La paix en question

Écrit par Remi Bleibtreu, La Grande Époque
04.02.2007

 

 

 

 

Une salle comble pour le colloque : «La paix qu’est-ce que c’est ? Et

comment la faire» ? Placé sous le parrainage de François Vendasi,

sénateur de Haute Corse, cet événement a eu lieu le 11 janvier dernier

au Palais du Luxembourg.

  • Michel Taube (ECPM), Marie Hollzman (Solidarité Chine) et le président de séance et Ambassadeur de France, M. André Lewin.(攝影: / 大紀元)

 

 

Il a réuni, autour du président de séance, Monsieur André Lewin, ambassadeur de France et Président de l’association française des Nations unies, des orateurs de talent dont la diversité et la richesse des discours ont rempli de satisfaction les participants qui n’ont pas caché leur souhait d’assister à d’autres débats. Par la voix de Monsieur l’ambassadeur, les organisateurs ont fait savoir que d’autres rencontres étaient prévues prochainement sur ce thème des plus actuels. En effet, l’association « Agir pour les droits de l’homme » que préside Marie-Françoise Lamperti annoncera bientôt les dates du prochain colloque. 

Le programme de cette rencontre a été respecté et les temps de paroles des différents intervenants gérés avec la rigueur et la bienveillance dont a fait preuve le président de séance sans jamais se départir de son humour. Un solde de micro-crédit en temps de parole accordé aux intervenants les plus loquaces est venu ajouter à l’atmosphère détendue et conviviale de la salle. Bénéficiant d’une grande expérience au sein de l’ONU puisqu’il a été porte parole du secrétaire général des Nations unies, M. Lewin n’a pas manqué de ponctuer chaque intervention en faisant partager à l’auditoire ses connaissances sur le rôle de l’ONU dans le processus de paix. Le rôle de l’ONU, quant à son progamme de consolidation de la paix sera d’ailleurs évoqué au cours des interventions par M. Jean-Pierre Bugada, responsable de la Communication France au Centre d’Informations des Nations unies pour l’Europe occidentale.

Dés la première partie, David Kilgour, ancien secrétaire d’Etat du Canada ancien vice ministre des Affaires étrangères du Canada pour la région Asie-Pacifique donne le ton. Son allure de grand adolescent enjoué, son accent si caractéritisque ne laissent pas présager qu’il va aborder un sujet aussi sérieux :  « La paix, ne serait-elle qu’un idéal ? » Tel est l’intitulé du discours. Il fait l’éloge de la démocratie en s’appuyant sur quelques passages de la philosophie de Kant : « que les gouvernements qui sont élus par le peuple, c’est-à-dire les gouvernements démocratiques, ne se font pas la guerre. De nos jours, l’idée selon laquelle les démocraties ne se battent pas les unes contre les autres est connue sous le nom de ‘ Théorie de la Paix Démocratique’ ».

Revenant sur des sujets contemporains, David Kilgour rappelle également que « la quarantaine de dictateurs qui sont encore au pouvoir font beaucoup de dégâts, aussi bien au niveau national qu’au niveau international » et que « pour éviter la violence entre les nations, il faut promouvoir la démocratie ».

Enfin M. Kilgour évoque la question cruciale des droits de l’homme en Chine, « la dictature la plus importante au monde » qui selon lui est « un facteur déterminant dans la construction de la paix ». Il a rappelé aussi que « depuis que Hu Jintao est arrivé au pouvoir en 2003, la situation générale s’est détériorée de façon significative. Les Falun Gong, les Ouïgours, les démocrates, les musulmans, les chrétiens, les journalistes, les Tibétains, les bouddhistes, les utilisateurs d’Internet – tous et beaucoup d’autres ont souffert de l’oppression du parti qui s’est empirée ».

Il termine son exposé en faisant une allusion à l’énorme travail qu’il a achevé l’an dernier avec son collègue David Matas à savoir l’enquête sur les prélèvements d’organes : « Permettez-moi de vous faire part de certaines réflexions au sujet de la persécution du Falun Gong et de celle des Ouigours (vous pourrez trouver une déclaration plus longue sur mon site : www.david-kilgour.com) ».

