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Situation explosive au Liban

Écrit par Vincent Duclos, La Grande Époque - Montréal
08.03.2007
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Précarité dans le sud, luttes politiques tendues et course à l’armement

Plusieurs mois après la fin de la «guerre de 33 jours» ayant opposé le Hezbollah libanais à Israël, la reconstruction avance péniblement au Liban. L’aide étrangère qui arrive au compte-goutte, la présence de Casques bleus qui ne fait aucunement l’unanimité, mais surtout une tension sociopolitique opposant le gouvernement sunnite à une forte opposition chiite, montrent bien à quel point la stabilité du pays ne tient qu’à très peu. Les découvertes quotidiennes d’armements prêts à être utilisés ne font que rajouter à l’inquiétude de plusieurs qui voient dans la situation actuelle les conditions d’un possible retour à une guerre civile ou à un autre conflit impliquant l’État juif.

  • une jeune fille étampe sa main couverte de peinture blanche sur un mur noir(Staff: MARWAN NAAMANI / 2007 AFP)

 

Course à l’armement

Ce n’est un secret pour personne au Liban. Tous les partis et protagonistes en place sont armés et aussi longtemps que la tension politique ne s’apaisera pas, la course à l’armement se poursuivra. Depuis le 13 février, date à laquelle un double attentat à l’explosif a visé deux minibus de transport public dans la montagne du Metn, au nord-est de Beyrouth, chaque jour amène de nouvelles informations quant à la découverte d’explosifs.

Des situations comme celle du mercredi 28 février, où deux grenades prêtes à exploser ont été découvertes non loin du siège de l’évêché grec orthodoxe de la ville de Saïda, sont de plus en plus fréquentes. Ajoutées au climat d’inquiétude déjà installé par les combats de rue, y compris avec des armes à feu, ayant opposé des partisans de la majorité à d’autres de l’opposition, les 23 et 25 janvier 2007, de telles trouvailles ne sont rien pour calmer la tension grandissante entre les communautés chiites et sunnites.

Le patriarche de la communauté maronite (catholique), le cardinal Nasrallah Boutros Sfeïr, parlait ainsi, lors d’une prêche prononcée le 25 février, d’une véritable «course à l’armement», «comme si nous étions revenus plus de vingt ans en arrière». Ashraf Rifi, le directeur général des forces de sécurité intérieure du Liban, commentait aussi en ce sens les fréquentes découvertes d’explosifs. «Certains des explosifs que nous trouvons sont vieux. D’autres ne le sont pas», disait-il prudemment lors d’une entrevue au réseau Al-Jazeera.

Tension politique avant tout

La guerre qui a opposé le Hezbollah libanais à Israël, l’été dernier, a laissé de bien sombres souvenirs : 1183 morts civils, plus de 4000 blessés et environ un million de déplacés au Liban et 41 morts civils et 250 000 déplacés en Israël. Or, les conséquences de cette «guerre de 33 jours» dépassent les décomptes en pertes de vies humaines; elles ont en effet opéré de profondes modifications dans le fonctionnement du pays et ont accentué les clivages dans la société.

Bien que la tension se présente avant tout sous l’apparence d’un conflit religieux opposant chiites et sunnites, le conflit n’a pas pour origine une rivalité de type religieux. Tout comme en Irak, la confrontation est avant tout sociale et politique. Ce qui est en jeu, c’est la construction d’un État dans un pays qui sort à peine d’une trentaine d’années de tutelle syrienne, d’une longue guerre civile et qui demeure dans la ligne de feu du voisin israélien.

Formé principalement du mouvement Amal (parti politique chiite) et du Hezbollah, le courant politique chiite représente aujourd’hui le cœur de l’opposition au gouvernement libanais. Jugeant leur représentation largement déficiente face au refus du premier ministre Siniora de remédier à la situation, l’opposition chiite ne réclame rien de moins que la démission du gouvernement en place.

L’exercice du pouvoir par les sunnites – la tradition veut que le premier ministre soit un sunnite, le président, un chrétien maronite et le président du Parlement, un chiite – est au cœur des revendications. Longtemps privés de droits civils et ayant toujours été considérés comme les enfants pauvres du pays, les membres de la communauté chiite réclament une amélioration de leurs conditions socio-économiques et cherchent, pour ce faire, à avoir un meilleur accès au pouvoir.

Rappelons qu’il n’y a actuellement plus de chiites au gouvernement libanais. Les cinq ministres qui représentaient la communauté au gouvernement ont présenté leur démission, considérant qu’ils sont membres du Amal ou encore du Hezbollah, soit deux formations membres de l’opposition.

Démographiquement, nombre de Libanais s’inquiètent de l’arrivée massive des chiites dans la capitale. Ceux-ci viennent habiter des quartiers traditionnellement sunnites, y affichent des drapeaux du Amal (parti politique chiite) et du Hezbollah. Les membres de la communauté chiite arrivent de plus en plus nombreux dans la capitale. Quittant un Liban-Sud détruit et sans cesse sous le signe des accrochages entre Israël et les milices chiites, ceux-ci viennent s’installer à Beyrouth et y chercher du pouvoir politique.

L’influence grandissante du Hezbollah

Les profondes modifications du fonctionnement politique du Pays du Cèdre sont indissociables de la montée en popularité du Hezbollah, le «Parti de Dieu». Fustigée par les uns pour son caractère totalitaire et belliqueux, l’organisation est toutefois perçue par de nombreux Libanais comme source d’espoir et de changement.

Sa récente popularité est en ce sens inséparable des conditions sociales et économiquement précaires, propres au Sud-Liban. Le Hezbollah, qui s’est autocélébré vainqueur à deux reprises face à Israël – l’été dernier et en mai 2000, lors du retrait israélien du Sud-Liban – se présente comme promoteur d’une «contre-société islamique», allant chercher son soutien populaire à même une situation de misère et d’exclusion.

Dans cette partie du pays, plusieurs sont en effet furieux du manque d’attention qu’ils reçoivent de la part du gouvernement. «Personne n’a reçu la moindre aide du gouvernement. Dans un pays qui se respecte, le gouvernement serait venu visiter les zones endommagées, alors que nous n’avons pas vu un seul ministre», déplore en ce sens Ali Bazzi, dirigeant de la municipalité de Bint Jbeil, à la BBC.

Bien qu’ayant tenté d’attirer l’attention internationale sur les difficultés encourues dans le sud du pays, le gouvernement n’a pas su rivaliser avec le Hezbollah qui a distribué environ 300 millions de dollars en aide financière directement après la guerre.

Une telle distance entre l’aide venant du parti armé par rapport à celle du gouvernement central ne peut que continuer à nourrir la crise séparant les communautés sunnites et chiites du pays. Alors que tous les analystes s’entendent pour dire que la menace croissante de violence sectaire trouve ses sources dans une situation sociopolitique instable et faisant de plus en plus de mécontents, reste à savoir comment le Liban parviendra à gérer d’aussi profondes dissidences et à rallier les protagonistes autour d’un projet commun de société.

 

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