Courses de buffles à Bornéo

Écrit par Wes Lafortune, Collaboration spéciale
10.12.2007

 

  • Kompang Jaya sur un buffle(攝影: / 大紀元)

En voyageant à Bornéo, la troisième plus grande île au monde, on s’habitue à l’inhabituel. C’est un endroit rempli de légendes à propos des chasseurs de têtes et de créatures qui se promènent insidieusement la nuit.

Les délices du festival des récoltes

Pour ajouter à mon excitation d’être arrivé à Kota Kinabalu, la capitale de l’État malais du Sabah, avait lieu l’événement dont on parle le plus dans l’année, le festival des récoltes appelé Tadau Kaamatan. C’est une célébration importante dans la vie des Kadazan-Dusun, un peuple indigène de la région dont les habitants dépendent du riz pour gagner leur vie. Ce festival, qui s’étend sur un mois, est une offrande à Bamabarayon, un esprit qui habite toutes les parties de la rizière, selon les croyances du peuple.

Avec son atmosphère similaire à celui d’un carnaval, cet événement attire des milliers de personnes qui sont emportées par l'abondant flot de tuak (vin de riz) qui cogne assez dur, merci. Tout en marchant autour de Kota Kinabalu, une ville balnéaire florissante de 350 000 habitants, située sur les berges de la mer de Chine méridionale, je devins intoxiqué par ce qui me paraissait être l’atmosphère d’une fête perpétuelle. Parsemé de marchés à aires ouvertes, où des bananes frites sont préparées à côté de calmars frais en train de frétiller sur des grils, il est facile de tomber en amour avec Kota Kinabalu.

Mais ce moment tranquille prit tout un virage lorsque je suis entré dans un bureau d’information touristique et que la personne derrière le comptoir me donna un dépliant intitulé «Courses de buffles – Royal Sabah Turf Club». Avide d’aventures locales, je me suis immédiatement dirigé à la piste de courses, située à l’autre extrémité de la ville. Fondé en 1898, le Turf Club est un lieu de rendez-vous local pour les enthousiastes de courses hippiques avec une touche que seul Kota Kinabalu peut offrir. Près de l’entrée de la piste, se trouvent un jeune garçon et un homme âgé, tous deux habillés de vêtements traditionnels et montés sur des chevaux drapés d’un merveilleux arc-en-ciel de soie. Mais aujourd’hui, les buffles vont se surpasser pour attirer mon attention. Une fois par année, cette rare course de buffles a lieu afin de faire honneur à ces bêtes de travail qui se démènent auprès de leurs maîtres dans les rizières du Sabah et ailleurs.

Soudainement, je le remarque au loin dans le pâturage, musclé, ferme sur pieds, ce buffle avec le numéro 16 maladroitement peinturé sur son train arrière.

«Son nom est Kompang Jaya» me dit son propriétaire, Encik Hj Alin Sinkir, qui est connu ici simplement comme M. Alin.

Dans la langue malaise, Kompang veut dire petit tambour et jaya veut dire succès. Ou encore,Kompang Jaya signifie, selon ma simple traduction, «rythme de l’argent».

«Il est rapide et va être un des premiers finalistes», dit M. Alin.

Fermier respecté dans la communauté avoisinante de Kota Balu, M. Alin possède quatre hectares de rizière. Pour lui, un buffle rapide est bien plus qu’un luxe passager. Un bon buffle, capable de labourer des champs boueux plus efficacement que n’importe quel tracteur, peut être le facteur déterminant entre une saison productive sur la ferme et un échec financier.

Néanmoins, aujourd’hui, le buffle de M. Alin représente la possibilité de remporter un droit de vantardise d’une année complète ainsi qu’une bourse de 1000 ringgits malais (292 $ CA), qui sera versée au propriétaire de la bête aux sabots les plus vifs.

À vos marques, prêts, partez!

Influencé par la débordante confiance de M. Alin en Kompang Jaya, je dépose deux ringgits sur le numéro 16 pour la neuvième course. Avec seize coureurs, la victoire du buffle de M. Alin n’était pas dans la poche, car il y avait une sérieuse rivalité avec le champion de l’année dernière, Laki Laki, le numéro 13.

Le moment du départ étant finalement arrivé, j’ai regardé les buffles parader jusqu’à la piste boueuse qui avait subi l’orage plus tôt dans l’après-midi. Un sentiment de tension régnait dans l’humidité accablante de l’air. La foule détrempée, majoritairement composée d’hommes, se dirigea vers les bancs; les cous s’étirèrent dans un effort de jeter un dernier coup d’œil à leur bête favorite, quelques secondes avant qu’elles ne se déchaînent sur la piste. Je remarquai un élégant contraste : ces hommes assis précairement sur ces animaux trapus apparaissaient aussi détendus et en contrôle du buffle de 880 livres que n’importe quel jockey assis sur la selle d’un pur sang d’un million de dollars au Kentucky Derby.

Alors que la course de 3,3 km se mit en branle, les buffles bondirent de la barrière. Ce qui était à prime abord un concours serré, avec le buffle de M. Alin qui allait bon train, changea soudainement en déception alors que Pitas Baru, du nom d’une région intérieure de Sabah, dépassa en flèche le peloton et emporta la première place. Kompang Jaya termina juste derrière remportant une désolante deuxième place.

Après la course, je rejoignis M. Alin et je découvris un homme aucunement aigri dans la défaite, mais au contraire, intensément fier de son atout de travail. Peut-être bien que les 800 $ ringgits (233,57 $ CA) qu’il reçut pour la deuxième place de son animal l’aida à surmonter la douleur de la défaite. Cependant, j’ai vraiment l’impression que c’était tout autant la joie qu’il avait à voir Kompang Jaya recevoir de la reconnaissance pour ses prouesses physiques en dehors des limites des rizières.

«Je vous l’avais dit, répliqua M. Alin, je vous l’avais dit qu’il remporterait de l’argent.»

Avec un sourire généreux sur son visage, il dit : «Deuxième, cette année, mais il gagnera l’année prochaine.»

En quittant le Turf Club, je pris un autre moment pour contempler les bêtes des rizières de Bornéo et réaliser comment, dans cette région éloignée du monde, le meilleur ami de l’homme n’est pas le chien, mais bien le buffle.

Wes Lafortune est l’éditeur de www.worldtrekker.ca