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Les espoirs discrets nés à Annapolis

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque- Paris
11.12.2007
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  • Le Premier ministre israélien Ehud Olmert (D) et le président de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas (G) (Stringer: SAUL LOEB / 2007 AFP)

 

Quelque chose a tremblé au Moyen-Orient et il flotte dans l’air comme la chance vraie d’un état palestinien dont la capitale serait Jérusalem-Est. Le risque de coup de gel sur ces pousses fragiles est encore grand, la conférence de suivi et de levée de fonds organisée à Paris le 17 décembre aura donc un vrai rôle de consolidation. La conférence d’Annapolis signe aussi, fait remarquable, le retour de la Syrie comme partenaire possible de la paix, au prix de concessions israéliennes futures sur le plateau du Golan.

Pour la première fois depuis plus de sept ans, l’administration américaine a mis des efforts majeurs à la paix entre Israéliens et Palestiniens, et plus largement à la normalisation des relations israélo-arabes. Celle-ci, bien qu’elle appelle un cortège de scepticismes divers, pourrait être au bout de la lorgnette, peut-être à l’horizon 2009. Sur le papier et en tout cas sur le principe, elle est, avec le succès de la conférence d’Annapolis, entérinée par près de cinquante pays. Maintenant, est-ce réaliste, est-ce réalisable ? Il y aura, avant cela, la réunion d’approfondissement à Paris le 17 décembre, les négociations sur le plateau du Golan à Moscou, en janvier. Il y aura aussi, sans doute et malheureusement, des attaques barbares contre des civils juifs, des représailles à moitié-aveugle touchant des civils palestiniens. Mais au bout de cette route pourrait se dessiner, fin 2008, un accord de paix israélo-palestinien.

Pour l’Europe et les États-Unis, et même pour les Palestiniens partisans d’un état palestinien laïque, avec à leur tête Mahmoud Abbas, la conférence d’Annapolis et ce qui doit à partir d’elle se construire sur le terrain, est une chance de désamorcer l’embrasement et l’islamisation fanatique du Moyen-Orient ; pour Israël, une chance de revenir en arrière sur une politique coloniale intenable - mais avec suffisamment de contrôles et de garde-fous pour que le Hamas, déjà maître de la bande de Gaza, ne prenne pas aussi le contrôle de la Cisjordanie lors d’un retrait israélien qu’Ariel Sharon avait déjà annoncé au moment du départ de Gaza.

LE GRAND TOUR DE FORCE : LA SYRIE À LA TABLE DES NÉGOCIATIONS

L’administration américaine a réussi, à la dernière minute, le tour de force ou le tour de magie de décrocher une participation officielle de la Syrie à la conférence d’Annapolis. Cette présence de la Syrie, soutien actif du Hezbollah libanais et du Hamas, alliée stratégique de l’Iran, et qui avait mise de côté jusque-là de toutes les discussions diplomatiques sur le Moyen-Orient, est un changement majeur sur l’échiquier diplomatique. Il est trop tôt pour parler d’un revirement, mais il y a au minimum une distance prise par Damas vis-à-vis de Téhéran.

«Je voudrais en préambule affirmer que la participation de la Syrie à cette réunion représente un pas supplémentaire de sa part pour contribuer à l’obtention d’une paix juste et globale dans notre région troublée», a déclaré le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Mekdad à son arrivée à la conférence.  Il a réaffirmé le soutien de Damas à l’initiative de paix saoudienne endossée en mars dernier par la Ligue arabe, rappelant qu’elle prévoyait une normalisation totale des pays arabes avec Israël en échange d’un retrait total des territoires occupés depuis 1967 et donc du plateau du Golan.

LE HAMAS HURLE, MAHMOUD ABBAS PASSE

Depuis son fief de la bande de Gaza, le groupe extrêmiste Hamas a appelé les foudres divines contre «la réunion du diable» à Annapolis.

Le Premier ministre limogé du Hamas, Ismaïl Haniyeh, s’est dit «contre toutes les tentatives de normalisation directe ou indirecte et entre autre la présence, pour la première fois, d’une délégation arabe au côté d’une délégation sioniste à la conférence d’Annapolis».

