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Saravuth, sur le Plateau de l’humilité

Écrit par François Michaud, La Grande Époque Montréal
05.02.2007
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Un jour en marchant sur l’avenue Mont-Royal, mon regard croisa celui

d’un homme au teint foncé, dans la quarantaine, assis sur un petit banc

de bois jouant de la guitare en face d’un Jean Coutu. Ce jour-là,

l’envie soudaine de ne pas détourner le regard et de sonder l’autre me

prend. À ma grande surprise, le malaise que j’anticipais se transforme

en sourire et une conversation en découle. J’apprends que cet homme est

Cambodgien et qu’il se nomme Saravuth.

 

Plusieurs jours passent, je recroise le guitariste de la rue chaque

fois que je marche sur la Mont-Royal. Au fil de différentes

conversations, il m’explique comment il est arrivé du Cambodge

jusqu’aux portes de cette pharmacie du Plateau et surtout pourquoi,

lorsqu’il parle de ses enfants, les larmes lui montent aux yeux.

J’écoute avec étonnement son parcours tumultueux.

  • Le visage de Saravuth, le guitariste du Jean Coutu(攝影: / 大紀元)

 

Le Cambodge de son enfance est fracassé par la guerre; son père, animateur populaire de télévision, est assassiné par le régime communiste des Khmers rouges à la fin des années soixante. Pour survivre, il doit alors se résigner à cirer des chaussures dans les rues de Phnom Penh, il a douze ans.

Dans l’espoir de trouver un avenir meilleur, avec un ami orphelin, il se rend à l’aéroport de la capitale. Ce jour-là, un avion militaire avait été nolisé pour ramener des orphelins aux États-Unis. Il embarque et atterrit finalement dans une famille à Thames River, au New Jersey, où il poursuit ses études. Malgré un milieu familial difficile au sein duquel il est victime de violence, il a beaucoup de talents et excelle en guitare. Il obtient un diplôme en littérature à l’Université Rutgers.

Au fil du temps, la solitude l’envahit, il n’a personne avec qui partager ses réussites. Des amis l’invitent à se joindre à eux pour un voyage à Montréal. Il accepte et, peu après son arrivée, il tombe en amour avec une jeune femme récemment diplômée et d’origine chilienne.

En peu de temps, elle tombe enceinte et donne naissance à Sebastian et ensuite, à Nicole. N’ayant pas de citoyenneté ni de statut pour travailler au Canada, il décide d’être père à la maison et d’enseigner lui-même à ses enfants. Lors d’un séjour à Toronto, ils inscrivent les enfants à l’école publique. Une semaine plus tard, Saravuth reçoit un téléphone du directeur expliquant qu’il était désolé et que l’école n’avait pas de fonds pour les enfants surdoués. Le rapport psychologique de Nicole, que Saravuth porte sur lui précieusement, en est la preuve: «Nous avons affaire à une personne très équilibrée, hautement rationnelle, qui s’exprime clairement et sans difficulté… »

Les choses se gâtent cependant à un certain moment à l’intérieur du noyau familial. L’harmonie disparaît et des problèmes financiers et de communication se faufilent entre Saravuth et sa conjointe. Étant père à la maison, Saravuth n’a aucune source de revenu. Le couple compte principalement sur le support financier des parents de la conjointe de ce dernier qui se lassent de devoir supporter le couple.

Au milieu de tout cela naît un troisième enfant qu’ils appellent aussi Saravuth. L’amour qu’il porte pour ses enfants demeure inébranlable, mais le fossé entre les parents se creuse de plus en plus profondément.

En juin 2003, la mère part avec les enfants loin de Saravuth et entreprend une poursuite judiciaire, injustifié selon lui, contre le Cambodgien pour abus psychologique et verbal des enfants.

Ne pouvant bénéficier de l’aide juridique à cause de sa nationalité américaine, il n’a aucun recours et il ne peut travailler pour subvenir à ses besoins. En outre, l’ordre de la Cour lui interdit de quitter la province tant que le procès n’est pas conclu.

Saravuth doit se représenter lui-même au Palais de justice pour défendre son innocence tandis que le procès dure depuis quatre ans. Il dit aimer ses enfants plus que tout au monde et espère qu’un jour ils passeront devant le Jean Coutu où il pourra les serrer dans ses bras et leur dire que rien ne pourra entraver l’amour qu’il a pour eux.

Chaque jour sur le trottoir, il ramasse juste assez de sous pour payer un loyer à quelqu’un du quartier qui lui offre une chambre. «Tous les gens du quartier sont devenus mes frères et sœurs, grâce à eux et à leurs encouragements, j’ai le cœur de continuer, d’aller jusqu’au bout… J’ai tout eu et maintenant j’ai tout perdu, je ne veux surtout pas perdre le droit de voir mes enfants.»

Son histoire a touché le cœur de bien de gens du Plateau dont Guillaume Sire, écrivain français, qui a vu chez lui un courage et un cœur. Il était convaincu que le message pourrait bénéficier à plusieurs lecteurs et il a décidé de publier son histoire dans un livre intitulé simplement Saravouth, aux Éditions de la Table Ronde. Sa sortie est prévue pour janvier 2008, en France seulement.

Saravuth découvre l’humilité par ces épreuves et il m’a aidé à comprendre d’où venait cet inconfort que je ressentais face à la douleur des autres. Mon propre bonheur ne pourra être complet tant que la souffrance existe ailleurs, car nous sommes en quelque sorte les parties d’un tout encore plus grand et intimement reliées.

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