Pour démontrer l’efficacité des organes démocratiques, M. Michel Forst, Secrétaire général de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme prend la parole. Cette instance qui a pour mission principale d’apporter par ses travaux au sein de la société civile, un avis consultatif auprès du Premier ministre va, par la médiation de son orateur, devenir encore plus lisible aux yeux du public :

 

En quoi contribue-t-elle à la paix ? Il explique comment cette instance joue un rôle dans sa contribution à la paix. Constituée d’un ensemble de représentants d’associations, telles que Amnesty International, la Ligue des Droits de l’Homme, etc., elle accomplit un travail collectif sur des grands problèmes de société, tels que ceux liés à l’immigration, au racisme, à l’antisémitisme. Ces rapports sont ensuite remis au Premier ministre qui prend en compte l’avis de la société civile pour certaines décisions gouvernementales. Inversement, il arrive que le Premier ministre consulte la CNCDH sur des questions précises touchant aux avancées en matière de droits de l’homme.

Les débats se poursuivent avec Monsieur Alain Chevalerias, journaliste, qui développe un exposé du terrorisme dont, à son sens, la motivation profonde serait une forme de désespoir face à l’injustice que ressentent ceux qui en font usage.

En contre-pied de la violence, le thème du pacifisme est porté à la réflexion du public par Maître Goldnadel, avocat à la Cour, président de France-Israël et de Avocats sans frontières qui a évoqué la question des « pseudo pacifistes ». Ces gens qui, avec de bonnes intentions véritables ou feintes, prônent le laxisme face aux agressions terroristes et aux violations des droits de l’homme, et ce,  parfois dans le but de protéger ces groupes et de les aider à réussir dans leurs projets guerriers :  «… je dis simplement que c’est un abus de langage grossier  de considérer certains sympathisants du Hamas ou certains sympathisants d’autres organisations que l’on peut considérer comme radicales, comme des militants pacifistes. »

L’antimilitarisme ayant souvent été rattaché à l’idéologie de gauche, Maître Goldnadel poursuit au cours d’une interview accordée à La Grande Époque :

« Il y a toujours eu une gauche humaniste et à côté de cette gauche humaniste, une gauche radicale ; il y a toujours eu à côté des Mencheviks, des Bolcheviks et pour reprendre mon exemple de l’affaire Dreyfus, il y a toujours eu une gauche dreyfusarde et une gauche antidreyfusarde, cette gauche-là, cette gauche radicale, cette gauche ouvriériste, cette gauche souvent antinationale parce qu’internationaliste n’a jamais été caractérisée par l’humanisme, et au demeurant, le marxisme ne se caractérise ni par l’humanisme ni par le pacifisme puisqu’il prône la dictature du prolétariat, ce qui est un programme aussi ambitieux que radical. La révolution française n’est rien moins que pacifique et encore moins pacifiste, donc je crois que c’est aujourd’hui davantage malheureusement cette gauche-là qui a envahi les esprits par l’intermédiaire du marxisme plutôt  que la gauche humaniste qui est plutôt à sa remorque. »

Après une pause bien méritée pour une assemblée captivée, le président de séance passe la parole à Michel Wu, ancien directeur du service de rédaction de RFI (langue chinoise) qui en a profité pour nous faire part de sa réflexion sur la liberté d’expression et l’ignorance en tant qu’obstacle à l’établissement de la paix. Il a bien sûr parlé de la censure de l’information du régime chinois qui avait comme effet de maintenir le peuple chinois dans l’ignorance de la vérité des faits historiques et ainsi de maintenir la culture du Parti comme culture unique.

Monsieur Wu a ensuite évoqué la question de Taiwan, du Tibet et du commerce « innocent » avec la Chine. [voir son discours en page 8].

La parole a ensuite été donnée à Marie Hollzman, sinologue, spécialiste de la Chine contemporaine et présidente de Solidarité Chine.

