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La fuite vers l’avant

Écrit par Éric Saumure, La Grande Époque - Montréal
01.03.2007
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Changements climatiques et solutions technologiques

Malgré les nouvelles conclusions accablantes offertes par le dernier rapport du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) concernant les causes et les conséquences éventuelles reliées aux changements climatiques, des joueurs importants de l’industrie des combustibles fossiles tentent d’assurer leur survie et leur pérennité économique en misant sur l’ingénierie du climat. Or, ces initiatives industrielles initiées pour lutter, supposément, contre les changements climatiques, s’éloignent des possibilités d’action du grand public et détournent l’attention à porter sur le fond réel de ce problème, soit la nécessité de réduire à la source les émissions de gaz carbonique (CO2).

Afin d’affronter la nouvelle dynamique économique se détachant du carbone, la multinationale française Total vient de lancer la phase d’étude d’ingénierie sur un projet de captage et de stockage géologique de CO2 dans le bassin de Lacq, dans le sud-ouest de la France.

Le 8 février dernier, Total a lancé ce projet pilote de stockage de CO2 aux environs de la ville de Lacq, reconnus pour leurs formations géologiques stables.

Cela consiste en une unité de production de vapeur au sein de son usine de traitement de gaz dans laquelle la combustion sera réalisée à l’oxygène plutôt qu’à l’air, afin d’obtenir un flux concentré de CO2 plus facilement captable. Une fois purifié, le CO2 capté sera comprimé et transporté par gazoduc jusqu’à l’ancien gisement gazier de Rousse, à 30 km de Lacq. Par la suite, le CO2 sera injecté dans un puits à une profondeur de 4500 mètres.

«Ce projet illustrera la contribution que le captage et le stockage de CO2 peuvent apporter à la réduction des émissions de gaz à effet de serre des installations industrielles», souligne Christophe de Margerie, directeur général Exploration-Production de Total, dans le communiqué de presse émis par la multinationale. «Il représente la première chaîne intégrée de captage de CO2 par oxycombustion associé à un stockage dans un ancien gisement terrestre d’hydrocarbures.»

Prévu pour le printemps 2008, ce procédé permettra d’injecter pendant deux ans jusqu’à 150 000 tonnes de CO2 dans l’ancien réservoir de gaz naturel de Rousse. Les coûts du projet s’élèvent à presque 60 millions d’euros (91,5 millions de dollars CA) et sera réalisé en partenariat avec Air Liquide, l’Institut Français de Pétrole et le Bureau de recherche géologique et minière de la France.

Or, ce projet s’inscrit dans une vaste mouvance technologique basée sur l’ingénierie du climat qui accapare à l’heure actuelle la presque totalité des fonds publics destinés à la lutte aux changements climatiques au niveau mondial. Pionnier dans ce domaine, la Norvège offre également, depuis peu de temps, son soutien à l’Union européenne (UE) afin de renforcer le développement des technologies de captage et de stockage du carbone dans le cadre de la coopération entre l’UE et la Norvège dans le domaine de l’énergie.

Effectivement, l’exemple de la pétrolière norvégienne Statoil – qui exploite un gisement de gaz naturel en mer du Nord et qui injecte, depuis 1996, un million de tonnes de CO2 par année dans une formation saline située à 1000 mètres sous le fond de la mer – reflète la direction prise par ce pays quant à la mise en place de moyens technologiques pour lutter contre les changements climatiques.

Pourtant, dans un rapport spécial émis en septembre 2005, le GIEC a montré que les technologies telles que le captage et le stockage du CO2 à l’intérieur des formations géologiques pourraient représenter seulement de 15 à 55 % de la totalité des efforts de réduction des gaz à effet de serre (GES) permettant de stabiliser la concentration en GES dans l’atmosphère d’ici 2100.

Même d’un point de vue économique, le montant global de ces techniques ne semble pas si avantageux étant donné des coûts évalués de 40 à 70 $/tonne de CO2 pour le captage, la compression, le transport et le stockage dans les structures géologiques. Mentionnons qu’en Europe, la tonne de CO2 se transige aux environs de 30 euros (45,75 $ CA) depuis les débuts du marché du carbone en sol européen, ce qui ne couvre même pas la totalité des coûts relatifs à cette technique.

«La capacité de stockage souterrain du CO2 est quasi illimitée, mais il faut que quelqu’un paie pour que quelqu’un d’autre stocke ce CO2», fait remarquer Bob Stobbs, chef de projet du Groupe de production d’énergie de SaskPower qui travaille en collaboration avec International Test Center for CO2 Capture de l’Université de Regina sur l’installation d’une usine-pilote dans la centrale de charbon près de Estevan, Saskatchewan. «Certaines pétrolières achètent déjà le CO2 disponible à des fins d’extraction, mais tout repose finalement sur la capacité de capter le CO2 avec efficacité. Que le CO2 serve à la récupération assistée des hydrocarbures ou soit simplement stocké en profondeur, le prix de la tonne reposera sur des échanges de crédits de pollution qui, comme pour le marché boursier, sera établi par l’offre et la demande au niveau mondial», a renchéri M. Stobbs dans le cybermagazine de la Fondation canadienne pour l’innovation.

C’est sans parler des risques reliés à des fuites de CO2, pouvant provoquer des milliers de morts comme ce fut le cas en 1986 lors du dégazage naturel du lac Nyos au Cameroun. Ayant atteint la limite de saturation en CO2 provenant du sous-sol, le CO2 s’est échappé du lac comme lorsqu’on débouchonne une bouteille de champagne bien brassée, tuant tous les villageois habitant sur les rives du lac.

«On voit bien le péril. Les “climato-sceptiques” qui, hier encore, avaient l'oreille complaisante de la Maison Blanche pourraient dans les prochaines années être remplacés par des “géo-ingénieristes” animés par la conviction que l'homme peut influer, comme bon lui semble, sur le climat. Le message serait finalement très semblable : surtout ne rien changer, non plus parce qu'il n'y a pas de certitudes scientifiques, mais au contraire parce qu'il y a celle de pouvoir, un jour, défaire ce qui a été fait», a asséné l’éditorialiste Stéphane Foucart dans l’édition du 21 février dernier du journal Le Monde.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.