L’esclavage perdure au 21e siècle
Deux cents ans après l’abolition de l’esclavage sous l’empire britannique, des millions de gens dans le monde continuent de vivre dans la servitude. Il y a, aujourd’hui, deux cents ans après l’abolition de l’esclavage sous l’empire britannique, plus d’esclaves dans le monde qu’à toute autre période de l’histoire. Les esclaves modernes ne sont pas enchaînés et on ne les vend pas dans des encans au plus offrant. Après tout, la pratique de l’esclavage est illégale depuis longtemps selon le droit international. Mais partout dans le monde, du Soudan à la Chine, de la Mauritanie à l’Inde, des millions de gens vivent dans la servitude. L’esclavage est donc le troisième commerce illégal le plus lucratif après la drogue et les armes. Plus près de chez nous, le trafic d’êtres humains, pour des fins de travail forcé ou d’esclavage sexuel, est une des formes d’esclavage qui connaît la plus grande croissance. Il n’a pas de frontières et affecte près de 2,4 millions de femmes, enfants et hommes. En Amérique du Nord, des milliers de femmes venant de l’étranger sont forcées de se prostituer et de servir d’esclaves sexuels. |
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Esclavage moderne Même en Grande-Bretagne, qui soulignait la semaine dernière le 200e anniversaire de l’abolition de l’esclavage, le gouvernement estime que plus de 4000 femmes et enfants vivent en tant qu’esclaves sexuels. La plupart proviennent d’Europe de l’Est, d’Asie du Sud-Est et du Nigeria. Qu’il s’agisse d’enfants forcés à être jockeys dans les courses de chameaux dans les pays du golfe Persique, de femmes nord-coréennes attirées en Chine où elles sont forcées à se marier ou à se prostituer, d’enfants ougandais forcés à devenir des enfants soldats ou des esclaves sexuels, du trafic d’êtres humains pour l’industrie du sexe et le travail forcé en Amérique du Nord, l’esclavage se porte bien en ce début de 21e siècle. Afrique L’esclavage demeure le plus flagrant dans certains pays d’Afrique, où des enfants aussi jeunes que cinq ans sont enlevés pour en faire des travailleurs, des esclaves sexuels ou des enfants soldats. Une forme d’esclavage qui perdure en Mauritanie et au Niger depuis des siècles est l’esclavage par descendance. Génération après génération, ils travaillent pour le même maître. Ils naissent dans la servitude et sont transmis dans la succession comme un bien de propriété. Ils ne peuvent jamais connaître la liberté. La Mauritanie, située au nord-ouest de l’Afrique, a tenté d’abolir l’esclavage en 1981, mais des preuves anecdotiques suggèrent que des milliers de personnes vivent en captivité. «Lorsque nous parlons de la question de l’esclavage dans le monde, nous savons tous que la politique d’asservir un être humain ou d’être propriétaire d’un être humain est mal», commente Simon Deng, qui a lui-même été esclave au Soudan pendant trois ans et demi. M. Deng a été enlevé dans son village du Sud-Soudan par un homme arabe lorsqu’il était âgé de neuf ans. En compagnie de trois autres garçons kidnappés, il a été amené dans un village au nord où le ravisseur l’a présenté comme un cadeau à ses proches qui, selon M. Deng, étaient ravis. Simon Deng a été forcé d’effectuer le travail qui était, avant son arrivée, effectué par l’âne de la famille, soit transporter l’eau provenant du Nil. Il travaillait de longues heures, dormait avec les animaux, se nourrissait de maigres restants et était régulièrement battu. Ses propriétaires lui montraient la photo d’un homme sans jambes et lui disait que, s’il tentait de s’enfuir, ils lui couperaient les siennes. M. Deng explique que la majorité de la population arabe du Soudan ne considère pas l’asservissement d’un enfant noir comme un crime, soulignant que plusieurs jeunes filles noires sont enlevées pour être transformées en esclaves sexuels. Il se rappelle comment ses propriétaires lui disaient que s’il se convertissait à l’Islam il pourrait aller à l’école et vivre une meilleure vie, mais il a refusé. M. Deng s’est évadé grâce à un coup de chance et il s’est ensuite enfui vers les États-Unis où il a fondé le American Anti-Slavery Group. À présent, il secourt de l’esclavage des enfants soudanais qui souvent «ne savent pas d’où ils viennent ni où se trouve leur maison.» «Je crois vraiment qu’en tant que victime, je dois être la voix de ceux qui n’ont pas de voix», mentionne M. Deng. «Je dois parler pour ceux qui ne peuvent parler pour eux-mêmes.» L’organisme Anti-Slavery International (ASI), basé au Royaume-Uni, affirme qu’une pratique similaire aux razzias d’esclaves qui affectaient le Sud-Soudan pendant des décennies continue aujourd’hui, avec des milliers de personnes vivant en captivité et travaillant majoritairement en tant que domestiques ou