Nu Shu, l’écriture des femmes
Le Nu Shu qui veut dire littéralement « écriture des femmes » est une langue écrite, lue de haut vers le bas et de droite à gauche. Elle est chantée et utilisée exclusivement par des femmes Yao du conté de Jiangyong, dans la province de Hunan en Chine. Les Yao sont un des cinquante groupes ethniques qui vivent en Chine. À la fin du XXème siècle, ils étaient environ 2 600 000, résidant dans les montagnes du sud-ouest et du sud de la Chine. L’ethnie se retrouve aussi au Laos, au Vietnam et en Birmanie.
On ne connaît pas très bien l'origine du Nu Shu. Certains avancent que ce pourrait être une des plus vieilles langues au monde, d’autres disent simplement qu’elle a une longue histoire si on se réfère aux inscriptions retrouvées sur des os d'animaux et des écailles de tortue dans des ruines Yin datant de 3.000 ans.
La légende raconte que ce serait une jeune fille de la province de Hunan, concubine de l’empereur durant la dynastie Song, qui l’aurait inventée. Elle s’attendait à avoir une belle vie et des privilèges, mais c’est à la solitude et aux intrigues du palais qu’elle s’est trouvée confrontée. C’est alors qu’elle aurait trouvé le Nu Shu, code écrit, pour communiquer avec les autres filles et femmes.
Le Nu Shu est certainement lié à une autre particularité chinoise des anciens temps : les pieds bandés. Dès le plus jeune âge, on commençait à bander les pieds des fillettes. On considérait à l’époque qu’une jeune fille qui n'avait pas de petits pieds ne pourrait jamais trouver un mari qui fasse honneur à sa famille, car la taille du pied était un élément essentiel de
Plus prosaïquement, dans l’ancienne Chine, les paysannes de ces contrées reculées n’avaient pas le moindre droit à l’éducation et on ne leur apprenait pas le Nan Shu, c'est-à-dire l’écriture masculine. C’est de là qu’est né le Nu Shu, un moyen pour elles de communiquer entre elles, sans que les hommes entendent. Ceux ci d’ailleurs considérant les femmes comme inférieures n’y prêtaient pas attention. Elles y ont exprimé leurs peines, leurs joies, leur vie de tous les jours.
Voilà comment en parle l’écrivain Lisa See (née à Paris et vivant à Los Angeles. Elle est d'origine chinoise) dans son roman Fleur de Neige, livre traduit en vingt trois langues. «Les femmes pouvaient se plaindre dans cette langue secrète. Elles pouvaient parler des difficultés de leur vie sans nécessairement risquer d'avoir des problèmes car les hommes – leur père, leur mari, leurs fils – ne comprenaient pas ce qu'elles disaient». «Apprendre
Contrairement à l’écriture chinoise qui est logographique, c'est-à-dire qu’un caractère représente un mot, le Nu Shu est phonétique et ses caractères représentent des syllabes. Pour lire le Nu Shu, les femmes chantaient. Dans sa configuration écrite,
Au cours de la Révolution Culturelle, dans les années 1960, les Gardes Rouges, soupçonnant le Nu Shu d'être utilisé pour des fins d'espionnage, persécutaient les femmes qui l'utilisaient, brûlaient des livres et parfois aussi les femmes elles-mêmes. Cela rappelle d’ailleurs un des chapitres des Neuf Commentaires sur le Parti Communiste intitulé: «Comment le Parti Communiste Chinois détruit la culture traditionnelle» *
C’est donc un miracle que le Nu Shu soit arrivé jusqu’à nous. On dit que la dernière érudite en Nu Shu, Yang Huanyi est décédée en 2004, à l’âge de 98 ans. Un musée du Nu Shu devrait ouvrir ses portes en 2007 dans une zone de protection. Un dictionnaire couvrant l'histoire, la prononciation et l'écriture présente 1800 caractères. Le Nu Shu est classé dans les langues en danger dans le patrimoine mondial immatériel de l’humanité. En Chine on raconte que ce langage est mort, pourtant le journal «Guardian » dans un article écrit par John Watts www.guardian.co.uk/ affirme le contraire. Resterait-elle toujours la langue secrète des femmes Yao ?
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