Madame Hollzman a commencé par parler du rôle prépondérant de la Chine dans le monde et dans l’économie internationale, ainsi que de la proximité grandissante de ce pays compte tenu des moyens modernes de communications. Elle a ensuite abordé le rôle de la Chine quant à la paix dans le monde en insistant sur la responsabilité des spécialistes de la Chine de rapporter la vérité sur ce qui se passe en Chine actuellement : « Ce que je veux faire aujourd’hui c’est témoigner. Pourquoi ? Parce que je suis convaincue qu’un pays qui ne sait pas gérer la paix au milieu de ses propres citoyens, ne peut pas être considéré comme un pays facteur de paix dans le monde entier. »

Avec sa détermination et son franc parler, Marie Hollzman questionne les politiques qui reviennent de Chine et prétendent que le régime a changé depuis le 4 juin 1989 « Les étudiants peuvent-ils aujourd’hui manifester sur la place Tian An Men ? La réponse est évidemment non. Peut-on parler  des événements de la place Tien An Men aujourd’hui ? La réponse est non. » Marie Hollzman donne d’autres exemples avant de poursuivre : « autrement dit depuis le 4 juin 1989, on n’a vu aucun progrès dans le domaine des réformes politiques. »

La sinologue* nous met en garde sur la différence à effectuer entre le discours politique externe et la pratique dictatoriale interne du régime chinois. Elle se dit en effet « très inquiète de l’évolution de l’opinion politique et de l’opinion publique mondiale vis-à-vis de la Chine et appelle nos politiques à la plus grande vigilance en ce qui concerne leurs relations avec le régime chinois. »

Comment juger les crimes contre l’humanité sans entrer dans le cycle des condamnations à la peine de mort ? Michel Taube, président de l’ONG Ensemble contre la peine de mort nous a parlé d’une justice pénale qui serait facteur de paix.

Restant dans le domaine strictement juridique Maître Orlandi, avocat à la Cour enchaîne avec sa passion toute méditerranéenne sur le droit à la défense dans les pays qui restructurent leur justice après une période de guerre ; il a illustré son propos par un exemple vécu en Croatie. Une personne accusée d’avoir violé et tué toute une famille pendant la guerre devait être jugée à Sarajevo. Maître Orlandi a donc été contacté par des avocats serbes pour collecter des preuves qu’ils ne pouvaient eux-mêmes collecter puisqu’il leur était interdit de mettre les pieds dans la ville où se trouvaient les preuves qui allaient peut-être pouvoir innocenter l’accusé. Lorsqu’il a rencontré cette personne elle lui a dit « ce n’est pas moi, c’est mon sosie ». Finalement après bien des tribulations, il s’est avéré que c’était la vérité, que cet homme avait bien un sosie qui a été retrouvé et jugé plus tard, quant à lui il était ce jour là en poste à l’aéroport et ne pouvait donc être l’auteur de ces crimes. Cet homme aurait certainement été exécuté sans cette intervention d’un avocat étranger.

Maître Orlandi a illustré par son récit le fait que la paix n’est pas seulement l’absence de guerre mais bien un état que l’on atteint, un ordre que l’on doit mettre en place grâce à de nombreux efforts et un grand travail en commun.

Puis Monsieur Alain Tong, président de l’Association Falun Gong France,  a pris la parole. Après avoir remercié la salle et les organisateurs, Monsieur Tong a retracé l’histoire du Falun Gong et de la persécution :

« A travers l’histoire du Falun Gong, on peut aussi voir clairement cette féroce violence de la part du parti communiste chinois qui se fait passer auprès du peuple pour l’Etat chinois. [...] Le Falun Gong est une méthode d’exercices de Qi Gong de l’école bouddhiste, tout comme les exercices du Taï-chi, du Yoga, il offre aux citoyens du monde, sans limite de race ni de culture, une occasion de pouvoir retrouver un respect selon Authenticité – Bonté – Tolérance dans la vie de tous les jours, pour mieux vivre en harmonie avec le monde, il est composé également de cinq séries d’exercices paisibles qui développent la sagesse et l’énergie positive, il fait partie intégralement de la culture chinoise.

