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Amnesty International dénonce le sort réservé aux travailleurs migrants en Chine

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque - Montréal
06.03.2007
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En 2003, la République populaire de Chine (RPC) a promis d’améliorer le sort de ses travailleurs migrants en diminuant les contraintes qui leur sont imposées pour travailler en ville et a plaidé pour une amélioration de leurs conditions de vie. C’est en fait ce que rapportait à l’époque le Quotidien du peuple, organe officiel du régime communiste. En 2007, rien de tout cela ne s’est réalisé. Cette situation est dénoncée dans le dernier rapport d’Amnesty International (AI) intitulé Chine: le coût humain du «miracle» économique. 

  • Des travailleurs migrants attendent avant de monter dans un train(Staff: MARK RALSTON / 2007 AFP)

 

Alors que la richesse est largement concentrée dans les grandes villes côtières et dans celles de l’est du pays, les campagnes et les régions reculées ne connaissent pratiquement rien du boum économique. C’est ainsi qu’une masse de paysans quittent leurs provinces natales pour tenter leur chance dans les zones économiques spéciales du sud, comme Shenzhen, ou dans les mégalopolis, comme Pékin ou Shanghai, toujours en demande de travailleurs de la construction pour bâtir les installations olympiques des Jeux de 2008 ou les innombrables gratte-ciel.

L’avantage économique de la Chine provient, en grande partie, de l’exploitation de cette immense masse de migrants estimée entre 150 et 200 millions de personnes. Amnesty rapporte que les travailleurs migrants sont victimes de discrimination et qu’ils constituent une sous-classe urbaine.

Le contrôle des mouvements de population est très strict en RPC en raison du régime des hukou, soit le système d’enregistrement des ménages mis en place par le Parti communiste chinois. Dans une entrevue avec la BBC, Jiang Wenran, directeur par intérim du China Institute de l’Université d’Alberta, décrit les hukou comme l’«apartheid» social le plus strictement imposé dans l’histoire moderne. «Les citadins profitent d’une gamme de bénéfices sociaux, économiques et culturels, tandis que les paysans, soit la majorité de la population chinoise, sont traités comme des citoyens de deuxième classe.» La Chine compte environ 800 millions de paysans.

En quittant leur lieu de résidence originaire, les paysans migrants perdent l’accès aux soins de santé et à l’éducation, ils vivent dans des endroits surpeuplés et sont victimes des pires formes d’exploitation, rapporte AI.

«Le soi-disant “miracle” économique de la Chine est rendu possible grâce à un terrible coût humain: les migrants ruraux qui vivent dans les villes subissent certains des pires abus dans les lieux de travail», mentionne dans un communiqué Catherine Baber, vice-directrice de la section Asie-Pacifique d’Amnesty.

«En plus d’être exploitées par les employeurs, les familles migrantes font face à des réglementations gouvernementales discriminatoires dans pratiquement tous les aspects de la vie quotidienne», ajoute-t-elle.

Les migrants, en arrivant dans une nouvelle ville, sont tenus de s’enregistrer auprès des autorités en tant que résidants temporaires. Si le laborieux processus bureaucratique accouche, ils sont encore victime de discrimination en matière de «logement, d’éducation, de soins de santé et d’emploi en raison de leur statut temporaire», écrit AI.

Ceux qui ne complètent pas le processus ou qui choisissent de ne pas le faire deviennent la proie de la police, des propriétaires, des employeurs et des résidants, rapporte l’organisation.

Amnesty, dans son résumé de rapport, donne l’exemple du cas de Mme Zhang, une travailleuse migrante qui aurait travaillé dans neuf différentes usines en quatre ans. Elle raconte son expérience à travailler dans une usine de vêtements à Shenzhen, près de Hong Kong: «Nous travaillions des heures supplémentaires chaque jour et le plus tôt que nous pouvions quitter était 23 h. Parfois nous devions travailler jusqu’à 2 ou 3 h du matin et nous devions rentrer le matin de 7 h 30 à midi.» «La meilleure journée était le dimanche quand nous terminions à 21 h».

Une des tactiques, décrites par AI, que les employeurs utilisent pour garder les travailleurs dans un état de quasi-esclavage est de retarder le paiement des salaires jusqu’à deux ou trois mois. Ainsi, si le travailleur quitte pour de meilleurs cieux, il ne recevra pas la somme qui lui est due depuis plusieurs mois. Ce sont donc des milliards de dollars US en salaires impayés, selon Amnesty.

Contre ces pratiques déplorables, les salariés n’ont aucun recours, car ils sont la plupart du temps sans contrat de travail. L’absence d’État de droit ne leur permet pas d’obtenir un redressement par le système judiciaire.

En ce qui concerne les conditions de logement de ces travailleurs migrants, l’un d’eux décrit, dans le rapport, avoir «partagé une chambre avec plus de 30 personnes dormant dans des lits superposés dans le sous-sol non fini d’un entrepôt sans fenêtre, ni douche, ni ventilation».

Amnesty demande au gouvernement chinois de faire respecter les droits de ses citoyens et de réformer le système des hukou.

Dans un autre ordre d’idée, le numéro 2 chinois, Wen Jiabao, a publié un article la semaine dernière dans le Quotidien du peuple affirmant que la démocratie en Chine «n’arriverait pas d’ici 100 ans» et que l’importance devait être sur le développement économique pour arriver à un «système socialiste mature».

Nous sommes «encore loin d’être sorti du stage primaire du socialisme. Nous devons adhérer aux principes de base du parti [communiste chinois] du stage primaire du socialisme pour 100 ans», a écrit M. Wen.

Alors que les disparités entre riches et pauvres s’accentuent dans ce «stage socialiste primaire», dans une économie de contrôle léniniste avec des accents de capitalisme sauvage, M. Wen s’efforce de parler de «société harmonieuse» dans tous ses discours, car avec la présente situation sociale – notamment celle des travailleurs migrants – prêcher le discours originel de lutte des classes du Parti communiste aurait pour effet de saboter son souhait de 100 autres années de gouvernance totalitaire.

Des conditions d’exploitation extrêmes et un régime politique de contrôle social strict, voilà une formule qui plaît aux investisseurs étrangers. C’est la transfusion nécessaire pour alimenter un système dont la consommation interne est faible et dont la puissance est érigée sur des exportations de produits fabriqués, en grande partie, par des travailleurs migrants exploités.

 

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