Roméo et Juliette séduisent la Place des Arts

Écrit par Floriane Denis, La Grande Époque Montréal
05.11.2007

  • Marc Hervieux et Maureen O'Flynn(攝影: / 大紀元)

Trois heures, cinq actes et deux morts tragiques : c’est ce qu’il aura fallu, samedi dernier en soirée, à l'Opéra de Montréal pour conquérir le public de la salle Wilfrid-Pelletier. La Grande Époque revient sur la première de l’opéra Roméo et Juliette, de Charles Gounod, qui est présenté les 7, 10, 12, 15 novembre 2007 à 20 h.

Que ce soit par la pièce originale de Shakespeare ou le film West Side Story, tout le monde connaît l’histoire des deux amants séparés par la haine de leurs familles. Le Roméo et Juliette de l’Opéra de Montréal est transposé à Vérone après la Seconde Guerre mondiale, et l’adaptation est réussie. On n'a pas de mal à croire qu'à la fin des années 1940 en Italie, le poids des familles et des conventions puisse contrarier les destins amoureux. De plus, lons soit tel quel quele pidus pratique spour lee choix de cette période permet à l’Opéra de Montréal d’offrir un éventail de costumes bien coupés, colorés et pratiques pour les interprètes.

Ces costumes contribuent, avec les décors de Claude Girard, à mettre en valeur le déroulement de l’action. Il suffit d’une lampe et d’un divan pour évoquer l’intimité d'un salon, mais de grandes arches de marbre s'ouvrant sur une terrasse illustrent la magnificence et l’exubérance de la fête du début. Lors de la scène du balcon, celle où les deux amants s'avouent leurs sentiments, la luxuriance de la végétation du jardin, en pleine floraison, se fait le miroir de ce qui anime le coeur de Roméo et Juliette. Plus la tragédie enfle, plus les décors s'épurent, devenant gris et graves. La pièce se termine autour d'un simple tombeau dans une salle vide. Les arches du début ont alors été comblées : les amoureux ne peuvent échapper à leur destin.

Quant à la mise en scène de Michael Cavanagh, il est difficile de la commenter, tant elle est naturelle. Les gestes et déplacements des interprètes vont de soi. Les personnages semblent réels et les moments de comédie qui rythment la tragédie sont bien exploités. La courte scène du début, qui révèle l'issue tragique de l’histoire, est très bien faite : on y voit la nourrice pleurer dans un salon tandis que le chœur reste dans l’ombre. Celle, où Roméo et ses amis rentrent de la fête, est également très judicieuse. Les jeunes gens marchent à l’avant-scène, sous un ciel étoilé évoqué par un rideau noir percé de points lumineux. Roméo reste en arrière pour rêver à sa belle. Le rideau se lève et le décor du jardin apparaît pour la scène de la déclaration.

Tout cela met en valeur l'excellente interprétation des chanteurs. D’Alexander Dobson, excellent en facétieux Mercutio, à Philip Skinner, qui interprète le frère Laurent, tous sont bons. Mais quand Marc Hervieux (Roméo) et Maureen O'Flynn (Juliette) apparaissent pour le salut final, le public se lève comme un seul homme. Il faut dire que tous les deux chantent tout au long de la pièce, une vraie performance sportive. La voix de Maureen O’Flynn est pure et donne des frissons. En plus, elle n’a pas menti en disant qu'elle est encore jeune de cœur : elle fait vivre le personnage de Juliette. Et si Marc Hervieux a déclaré que c’était plus difficile pour lui de faire ressurgir des sentiments de coup de foudre, il n'en paraît rien. En résumé, ces deux-là chantent à merveille et, en plus, ils jouent très bien. Leur complicité est palpable et ils ont époustouflé le public de la Place des Arts.

Une distribution talentueuse, des décors et des costumes évocateurs, une mise en scène sans affectation et un orchestre dirigé par Jean-Yves Ossonce qui souligne sans écraser : le Roméo et Juliette de l’Opéra de Montréal a tout pour plaire.

Roméo et Juliette, de Charles Gounod

À l’affiche de l’Opéra de Montréal

Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts

Les 3, 7, 10, 12, 15 novembre 2007 à 20 h

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Un opéra né d’un coup de foudre

On dit que Charles Gounod tombe amoureux de l’œuvre de Shakespeare à l'âge de dix-neuf ans, après avoir assisté à une répétition de la symphonie dramatique de Berlioz, intitulée Roméo et Juliette. Il est profondément remué par cette traduction musicale de la pièce, au point qu'il en mémorise des passages entiers avant même que les partitions ne soient publiées.

Ce n'est que plusieurs dizaines d'années plus tard, en 1864, que le compositeur se décide à écrire une version opératique de la pièce. Les librettistes Jules Barbier et Michel Carré pondent en trois mois un livret très fidèle au texte de Shakespeare. Gounod compose la musique de Roméo et Juliette au printemps 1865, alors qu’il séjourne sur la Côte d’Azur. Dans une lettre à son épouse, Gounod écrit que les personnages des jeunes amants sont tellement présents dans son coeur qu’il sent leur présence autour de lui et l'écriture coule d'elle-même.

Cela se sent dans la partition et, dès sa création à Paris en 1867, cet opéra conquiert les foules. La musique exprime si bien la passion qui brûle les deux amants que, lors d'une des premières représentations à Chicago, un jeune spectateur se rue sur la scène pour embrasser la Juliette d'alors. Roméo doit même sortir son épée pour repousser le jeune audacieux!