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Birmanie : une répression plus meurtrière qu’on ne le croit

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque – Montréal
13.12.2007
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  • Des moines défilent devant les forces de répression(Stringer: AFP / 2007 AFP)

L’inaction laisse libre cours à la poursuite de la répression en Birmanie, estime Human Rights Watch

«Le nombre de morts pourrait être beaucoup plus élevé.» Cette phrase a été reproduite et répétée inlassablement dans presque tous les reportages produits sur la crise de la répression des manifestations anti-junte en Birmanie cet automne. En voyant les dernières images de mares de sang et de sandales abandonnées sur le pavé avant le blocus total des communications, le nombre de personnes – quinze – reconnues comme décédées par les autorités semblait trop peu élevé, compte tenu spécialement que des milliers de Birmans avaient été assassinés au moment des derniers soulèvements démocratiques en 1988.

Le 7 décembre, l’envoyé spécial des Nations unies en Birmanie, Paulo Sergio Pinheiro, a déclaré qu’au moins 31 personnes avaient été tuées par le régime, mais que «le nombre de morts pourrait être beaucoup plus élevé». Les conclusions de son enquête devaient être présentées le 11 décembre à l’ONU. Elles confirment ce qui avait filtré plus tôt, soit que la répression est loin d’être terminée avec les graves abus ayant cours dans les lieux de détention.

«Depuis la répression, il y a eu un nombre grandissant de rapports de morts en détention, de même que de mauvais traitements, de manque de nourriture, d’eau ou de soins médicaux dans des centres de détention surpeuplés et non sanitaires à travers le pays», a-t-il déclaré à l’AFP.

Un grand nombre de corps auraient été incinérés dans le crématorium de Ye Way, à Rangoun, durant plusieurs nuits consécutives à la fin de septembre.

Même son de cloche du côté de l’organisation de défense des droits de l’Homme, Human Rights Watch (HRW), qui a publié, le 7 décembre, un rapport exhaustif sur la répression en Birmanie.

Le rapport de 140 pages, fondé sur plus de cent entrevues avec des témoins occulaires en Birmanie et en Thaïlande, serait le récit des événements le plus précis à cette date, selon l’ONG.

En raison de l’impossibilité d’effectuer un travail indépendant sur le terrain, HRW ne peut avancer de chiffre précis sur le nombre de décès. Le rapport se concentre sur ce qui s’est passé dans la grande ville de Rangoun, donc des abus commis ailleurs n’ont pas pu être pleinement étudiés.

Néanmoins, l’information révélée est bouleversante, comme ce témoignage de Thazin Aye décrivant les tueries survenues le 27 septembre à l’école secondaire Tamwe n° 3 :

«Nous étions si apeurés. Mes deux amis étaient hystériques et j’avais tellement peur que les soldats nous découvrent. Ensuite, les informateurs ont pointé vers les herbes. Sept jeunes gens étaient cachés là. Ils se sont levés et sont partis en courant, mais les soldats leur ont tiré dans le dos. Ils n’ont pu que faire six ou sept pas avant de tomber. Trois ou quatre des jeunes hommes de 20 à 22 ans ont été tués par balles sur le champ. Les autres ont tenté de fuir, mais ont été amenés dans les véhicules militaires.»

Human Rights Watch décrit le fil des événements, des premières petites manifestations contre l’augmentation du coût de la vie, aux manifestations de grande envergure menées par les moines bouddhistes, le tout s’étalant du mois d’août à la fin septembre. Ensuite les raids nocturnes contre les monastères, les arrestations continuelles de Birmans, les tortures et les morts en détention.

Fait inhabituel, HRW n’offre pas de recommandations à la junte militaire dans son rapport, déplorant qu’au cours de toutes ces années, les généraux n’ont jamais écouté quiconque, que ce soit l’Assemblée générale de l’ONU, d’autres gouvernements du monde ou les ONG.

Les recommandations du rapport sont plutôt dirigées vers la communauté internationale dont l’inaction, hormis quelques déclarations ou actions unilatérales, est perçue comme une complicité.

À ce titre, une série de sanctions devraient être mises en place par le Conseil de sécurité des Nations unies. En haut de la liste : un embargo sur la vente d’armes.

Mais quelle que soit la manière, la sanction efficace ne semble pas être à la veille de venir, car la Chine est identifiée comme le plus grand protecteur du régime militaire birman et elle a souligné son refus d’utiliser son pouvoir au Conseil de sécurité pour faire plier les généraux. «La Chine est la clé, écrit HRW. En janvier 2007, elle a protégé les généraux en imposant son veto à une résolution sur la Birmanie au Conseil de sécurité de l’ONU. Elle a signifié clairement qu’elle bloquerait toute résolution future.»

En outre, le magazine en ligne The Irrawady rapportait, le 7 décembre dernier, qu’une cargaison de 400 véhicules militaires chinois était sur le point de traverser la frontière sino-birmane, après l’importation de 21 canons d’artillerie chinois du 6 novembre dernier.

L’Inde et la Thaïlande sont également pointées du doigt en raison de leur inaction motivée par les liens commerciaux et, en plus pour New Delhi, les considérations géopolitiques. HRW demande à l’Inde, la plus grande démocratie du monde, d’ajouter une dimension éthique à sa politique étrangère, car elle était auparavant du côté de la Ligue nationale pour la démocratie en Birmanie.

Le Japon est également interpellé, sa réponse étant jugée extrêmement timide malgré le meurtre à bout portant de son ressortissant journaliste, Kenji Nagai, capté sur vidéo.

Le futur est encore incertain, conclut Human Rights Watch. «L’Histoire jugera sévèrement les pays comme la Chine, l’Inde et la Thaïlande – les puissants voisins de la Birmanie – qui ont fait jusqu’à maintenant très peu, ou rien du tout, pour appuyer le peuple birman qui souffre depuis si longtemps. Aussi longtemps que [ces trois pays] et autres protègeront les généraux, ils pourront échapper à la tempête, du moins jusqu’à ce que le peuple birman se soulève à nouveau, ce qu’il va presque certainement faire.»

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.