n’aurait pas été emprisonné sans l’aide de Yahoo qui a collaboré avec les autorités chinoises.

Zhang Jianhong, auteur, scénariste, journaliste et fondateur d’un site web de nouvelles et de littérature, purge une peine de six ans depuis septembre 2006 pour avoir « diffamé le gouvernement et le système social chinois». Son crime : appeler à la réforme politique en Chine, rapporter sur les prélèvements illégaux d’organes sur des prisonniers en vie et contribuer à des sites Internet étrangers (Boxun News, Minzhu Luntan, La Grande Époque en version chinoise). M. Zhang a passé un an et demi dans un camp de travaux forcés après les événements de 1989 pour avoir appuyé les manifestants prodémocratie de la place Tiananmen.

Chen Renjie et Lin Youping sont emprisonnés depuis 24 ans, ce qui fait d’eux les journalistes de la planète ayant croupi le plus longtemps en prison, selon des recherches du CPJ. Leur crime : avoir écrit et publié 300 exemplaires d’un pamphlet intitulé Rapport sur la liberté. Un troisième journaliste impliqué, Chen Biling, a été exécuté.

REPOUSSER LES LIMITES

L’intimidation et l’arrestation de journalistes étrangers sont tout aussi dramatiques, mais au moins ils peuvent compter sur leur réseau au sein des médias et leurs gouvernements respectifs.

Toutefois, les journalistes chinois locaux s’inquiètent de ce qui pourrait leur arriver s’ils prenaient avantage des libertés qui pourraient être établies durant les Jeux, fait remarquer M. Dietz. «Qu’est-ce qui leur arrivera lorsque les projecteurs ne seront plus sur les Jeux et que les médias étrangers auront plié bagages pour retourner chez eux ?»