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Le cyclone Gamede rode...

Écrit par Alexandre Pattiama, collaborateur de l'île de la Réunion
05.03.2007
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Si la saison cyclonique 2006/2007 qui rime avec l'été austral, a

démarré assez timidement en restant toutefois dans les normes, la fin

janvier auraSi la saison cyclonique 2006/2007 qui rime avec l'été

austral, a

démarré assez timidement en restant toutefois dans les normes, la fin

janvier aura marqué dans le Sud-Ouest de l'ocean Indien, l'arrivée

d'une phase d'activité intense au sein du berceau des cyclones appelé

communément pour les météorologues, la Zone de Convergence

Intertropicale.

  • Le cyclone tropical intense Gamède(攝影: / 大紀元)

 

 

Cette activité mènera à la formation de plusieurs cyclones qui affecteront successivement l'archipel des Mascareignes, dont le cyclone tropical intense Gamède qui restera dans la mémoire de Réunionnais.

 

De Dora à Gamède...

Le mois de février aura été sans conteste, le mois le plus actif de cette saison cyclonique. Le berceau des cyclones du Sud-Ouest de l'océan Indien aura accouché alors, de pas moins de  4 fortes perturbations en moins d'un mois, ayant atteint au moins la force ouragan (118 km/h en moyenne sur 10 minutes).

Leurs trajectoires tout aussi remarquables les unes que les autres, les ont amenés, tous, à affecter au moins une des îles de Mascareignes.

Tout d'abord Dora et Enok du 29 janvier au 13 février, ces deux cyclones ont affecté, à quatre jours d'intervalle, l'île Rodrigues, la plus à l'Est des Mascareignes. La Réunion et Maurice, n'ont été que peu influencées, par ces deux phénomènes.

Favio, quant à lui, à peine 5 jours après, a fait peur aux Mascareignes du fait de sa trajectoire et de son intensité prévus initialement. Son évolution s'est révélée plus rassurante au fil de son déplacement, et le système ne dépassera pas le stade de tempête tropicale modérée (soit des vents à 74 km/h en moyenne sur 10 min près du centre) à son passage au plus proche de la Réunion et Maurice. Toutefois, son intensification sera brutale avec son éloignement. Le sud de Madagascar, et le Mozambique vont en faire les frais, mais éviteront quand même les conditions les plus mauvaises.

Jusque là épargnées, les îles de la Réunion et Maurice, voient le temps se dégrader le 20 et 21 février, suite à la formation d'une petite dépression à moins de 400 km des côtes. Le vent et les pluies sont parfois forts, mais rien de bien exceptionnel, c'est un temps de saison ! C'est durant cette période, que le futur Gamède s'organise loin au Nord-Est de Rodrigues.

Baptisé en matinée du 21 février, le système qui affiche une magnifique allure sur l'image satellite (voir photo) annonce bien qu'il a du potentiel.

Par ailleurs, à ce moment là, Gamède affiche deux caractéristiques étonnantes qui vont s'affirmer au fil du temps. D'un côté, il présente une grande extension des vents forts. D'un autre côté, il se déplace à allure soutenue. De ce fait, les prévisions de trajectoires des différents organismes  montraient que Gamède aurait vite fait d’arriver dans les parages des îles soeurs. C'est ce qui allait se confirmer à partir de du vendredi 23 février.

 

 

L'influence durable de Gamède

L'élément le plus remarquable de son passage a sans doute été sa durée d'influence sur la Réunion. En effet  après un déplacement rapide jusqu'aux environs de l'île de St-Brandon  au Nord-Est, Gamède a soudainement ralenti, comme s'il voulait prendre son temps pour son passage au plus près. Par ailleurs, la grande taille du système faisait en sorte que les vents forts pouvaient être ressentis relativement loin du centre.

Gamède, ayant rapidement atteint le stade de cyclone tropical, s'est donc fait sentir dès le vendredi 23 février et promettait alors un week-end mouvementé. En effet, le vent était déjà assez fort en journée et surtout en soirée où des pointes à plus de 85 km/h pouvaient être ressenties à bon nombres d'endroits ! C'est en deuxième partie de nuit que les premières bandes pluvieuses affectent l'Est, le Sud et le Sud-ouest de l'île (la côte Ouest étant à l'abri du vent et de la pluie).

Au petit matin du samedi 24, le temps n'a pas considérablement changé. Avec le soleil à peine voilé par des nuages d'altitude dans l'Ouest, on aurait cru qu'il n'y avait tout simplement pas de cyclone aux alentours. Signes trompeurs, car, dans l'après midi, une incurvation de la trajectoire faisait se rapprocher Gamède dangereusement des côtes. Une dégradation brutale du temps s'est alors faite sentir ! Les vents ne tardent pas à atteindre 100 à 110 km/h en pointes sur les côtes exposées et 130 km/h sur les hauteurs. Les pluies se généralisent à l'ensemble de l'île et par endroits l’intensité des pluies ne permet plus de voir à dix mètres devant soit. Les premiers dégâts commencent à apparaître.

