Les envahisseurs du Québec

Écrit par Marijo Gauthier-Bérubé, Collaboration spéciale
11.12.2007

  • Des moules zébrées(攝影: / 大紀元)

Au XVIe siècle, la colonisation du Nouveau Monde commence et, avec elle, l’invasion de l’Amérique du Nord par des espèces inconnues du continent jusqu’alors. Sans en avoir l’intention, les colons européens ont introduit plusieurs nouvelles espèces vivantes, comme le rat surmulot, ou des virus, comme la grippe ou la variole. Encore aujourd’hui, le Québec devient l’hôte de diverses nouvelles espèces dites exotiques, autant nuisibles qu’utiles.

On définit une espèce exotique en disant d’elle qu’elle s’est implantée dans une autre région que celle de son milieu d’origine. Elle peut se déplacer à l’intérieur même d’un pays, par exemple, le ouaouaron est une espèce dite indigène sur son territoire, au Québec, mais devient une espèce exotique en Colombie-Britannique. Il en va de même avec les espèces venues de pays différents comme le chat domestique, qui vient vraisemblablement d’Afrique, ou encore la majorité des plantes utilisées pour l’agriculture, à l’exception de notre maïs qui est une plante indigène.

Selon Claude Lavoie, professeur à l’Université Laval, certaines espèces sont utiles : «Ce n’est qu’une faible minorité d’espèces exotiques qui sont envahissantes (peut-être 10 %), et bien peu d’entre elles sont véritablement nuisibles, que ce soit pour l’environnement (biodiversité) ou certaines activités économiques (agriculture, foresterie, etc.).» Par exemple, les colons de la Nouvelle-France ont importé des bovins et des chèvres afin de se nourrir. Aujourd’hui encore, le Canada importe volontairement différentes espèces afin de s’en servir dans différents domaines comme la science, la médecine ou encore l’agriculture.

Pourquoi s’inquiéter?

Cependant, certaines espèces, introduites pour la plupart involontairement, sont des espèces nuisibles et envahissantes et viennent concurrencer avec nos plantes indigènes, diminuant du même coup la richesse de la biodiversité. Par exemple, la châtaigne d’eau, dont les premiers signalements remontent à 1997, vient bloquer la lumière et nuit ainsi à la biodiversité de son milieu, empêchant certaines algues de pousser ou même certaines espèces animales d’y vivre.

La moule zébrée est un autre bon exemple d’espèces envahissantes introduites involontairement. Probablement venue avec les eaux de ballasts des bateaux, la moule zébrée a envahi les Grands Lacs et une partie du fleuve Saint-Laurent. Pouvant pondre jusqu’à un million d’œufs pendant l’été, la population de cette moule augmente très rapidement. En plus d’envahir l’habitat des moules indigènes, la population de la moule zébrée a aussi d’importantes répercussions sur les autres populations marines. Chaque moule peut filtrer jusqu’à un litre d’eau par jour, diminuant ainsi la quantité de phytoplancton et de zooplancton, nourriture essentielle à la survie de poissons ou de micro-organismes marins. De plus, comme elles viennent se fixer sur des moules indigènes, elles les empêchent de se nourrir, de respirer et de se déplacer, les condamnant ainsi à une mort certaine, les moules indigènes étant déjà une espèce menacée en Amérique du Nord.

De plus, il est très difficile de contrôler ces nouvelles populations. «Les envahisseurs sont souvent des espèces très prolifiques et opportunistes qui se disséminent en peu de temps sur de longues distances. Beaucoup d’envahisseurs sont aussi de petite taille et passent donc inaperçus aux premiers stades de l’invasion. En somme, si on ne jugule pas l’invasion dès le départ (élimination des premiers individus), il sera, à toute fin pratique, impossible d’éliminer l’envahisseur à moins d’y consacrer des efforts énormes», nous informe Claude Lavoie.

Que faire?

Pour l’instant, peu de mesures sont prises pour contrer cette invasion. Les gouvernements des provinces canadiennes se contentant de surveiller les importations afin de ne pas importer des espèces exotiques qui viendraient envahir notre écosystème. Selon Claude Lavoie, il est «utopique de vouloir éliminer les espèces exotiques envahissantes. On peut tout au plus prendre des mesures pour limiter leur propagation». Il existe quelques initiatives locales, mais rien n’est fait au niveau provincial ou fédéral. Il faut comprendre que pour empêcher toute entrée d’espèces exotiques non désirées, il faudrait totalement fermer nos frontières aux importations puisque les espèces exotiques peuvent se cacher dans les eaux de ballasts, dans le bois des caisses de cargaison ou même dans des espèces exotiques désirées (des insectes se cachant dans le feuillage par exemple).

Réchauffement climatique

Avec le réchauffement graduel de la température de la Terre, nous serions tentés de dire que le phénomène ira en s’aggravant. En fait, le réchauffement de la planète va augmenter les aires de répartition des espèces qui verront alors la possibilité de se rendre jusqu’aux pays nordiques dépouillés de leur barrière naturelle : le froid.

Il faut cependant se rappeler que, même si la situation semble dramatique, peu d’espèces sont vraiment envahissantes et causent des dommages importants à nos écosystèmes; aussi, ces espèces indésirables sont la contrepartie du progrès fait à partir d’autres espèces.