Des fleurons de l’industrie française en cadeaux de Noël pour la Chine ?

Écrit par Hanna L. Szmytko, La Grande Époque - Paris
22.12.2007

Autoriser le fonds souverain chinois à entrer dans le capital des sociétés françaises ne serait-il pas comme faire entrer le loup dans la bergerie ?

LE PRESIDENT du tout nouveau fonds souverain chinois d’investissement China Investment Corp (CIC), Lou Jiwei, un ancien vice-ministre des Finances, qui est en tournée de dix jours, s’est rendu après Londres le 12 décembre à Paris à l’invitation de Paris Europlace, l’association chargée de promouvoir la place financière parisienne. Il a été reçu à l’Hôtel de Ville par le ministre français de l’Economie, Christine Lagarde,  et a également rencontré le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer. Lou Jiwei a confirmé ses ambitions à l’international et ses interlocuteurs français ont déclaré être prêts à accueillir les investissements du fonds souverain chinois.

 

Le fonds souverain chinois a été mis sur pied en septembre 2007 par le régime communiste de Pékin. Ce fonds est doté de 200 milliards de dollars de capital initial provenant des vastes réserves de change. Un tiers de cette somme, soit environ 70 milliards de dollars, devrait être destiné à des investissements à l’étranger. Même si Lou Jiwei cherche à rassurer que l’objectif n’est pas une prise de participation « stratégique » dans les groupes européens, ce fonds est un moyen d’entrer dans le monde des affaires. Lors de sa conférence à Pékin le 29 novembre Lou Jiwei a précisé que l’objectif du fonds est d’« être une force stabilisatrice pour les marchés internationaux de capitaux », selon l’agence Bloomberg. Le scepticisme reste de mise, car si ces investissements financiers prenaient un caractère stratégique, compte tenu de la puissance d’investissement qu’il peut mobiliser et son manque de transparence, le fonds souverain China Investment Corp fait peur. Les cibles potentielles peuvent être en effet différentes sortes d’actifs phares : industries, finance, distribution…

 

En mai dernier le fonds China Investment Corp, alors encore en chantier, a déjà procédé à un premier investissement de 3 milliards de dollars, en prenant 9,7 % de Blackstone, l’une des plus grandes firmes américaines de capital-investissement. Le retour sur ce premier investissement s’est avéré en quelques mois un désastre, car depuis l’introduction de Blackstone en Bourse à New-York en juin, l’action a perdu environ 25 % et approche les planchers annuels à mi-décembre. Le fonds souverain chinois vise aujourd’hui à démontrer la pertinence de la démarche gouvernementale en matière d’investissements. Pour obtenir des rendements plus fructueux, il devrait déléguer une partie de ses capitaux à des professionnels de la gestion. Une autre partie pourrait être réservée à des placements dans les immeubles prestigieux, les titres de sociétés renommées côtées en bourse ou encore dans les rachats d’entreprises. En tant qu’actionnaire de Blackstone, le spécialiste de rachat des entreprises par l’endettement (LBO – Leverage buy-out), le fonds China Investment Corp pourrait capitaliser sur l’expertise de ce dernier pour s’emparer de sociétés et à terme obtenir une influence politique.

 

En ce qui concerne les secteurs sensibles ou à haute valeur ajoutée, ne faudrait-il pas revoir les réglementations existantes, afin de protéger les secteurs clef d’une économie nationale ? La France adoptera-t-elle une attitude défensive avec un système de surveillance spécifique et possibilité de blocage de certains investissements, à l’instar des États-Unis ? Ou plutôt une politique de laisser-faire où la manne financière en provenance du fonds souverain chinois entrera sans restriction dans l’actionnariat de sociétés françaises, soit comme simple investisseur, soit comme partenaire stratégique ?