   

Le passage au plus près

Les dernières prévisions était à ce moment très parlantes et laissaient penser à un passage au plus proche des côtes en tout début de matinée de dimanche à un peu moins de 250 km. A 18 h, l'alerte rouge est lancée, car la zone active du cyclone générant des vents de force tempête au minimum, était prévu de frôler voir d’atteindre le Nord de l'île. Effectivement, les pluies et le vent surtout, redoublent d'intensité et ce sont des rafales de près de 140 km/h qui soufflent tout au long de la nuit sur le littoral, et proche de 200 km/h dans les hauts.

En matinée du dimanche 25, Gamède, analysée en cyclone tropical intense est à son point le plus proche des côtes Nord de l'île. Sa structure dissymétrique sur sa phase sud conduit à ce que les conditions très dégradées n'apparaissent que par vagues. Ainsi, des accalmies temporaires se dessinent sur bons nombres de régions de l'île. L'alerte rouge étant toujours en vigueur, les sorties sont toujours strictement interdites, surtout qu'à la simple vue des conditions météorologiques médiocres, il était dangereux d'envisager une quelconque escapade ! En journée, on apprend que de nombreux dégâts sont à déplorer, en particulier dans le sud où l'effondrement du pont de la Rivière St Etienne, qui a cédé sous la force des eaux, a crée la surprise générale !

Dans l'Est et le Nord, une mer démontée, générant des vagues atteignant parfois les 12 mètres, submerge les zones côtières et inonde des infrastructures qui comme la caserne des pompiers de Ste Suzanne payent le prix de leur exposition aux eaux en furie.

Sur la route en corniche reliant la ville du Port à St Denis, il y a d'un côté les éboulis venus de la falaise, et de l’autre, les paquets de houle qui dégradent la chaussée, la rendant impraticable pour les jours suivants. La route de la montagne, seule alternative à la route en corniche, subit elle aussi, les assauts du temps.

Dans l'Ouest, malgré un temps plus calme, les pluies sont quand même bien présentes. Le pont de la Rivière des Galets, reliant la ville de St-Paul au Port, présente aussi quelques signes de faiblesse face aux eaux déchaînées. Mais fort heureusement, il ne subira pas le même sort que celui du Sud de l'île.

 

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Un dernier caprice…

Par la suite, le cyclone semble vouloir poursuivre son éloignement, et les conditions atmosphériques s'améliorent quelques peu. Le préfet décide alors de faire passer l'île en phase de prudence, qui permet aux réunionnais de commencer à réparer les dégâts. Et voilà que, Gamède dans sa lancée, commence à faire du surplace. L'extension du phénomène étant très importante, sa distance de plus de 400 km se révèle suffisante pour que de nouvelles bandes fortement pluvieuses accompagnées de vents forts, affectent l'île. Ce qui aura pour conséquence de renforcer le débit des cours d'eau déjà bien en crus sur l'ensemble de l'île.

En particulier sur les hauteurs, à cause du relief qui a tendance à augmenter l'intensité et la durée des pluies. Ce « spectacle » aura comme particularité de s'inscrire justement dans la durée du fait surtout du blocage de Gamède à une distance relativement proche de la Réunion. Le lundi 26, sera comme le dimanche avec toujours des pluies et des vents au menu. Mais voilà, avec cette phase de prudence toujours en cours, cette journée verra malheureusement beaucoup d'imprudence dont celle d’une femme qui tentait de traverser en voiture un radier submergé et qui a été emporté par les flots sur le coup !

Cette situation atmosphérique critique n'enchante guère la population réunionnaise en manque d'eau, d'électricité, même du téléphone pour beaucoup, et qui est déjà bien pressé que ce cyclone s'évacue au plus vite !

Mais comme si cela n'était pas suffisant, Mardi 27 signe le retour final du météore près des côtes Ouest de la Réunion avec un rapprochement qui s'affirmera au fil des heures. Une nouvelle alerte rouge est mise en place en cours d'après midi, compte tenu du nouveau rapprochement des côtes de la zone active du système.

Cette approche ne sera finalement pas aussi dangereuse que celle du dimanche 25.

A noter que la stagnation au dessus des mêmes eaux a valu à Gamède de surexploiter le potentiel énergétique disponible lié à la chaleur de la mer (29°C). Un refroidissement de près de 4 à 5°C de la mer, sous le cyclone, a provoqué une désorganisation sensible de la masse nuageuse avec une disparition presque totale de l'oeil, qui ne faisait pas beau à voir sur l'imagerie satellitaire.

Son passage au plus proche, fera également basculer les vents qui était au secteur Est dimanche, au secteur Nord. Du coup, du fait du très imposant relief de l'île, les région Ouest et Est qui étaient plutôt à l'abri, se retrouvent maintenant brutalement exposées aux conditions de tempête.  Des rafales de 100 à 140 km/h  se sont donc faites sentir et localement près de 160 km/h dans les hauts exposées. Son déplacement vers le Sud devenant de plus en plus rapide durant cette journée, l'Ouest et l'Est de l'île ne seront pas exposés très longtemps aux conditions les plus dégradées. Les pluies quant à elle, perdureront tout en faiblissant progressivement. Ce n'est que le mercredi 28 que le soleil fera vraiment son retour sur l'ensemble de l'île !