C’est  pour cela que Monsieur Li HongZhi a été invité plus de 50 fois par l’organisme national du Qi Gong dépendant du ministère des Sports en Chine entre 1992-1994 pour transmettre le Falun Gong. Le Falun Gong a été nommé « école Vedette de Qigong », les grands médias parlaient de ses bienfaits à la population, à partir de mai 1992, quand il a commencé à être transmis publiquement en Chine, le Falun Gong a reçu de nombreux prix dans le monde entier y compris en Chine avant la persécution. [...] Vers la fin de l’année 1998, le nombre des pratiquants de Falun Gong atteignait plus de 80 millions en Chine selon le Comité du Sport Chinois à l’époque. Et bien sûr, ces exercices sont pour tout le monde, alors parmi les 80 millions de gens qui pratiquaient, on trouvait des dirigeants du parti, des généraux de l’armée, des policiers, des soldats, des cadres, des ouvriers, en somme, toutes les couches sociales. 

En France, le Falun Gong a été transmis par le biais de l’Ambassade de Chine à Paris en mars 1995 en présence de l’Ambasseur. Je l’ai moi-même appris à cette occasion et cela fait donc maintenant plus de 10 ans que l’on peut nous voir pratiquer ces exercices dans de nombreux parcs et jardins à Paris ».

 Ensuite Monsieur Tong a choisi pour illustrer son propos de traduire simultanément du chinois le témoignage de la femme d’un diplomate chinois qui travaillait à l’ambassade de Chine en France et qui a vécu personnellement la persécution, la torture et le lavage de cerveau dans les camps chinois.

Madame Chen Ying a raconté de manière très digne ce qu’elle a subi après avoir été arrêtée à trois reprises :

« …Sur le plan mental, chaque jour on m’obligeait à lire des documents et à regarder des programmes de télé diffamant le Falun Gong et bien sûr j’étais obligée d’écrire des rapports sur mes pensées et chanter les chansons des camps de travaux forcés. On m’obligeait aussi à dire que j’étais criminelle. Pour mieux me faire subir un lavage de cerveau on ne me permettait pas de faire d’échanges avec les autres. Le lavage de cerveau intensifié par le PCC a brisé les limites de mon esprit et de mon corps. J’ai été forcée d’abandonner ma croyance et ma bonté. Il est très difficile d’exprimer la douleur physique causée par le lavage de cerveau et par la transformation forcée. J’avais l’impression d’être une morte vivante ».

Un message de paix apporté par Serge Toussaint, grand maître de l’AMORC, d’un point de vue plus philosophique : « La seule façon d’instaurer la paix à travers le monde c’est de travailler sur soi de façon à l’instaurer en soi-même » a-t-il dit  lors de son discours.

En clôture des débats, Madame Marcelle Roux, présidente de France-Tibet a lu à l’audience les déclarations du Dalaï-Lama à l’occasion de la remise du Prix Nobel de la Paix au Dalaï-Lama en 1989 :

« …Il est temps d’apprendre à se considérer les uns les autres d’un nouveau regard, celui qui perçoit que nous avons tous en commun la nature humaine. Ce changement serait bénéfique aux individus, aux communautés, aux nations et finalement au monde entier ».

Pour porter un toast à l’amitié entre les peuples et les hommes un buffet corse élaboré par le très sympathique M. Virgili a été proposé aux invités.

C’est sur ce message de paix et d’espoir que s’est terminé ce premier colloque sur la paix.

Espérons qu’il y en aura d’autres et que l’opinion publique pourra comprendre qu’il est urgent de construire et de maintenir la paix dans nos cœurs afin qu’elle puisse rayonner à travers les différentes nations du monde.

 

 

 

* Marie Hollzman traduit actuellement le livre de l’historien sino-américain SongYongyi qui témoigne de cette période historique traversée par la Chine.

* David Kilgour a mis en ligne son rapport sur les prélèvements d’organes, il est disponible sur : www.organharvestinvestigation.net

* Michel Taube président d’ECPM Canada et porte-parole d’ECPM France a fondé l’association Ensemble contre la peine de mort, en 2000. Son site est accessible sur www.abolition.fr

Michel Taube (ECPM), Marie Hollzman (Solidarité Chine) et le président de séance et Ambassadeur de France, M. André Lewin.