Mahmoud Zahar, un chef du Hamas à Gaza et représentant de la ligne radicale du Hamas, martelait que «la terre de Palestine va du fleuve Jourdain jusqu’à la mer Méditerranée, des frontières syrienne et libanaise au nord à la frontière égyptienne au sud», c’est-à-dire la Palestine historique du mandat britannique, incluant l’État israélien.

Il a par ailleurs réaffirmé le refus d’une quelconque «normalisation avec l’ennemi (israélien) quel que soit le prix qu’il paye.»

Un porte-parole du mouvement islamiste, Fawzi Barhoum, soulignait pour sa part que les Palestiniens ne tiendraient pas compte des éventuelles décisions prises à Annapolis, la délégation palestinienne emmenée par M. Abbas n’ayant aucune «légitimité».

Un haut responsable du Jihad islamique, Mohammed al-Hindi, a de son côté accusé les États-Unis de ne pas chercher à établir la paix au Moyen-Orient mais de vouloir «frapper l’Iran, diviser l’Irak, contrôler le Liban, normaliser ses relations avec l’Arabie saoudite, et briser la résistance palestinienne.»

VERS UN ENCERCLEMENT DE L’IRAN PAR UN FRONT SUNNITE ?

Effectivement, sur la première partie au moins, selon un des ambassadeurs en Israël de l’ère Clinton, Martin Indyk, «la volonté d’hégémonie de l’Iran (...) a donné aux États-Unis l’occasion de bâtir une alliance israélo-arabe dirigée contre l’Iran».

Richard Haass, ancien conseiller de Colin Powell lorsqu’il était secrétaire d’État, a relevé l’intérêt qu’a montré M. Bush pour rallier à sa cause des puissances arabes comme l’Egypte et l’Arabie Saoudite.

«Je serais enclin à penser que c’était en partie pour profiter – et pour renforcer – l’orientation anti-iranienne d’une partie du monde arabe sunnite, et aussi (...) pour changer la perception de la politique étrangère de son administration dans la région», a-t-il analysé.

Dans un contexte où le scénario d’une intervention militaire contre Téhéran est chaque jour plus précis et plus probable, l’approche consistant à liguer l’essentiel du monde arabe contre les aspirations nucléaires du régime iranien, tout en ouvrant un chemin vers la paix israélo-palestinienne, ouvre théoriquement de nouveaux horizons diplomatiques, à concrétiser.

SCEPTICISME

Pour le quotidien israélien Haarets cependant, l’impopulaire Ehud Olmert n’a fait qu’offrir un répit politique à sa majorité à travers l’espoir d’une construction de la paix.

Dans le monde politique aussi, la succession des échecs du processus de paix invite à une vive prudence. «Rien n’incite à l’optimisme», a déclaré à l’AFP un diplomate arabe, affirmant que «les Arabes en général sont déçus». «Il n’y a pas d’engagement clair à respecter une date-butoir, c’est seulement un engagement à déployer des efforts», a ajouté ce diplomate ayant requis l’anonymat.

Même Ehud Olmert faisait profil bas face à l’idée d’un accord en 2008. «Nous n’essayons pas de prétendre que cela peut être fait en une semaine ou en un an, mais il faut bien commencer quelque part», a-t-il dit à la radio publique américaine (NPR).

Parmi les aspects positifs, un autre expert, Edward Djerejian, ancien ambassadeur américain en Israël, relève le rôle joué par George W. Bush, rôle que ce dernier avait refusé d’endosser au cours de ses sept premières années de présidence. «Le soutien actif du président des États-Unis à ce processus est essentiel», selon lui.

Les pièces se mettent donc en place pour que l’énorme revirement de l’Arabie Saoudite en 2002, qui a accepté de reconnaître Israël si un état palestinien était créé, porte ses fruits. Pas moins de 16 états arabes se sont ralliés à cette position, et c’est sans doute un des grands fruits de la conférence d’Annapolis que d’avoir pu sous impulsion américaine mettre en accord sur le principe le Moyen-Orient tout entier, dans une réunion impliquant Israël.

 

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