Des compagnies étrangères nuisent au Darfour

Écrit par Chowa Choo, La Grande Époque - Gothenburg
29.03.2007

 

 

Un nouveau rapport des Nations Unies sur le Darfour recommande que les compagnies étrangères ayant des opérations au Darfour, qui contribuent à l’aggravation de la crise humanitaire dans la région, ne fassent pas affaires avec les institutions de l’ONU.

Le rapport de 35 pages, présenté au Conseil des droits de l’homme à Genève dernièrement, est le résultat d’une enquête d’un mois et demi conduite par une mission de six émissaires et menée par le prix Nobel de la paix 1997, Jody Williams. Il s’agit de la dernière actualisation sur la situation des droits de l’homme dans la région ravagée par les conflits.

  • Des réfugiés soudanais dans un camp au Tchad. (Stringer: Marco Di Lauro / 2006 Getty Images)

 

Une des recommandations du rapport est d’identifier les compagnies étrangères impliquées dans des opérations qui ont aidé à amplifier la tragédie humaine du Darfour.

Dans sa présentation du rapport, Mme Williams dit qu’elle «recommande que l’Assemblée générale compile une liste des sociétés étrangères dont les activités ont un effet négatif sur la situation des droits de l’homme au Darfour».

Le rapport mentionne que «la liste devrait être publiée périodiquement et actualisée. De plus, l’Assemblée générale devrait demander aux institutions et bureaux de l’ONU de s’abstenir de faire des affaires avec toutes les compagnies identifiées».

Les partenaires du Soudan

Le rapport ne nomme aucune compagnie spécifique. Mais il y a une documentation abondante provenant d’autres sources qui montre que gouvernements et multinationales exploitent les réserves de pétrole du Soudan aux dépens des populations locales.

Parmi les pays qui jouent un rôle majeur dans l’industrie pétrolière soudanaise, la Chine et la Russie sont souvent pointées du doigt et critiquées, d’autant plus qu’elles sont toutes les deux des membres permanents du Conseil de sécurité.

La compagnie d’État China National Petroleum Corporation (CNPC) est l’investisseur dominant au Soudan. Selon un récent rapport du Council on Foreign Relations, 64 % des exportations de pétrole du Soudan sont destinées à la Chine.

Le plus gros entrepreneur de gazoducs en Russie, Stroitransgaz, est un autre partenaire d’affaires majeur du Soudan. Le 17 septembre 2004, seulement un jour avant que les Nations Unies passent une résolution menaçant de sanctionner le régime soudanais, Stroitransgaz a conclu une entente avec Khartoum pour construire une section de 365 km de l’oléoduc du bassin Melut. Le projet est encore en cours.

La Chine et la Russie ont toutes deux tenté de bloquer le rapport de l’équipe de Jody Williams. Lors d’une session du Conseil des droits de l’homme, les deux représentants de ces pays, appuyés par ceux d’autres pays arabes, ont questionné la crédibilité du rapport.

Les organisations des droits de l’homme et des enquêtes indépendantes, comme le rapport Harker de 2000, ont présenté des preuves que les compagnies de pétrole ont directement et indirectement été impliquées dans le déplacement forcé de gens dans les régions de leurs opérations. Les revenus du pétrole ont fourni à Khartoum les fonds nécessaires pour renforcir son armée et les Janjaweeds, les milices considérées comme responsables des pires exactions contre les populations noires du Darfour.

Certaines compagnies, comme l’américaine Chevron et la canadienne Talisman de Calgary, ont abandonné leurs projets au Soudan. Certaines autres décident de rester, comme la malaisienne Petronas, la suédoise Lundin Petroleum, l’indienne ONGC et d’autres compagnies occidentales.

Vers la fin de sa présentation, Mme Williams a déclaré : «Chaque État a la responsabilité de protéger sa population du génocide, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et du nettoyage ethnique. Et lorsqu’un État est incapable ou non désireux de le faire, c’est la responsabilité de la communauté internationale d’agir, pour assurer une protection adéquate.»

«Il n’y a plus de seuil à atteindre ou de preuves à trouver. Des civils innocents continuent de souffrir et de mourir. Ils n’ont pas besoin de plus de rapports. Ils ont besoin de protection», a conclu Jody Williams.

Maria Chow a collaboré à cet article.