 

Bilan...

L'heure est maintenant au bilan de l'épisode Gamède. Il sera assez lourd sur le plan matériel avec entre autres la destruction du pont de 500 m reliant le Nord au Sud et dont la reconstruction coûtera plus de 30 millions d’euros. Au niveau humain on notera tout de même, deux décès par imprudence, et quelques blessés légers !

Le cyclone tropical intense Gamède aura exercé son influence sur la Réunion pendant presque cinq jours consécutifs à une distance moyenne de 300 km, mettant l'île deux fois en alerte rouge. Ces alertes mises en place suite aux deux passages au plus proche de l'île (tout d'abord à 230 km au Nord le dimanche, puis à 250 km à l'Ouest le mardi) montre bien l'aspect capricieux et tourmenté du cyclone dans son déplacement et son influence pour l'île.

Dans l'ensemble, aucune région n'a été réellement épargnée. Elles ont toute été affectées l'une après l'autre en fonction de la position du cyclone par rapport à la Réunion. La faible distance par rapport à l'île, le ralentissement du phénomène à proximité des côtes, ainsi que la taille importante de la masse nuageuse sont autant de facteurs indirects qui renforcent l'importance de Gamède, qui est toutefois à relativiser. En effet, les hauteurs de l'île subissent l'impact direct du relief, ce sont donc dans ces zones que les conditions ont été les plus mauvaises en terme de pluies et de vents. Par ailleurs, le fait que le coeur de Gamède était situé à plus de 150 km, l'île a évité de justesse les vents de la force ouragan et plus (soit des vents moyens de 160 km/h et des rafales à 220 km/h ).

Au petit matin du dimanche 25, les vents ont atteint leur paroxysme, mais ils étaient bien loin de valeurs exceptionnelles.

On pourra noter alors :

•    Sur le littoral, 140 km/h à Gillot (aéroport de St-Denis, Nord de l'île) – 137 km/h au Port (Nord-Ouest de l'île) – 126 km/h à Pierrefonds (Aéroport de St-Pierre( Sud-Ouest de l'île) – 97 km/h à St-André (Nord-Est de l'île) – 145 km/h à St-Philippe (Sud-Est de l'île)

•    Sur les hauteurs, 162 km/h à Petite France (hauteurs de St-Paul dans l'Ouest) et 205 km/h au Colorado (hauteurs du Nord)

Concernant la pluviométrie, des valeurs très importantes sont à noter, du fait de l'importante durée du phénomène :

 

•    Sur les hauteurs, 2.586 mm dans le cirque de Cilaos (soit 2.586 litres d'eau par mètres carré ; soit en 4 jours, 4 fois plus de pluies que sur Paris en 1 ans) ; 2.125 mm à La Plaine des Chicots ; 2.132 mm à Ilet à Vidot ; 1.932 mm à La Plaine des Palmistes (hauteur de St Benoît), 1.221 mm au Tampon PK 13 (contre 561 mm pour DIWA en 2006).

•    Sur les zones côtières, les valeurs n'ont eu aucun caractère remarquable : par exemple 439 mm à Gillot, 309 mm à St Benoît, 247 mm à Pierrefonds, 855 mm du Baril et 520 mm à St Paul.

Ces valeurs de pluies sont comparables aux derniers grands épisodes pluvieux associés aux perturbations cycloniques DIWA (en 2006) ou DINA (en 2002). Mais elles n'ont strictement rien à voir avec le phénomène de référence : Hyacinthe en 1980 qui a donné à la Réunion jusqu'à aujourd'hui, tous les records mondiaux de pluviométrie entre 12 h et 6 jours ! Il s'agit donc malgré l'ampleur des dégâts, d'un épisode quelques peu inhabituel qui n'a pas toutefois pas de caractère exceptionnel !

Une approche plus menaçante, par contre, aurait probablement pu se produire lors de son premier passage au plus proche, si le système n'avait pas engagé de boucle et poursuivi vers le Sud. Les conditions atmosphériques auraient pu être bien pire et l’île se serait plainte de bien plus de plaies !

Bon nombres de monstres météorologiques (à l'image des super cyclones Géralda en 1994, ou encore Gafilo en 2004) qui se sont formés dans le bassin cyclonique Sud-Ouest de l'Ocean Indien, ont évolué à grande distance des Mascareignes.

Elles ont été bien chanceuses ces dernières décennies, car la probabilité que l'île soit touchée par un cyclone catastrophique est très faible : de l'ordre d'environ deux en moyenne par siècle. Le dernier en date est le mémorable cyclone de 1948 qui a semé la désolation sur l'île. Un météore de ce type n'est peut-être pas pour cette saison, ou ni pour la saison suivante mais il sera forcément d’actualité un jour, car toujours est-il que lorsque l'on vit sur une île tropicale sur le chemin des cyclones, le risque potentiel est là chaque année et s’inscrit même dans le cours naturel des choses ! Il faut juste s'y préparer et ne pas oublier qu’il est bien réel…

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