Ovation debout pour Lakmé

Écrit par Floriane Denis, La Grande Époque - Montréal
08.02.2007

 

Samedi, à la Place des Arts, l’Opéra de Montréal nous offrait un

spectacle époustouflant. J’ai eu la chance d’assister à la première

représentation de Lakmé, l’opéra de Delibes, par l’Opéra de Montréal.

Si vous avez des réticences face à l’opéra, ruez-vous vers celui-ci et

vous serez conquis!

Cet opéra du compositeur français, Léo Delibes, raconte l’histoire

d’amour impossible entre une prêtresse indienne vouée au culte des

dieux, Lakmé, et un officier anglais, ennemi abhorré des hindous et du

brahmane Nilakantha, père de Lakmé.

  • la soprano Aline Kutan, dans la scène où elle est forcée de tendre un piège à Gérard, son bien-aimé(攝影: / 大紀元)

 

Situé dans l’Inde coloniale du XIXe siècle, cet opéra commence dans la demeure de Nilakantha. Le premier acte dépeint le statut quasi divinisé de Lakmé, la haine des hindous pour les Anglais, les préjugés de ceux-ci vis-à-vis des Indiens et la rencontre de Gérald et de Lakmé. Un groupe de jeunes Anglais, poussés par la curiosité, entrent par effraction chez Nilakantha. Celui-ci, découvrant qu’un étranger a souillé de son regard sa demeure et sa fille, entre dans une colère vengeresse.

L’acte II s’ouvre sur un marché hindou grouillant, où Nilakantha oblige sa fille à chanter pour attirer le profanateur, Gérald, et lui tendre un piège. Elle s’exécute à contrecoeur, narrant la légende des parias, angoissée, ce qui donne lieu au magnifique air des clochettes. Mais Nilakantha avait vu juste: Gérald accourt au son de la voix de son aimée, qu’on écarte de lui à son arrivée. Hadji, qui veille sur Lakmé depuis sa tendre enfance, a pris sa protégée en pitié et lui jure de l’aider. Pendant ce temps, le cercle d’ennemis se referme sur Gérald et Nilakantha poignarde le jeune impudent puis s’en va, pensant l’outrage vengé.

Au troisième acte, Gérald se réveille dans une cabane dans la jungle, bercé par la voix mélodieuse de Lakmé. Celle-ci, aidée par le fidèle Hadji, a soigné son aimé et le cache dans les bois. C’est là que l’opéra se clôt, dans le nid d’amour de Gérald et Lakmé. Après lui avoir fait boire l’eau d’une source sacrée qui les lie pour l’éternité, Lakmé, voyant que leur amour est impossible, se donne la mort en croquant une feuille de datura et fait jurer à son père d’épargner son aimé en vertu du sort qui les lie.

L’Inde où se trame l’action de Lakmé a inspiré au compositeur, Léo Delibes, des mélodies variées, aux consonances orientales, qui traduisent la différence de cultures entre Anglais et hindous, et donnent un aspect merveilleux et magique à ce pays lointain qui faisait déjà rêver, dans la France du XIXe siècle.

En outre, ce lieu exotique justifie des décors magnifiques: guirlandes de feuilles, château, statues aux bras multiples, nénuphars et verdure; marché rutilant et animé au deuxième acte et cabane en hauteur dans la jungle, cachée dans les hautes herbes et les feuillages pour l’acte final. Les costumes n’étaient pas moins somptueux: drapés, étoffes chatoyantes ou transparentes, velours et paillettes témoignent de la richesse éclatante des brahmanes de l’Inde. Ces décors et costumes, nous les devons à l’Australien, Mark Thompson, qui fait là ses débuts à l’Opéra de Montréal. Si le froid ne le fait pas fuir dans son pays d’origine, je gage qu’on le verra avec plaisir à l’oeuvre dans d’autres spectacles. Rien à voir avec les pauvres armatures dont on nous avait gratifié pour La Traviata. Il signe des décors beaux et vivants, qui contribuent à faire de l’opéra un véritable spectacle et non une simple démonstration de prouesses vocales.

D’ailleurs, la mise en scène de son compatriote, Adam Cook, servait admirablement le même objectif. Les déplacements et les gestes des chanteurs étaient écrits comme pour une pièce de théâtre. Le résultat? Un opéra animé, qui rend bien l’humour du livret (écrit par Edmond Gondinet et Philippe Gille, d’après le roman Le mariage de Loti, de Pierre Loti). La salle a d’ailleurs ri de bon cœur à plusieurs reprises, pied de nez à tous ceux qui pensent que l’opéra est une affaire sérieuse, réservée aux connaisseurs.

Les éclairages de Gavan Swift, Australien lui aussi, traduisaient l’évolution dramatique de l’action tout en décrivant la course du soleil dans le ciel. Ainsi, décors, costumes, éclairages et mise en scène, ont fait de cet opéra déjà vivant et coloré musicalement, un opéra pour tous, beau et joyeux, un régal pour les yeux autant que pour les oreilles.

En effet, la distribution toute canadienne de Lakmé a interprété à merveille sa partition, sous la direction musicale de Jean-François Rivest. L’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal et le Chœur de l’Opéra de Montréal ont livré une prestation de premier ordre. Comme toujours. Le ténor, Frédéric Antoun, a interprété avec talent et passion le rôle et la partition de Gérald. La voix profonde de Randall Jakobsh (basse) et sa stature imposante servaient à merveille les propos de Nilakantha. Enfin, la voix riche et magnifique de la soprano, Aline Kutan, se prêtait idéalement au rôle de Lakmé. Elle a su à merveille traduire les émotions et le phrasé de sa partition, et le fameux air des clochettes lui a valu les vivats de la foule, même si elle m’a semblé manquer de fluidité dans les notes les plus aigues. Cela ne m’a pas empêchée d’applaudir à tout rompre, car elle a su à merveille rendre les sentiments de cette héroïne au destin tragique.

Avec Lakmé, l’Opéra de Montréal nous livre un véritable spectacle, vivant et populaire, dans le bon sens du terme. Voilà une production de nature à nous faire oublier l’essai non transformé de La Traviata et à donner à tous le goût de l’opéra. Bravo!

Pour ceux qui voudraient avoir un avant-goût de l’œuvre:

-Extrait sonore et renseignements sur cet opéra et l’Opéra de Montréal

-Intégralité du livret et extraits sonores

 

Dates des prochaines représentations :

Les 8, 10 et 14 février 2007 à 20 h, à la Salle Wilfrid-Pelletier, Place des Arts.

Billetterie : 514 842-2112

Billets à l’unité à partir de 44 $ et 25 $ pour les 18-30 ans.