bergers. En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, des dizaines de milliers d’enfants, aussi jeunes que cinq ans, sont trafiqués chaque année et forcés d’être exploités dans la prostitution ou dans le service militaire pour des groupes rebelles. La servitude La servitude constitue une des formes les plus courantes d’esclavage aujourd’hui. Des millions de personnes sont, en raison de la pauvreté, obligés d’accepter un prêt, même un petit prêt. Pour rembourser leur dette, ils doivent travailler de longues heures chaque jour, le toit et la nourriture sont fournis en guise de «salaire». Les intérêts s’accumulent et les dettes deviennent impossibles à payer et elles sont dans ce cas transmises aux générations futures qui deviennent à leur tour asservies. En Inde, au Népal et au Pakistan, ce genre de servitude se retrouve dans l’agriculture, la fabrication de briques, le travail domestique, les carrières et les manufactures de soie. Dans la confection des tapis en Inde, on préfère les jeunes enfants en raison de leurs petits doigts agiles qui peuvent faire un meilleur travail de tissage. Lorsqu’ils deviennent trop grands, on les abandonne et ils sont remplacés. |
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Une étude des Nations Unies, effectuée en 2004, a découvert que 10
millions d’enfants dans le monde sont exploités pour le travail
domestique, dont 700 000 en Indonésie. Suivent ensuite le Brésil, le
Pakistan, Haïti et le Kenya. Le rapport explique que les enfants
peuvent demeurer en servitude pour de longues périodes de temps, car
leur esclavage est «invisible» aux yeux de leurs communautés.
«Littéralement, des millions de personnes sont asservies en Inde», fait
remarquer Beth Herzfeld d’ASI. Même si cette forme d’esclavage est
illégale en Inde depuis 1976, il n’y a eu aucune peine pour les quelque
31 individus qui ont enfreint la loi.
Un des plus gros obstacles à l’éradication de l’esclavage est
probablement le fait que plusieurs vivent dans la servitude depuis si
longtemps qu’ils ont abandonné tout espoir de libération.
«Dans certains cas, nous parlons de gens qui n’ont jamais été libres ou
qui sont asservis depuis si longtemps qu’on doit leur enseigner et les
aider à vivre libre. Pas seulement avec des outils, mais avec des
moyens psychologiques», explique Mme Herzfeld.
Chine
Dans le système de «rééducation par le travail» en Chine, des individus
peuvent être condamnés à trois ans de travaux forcés et ces peines sont
souvent décidées par la police elle-même, sans qu’il y ait eu un
procédé juridique ou l’accès à un avocat. Ce système arbitraire affecte
environ 230 000 personnes dans 280 camps, selon l’organisation Human
Rights Watch.
Des individus emprisonnés dans les camps de travaux forcés en Chine,
certaines estimations suggèrent que la moitié est constituée des
pratiquants de la discipline spirituelle Falun Gong. Emprisonnés sans
procès ni accusation, des centaines de milliers d’adeptes de la
pratique ont été envoyés dans ces camps et prisons, depuis 1999, pour
leur refus de cesser la méditation bouddhiste.
Le Canadien Shenli Lin était l’un d’eux. Avant d’immigrer au Canada en
1999, il a été fait prisonnier et il a décrit sa peine de deux ans
comme une de lavage de cerveau, de torture, de longues heures de
travaux forcés à fabriquer des produits d’exportation, comme des
ballons de soccer que l’on retrouve chez les détaillants de sports
d’ici.
Le trafic humain
Mais le travail forcé n’est pas l’unique problème en Chine. Robert
Plant, de l’Organisation internationale du travail (OIT), mentionne que
Pékin reconnaît avoir des problèmes avec le trafic de femmes destinées
à l’exploitation sexuelle ou aux mariages forcés. Plusieurs jeunes
femmes du sud de la Chine sont trafiquées dans des pays de l’Asie du
Sud-Est et elles se font souvent tromper par la promesse de bons
emplois.
Le trafic d’êtres humains continuent de croître en Europe, souligne M.
Plant, avec l’exploitation des travailleurs migrants provenant des pays
d’Europe de l’Est et d’Asie centrale. Il existe également de «terribles
problèmes» avec la mafia albanienne qui devient de plus en plus
puissante. L’OIT estime que la mondialisation contribue au commerce
d’êtres humains qui s’est maintenant muté en industrie de 30 milliards
de dollars. M. Plant croit que l’esclavage peut être éradiqué et, pour
ce faire, l’OIT a lancé une alliance internationale qui appelle «tous
genres de partenaires» à s’allier pour éradiquer le travail forcé.
«Nous croyons que, même si les problèmes sont mondiaux et sérieux, avec
la volonté politique il est possible d’éradiquer le travail forcé
durant la prochaine décennie. Nous ne croyons pas qu’il s’agisse d’une
cause perdue; nous croyons que l’esclavage et le travail forcé peuvent
être abolis.»