La relève en partage

Écrit par Fannie Bellefeuille, La Grande Époque - Montréal
22.03.2007

 

 

Fabrice Malquiot est joué ici, à Montréal, pour la première fois grâce à DuBunker, malgré le fait que cet auteur ait écrit plus de 25 pièces de théâtre jusqu’à présent. Mais qu’importe, on est bien heureux d’accueillir la dramaturgie de ce Français qui nous parle si justement de la guerre à nous, privilégiés

DuBunker, c’est un groupe de diplômés du Conservatoire d’art dramatique de Montréal qui se sont regroupés et qui «se font un devoir de prendre la parole afin que tous, jeunes et moins jeunes, sortent aussi de leur bunker en préférant le rassemblement à l’isolement, l’inconnu au connu».

Cependant, est-ce ce statut de privilégiés qui fait en sorte que le premier regret que l’on peut formuler à la production est de ne pas arriver à nous transmettre la lourdeur et le sérieux de la guerre? Il me semble que les comédiens – est-ce la faute de la mise en scène? – ont peine à s’ancrer dans cette réalité, nous privant du coup de l’aspect tragique du spectacle. Ce dernier nous permet toutefois de voir des comédiennes et comédiens que l’on ne voit pas assez souvent, dont François Bernier, et nous démontrant une belle évolution de personnage, et Catherine de Léan, d’une superbe vérité dans un rôle quelque peu ingrat.

Le texte aurait toutefois peut-être gagné à être adapté, question que notre oreille ne sursaute pas lors d’utilisation d’expressions quelque peu étranges en sol québécois, sans évidemment dénaturer l’œuvre. La mise en scène, à elle seule, vaut le déplacement. Se jouant habilement des multiples lieux utilisés, Reynald Robinson nous donne l’impression de diriger ses comédiens d’une main de maître, leur laissant ainsi la grande liberté que ses contraintes impliquent. Jamais un déplacement ne semble superflu, les comédiens glissant sur la scène comme sur une patinoire, sans faux pas. Quant à la musique, il faisait bien longtemps qu’on avait vu une trame musicale si présente qui ne dérange toutefois pas le cours du spectacle, mais vient honnêtement y ajouter une couche remplie de sens. La musique originale d’Yves Morin possède l’unique qualité de se faire oublier tout en étant mémorable.

La pièce mérite donc qu’on se déplace, même en des soirs de froid sibérien comme lors de la première, ne serait-ce que pour les arrangements et le rendu de Bridge Over Troubled Water de Simon and Garfunkel, merveilleusement intégré au spectacle. À quand les cours de chant obligatoires dans toutes les écoles de théâtre?

Le Diable en partage de Fabrice Melquiot, m.e.s. de Reynald Robinson, à l'Espace Libre du 7 au 24 mars 2007. Billetterie: 514 521-4191.