L’Europe fait toujours face aux «Non»

Écrit par Marc Gadjro, La Grande Époque - Montréal
27.03.2007

 

 

 

 

 

 

C’est dans un esprit résolument optimiste que les dirigeants des 27 pays membres de l’Union européenne (UE) ont célébré le 50e anniversaire du Traité de Rome, qui fonde depuis le 25 mars 1957 l’intégration régionale du «Vieux Continent». Mais les défis demeurent et l’essentiel reste à faire pour sortir la Communauté de l’impasse institutionnelle.  

  • La chancelière allemande, Angela Merkel(Staff: Sean Gallup / 2007 Getty Images)

 

Les festivités, organisées le 25 mars dans les 27 pays de l’Union européenne (UE), ne masquent pas les incertitudes politiques qui tétanisent l’Europe depuis les «non» français et néerlandais au Traité constitutionnel européen du printemps 2005. Certes, un peu partout en Europe, diverses célébrations, des concerts, étaient prévus pour ce cinquantenaire. À commencer par Berlin. Samedi soir, au cours d’un dîner officiel, et dimanche, lors de la cérémonie solennelle, les dirigeants des 27 pays de l'UE se sont retrouvés autour de la chancelière allemande Angela Merkel, qui préside l'Union jusqu'en juin prochain.

Le syndrome constitutionnel…

Mais la déclaration censée célébrer la construction européenne et qui devait consacrer dimanche l’avènement de l’Union, a essuyé des critiques jusqu'au dernier moment. Fébrilement préparée par Berlin et les différents conseillers désignés par chaque capitale, ce texte se voulait pourtant consensuel. Il s’agissait de froisser le moins d’États membres possible avant le grand débat sur la relance de la Constitution, prévu après les élections présidentielle et législatives françaises du printemps. D’où la nécessité pour la chancelière allemande de contourner les obstacles en taisant autant que possible les sujets de divergences.

Le premier de ceux-ci demeure le rejet en 2005 de la Constitution européenne par les électeurs français et néerlandais. Aussi, la présidence allemande de l’Union avait-elle prévenu que le mot de Constitution ne serait pas prononcé. Le texte évoque ainsi la nécessité de négocier un nouveau traité et souligne qu’«il faut constamment renouveler la forme politique de l’Europe en fonction des réalités. C'est pour cela que, 50 ans après la signature du Traité de Rome, nous partageons l'objectif d'asseoir l'Union européenne sur de nouvelles bases institutionnelles communes d'ici aux élections au Parlement européen de 2009».

De la religion au modèle social : éviter les sujets qui fâchent

Même les thèmes a priori les moins conflictuels, célébrant notamment les succès enregistrés depuis la création du marché commun par les six fondateurs jusqu'à son extension à 27 États et l'établissement de politiques communes, ont suscité des frictions. Ce qui explique le recours à des termes généraux et volontairement évasifs : «Pendant des siècles, l'Europe a été une idée, un espoir de paix et de compréhension. Cet espoir est devenu réalité. La construction européenne nous a apporté paix et prospérité. Elle a favorisé la coopération et dépassé les contradictions. Chaque État membre a contribué à unifier l'Europe et à renforcer la démocratie et l'État de droit. Grâce à l'amour pour la liberté des populations d'Europe centrale et orientale, la division contre nature de l'Europe a été surmontée».

Plus litigieuses encore, les insistantes demandes polonaises formulées en vain depuis la rédaction du projet de Constitution sur les «valeurs chrétiennes de l’Europe», auxquelles la déclaration du cinquantenaire ne fait pas la moindre référence. Sur le plan économique et monétaire aussi : dans un premier temps la mention de l’euro, la monnaie unique qui regroupe treize pays (la Belgique, l'Allemagne, la Grèce, l'Espagne, la France, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, l'Autriche, la Slovénie, le Portugal et la Finlande), avait été contestée par la Grande-Bretagne, qui demeure en dehors de la zone monétaire. Finalement, le texte se contente de mentionner que «le marché unique et l'euro nous rendent forts».

Les 27 divergent également sur le contenu du «modèle social européen». Toutefois, à l’intention des États qui, comme la France, insistaient pour que le terme soit mentionné, le texte précise : «Ce n'est qu'ensemble que nous pourrons préserver à l'avenir notre modèle européen de société pour le bien de tous les citoyens et citoyennes de l'Union. Ce modèle européen associe réussite économique et solidarité sociale.»

Référendum ou votes parlementaires : comment construire l’Europe…

D’autres difficultés attendent pourtant Angela Merkel et son successeur portugais, qui assumera la présidence de l’Union à partir du 1er juillet 2007. Les 27 chefs d’État et de gouvernement ont d’ailleurs été forcés d’entrer dans le vif du sujet au cours du déjeuner de travail qui était prévu dimanche et enclencher des discussions sur les modalités pratiques par lesquels ils envisagent sortir l’Union européenne de l’impasse institutionnelle où elle se trouve. Il n’est pas du tout certain qu’un avis unanime sera acquis d’ici le Sommet de juin prochain.