La Serbie, témoin silencieuse d’un génocide

Écrit par Centre de Nouvelles ONU
09.03.2007

 

La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire principal de

l'Organisation des Nations Unies, a rendu le 26 février dernier son

arrêt dans l'affaire qui opposait la Bosnie-Herzégovine à la

Serbie-et-Monténégro, estimant que cette dernière n'avait rien fait

pour empêcher le massacre de Srebrenica, mais qu'elle n'avait pas

commis de génocide.

Dans son arrêt rendu la semaine dernière à La Haye, la Cour dit que la

Serbie «n'a pas commis de génocide en violation des obligations qui lui

incombent en vertu de la convention pour la prévention et la répression

du crime de génocide».

L'arrêt ajoute que la Serbie «n'a pas participé à une entente en vue de

commettre le génocide, ni n'a incité à commettre le génocide».

  • Deux jeunes manifestent au milieu d’une foule(Stringer: ELVIS BARUKCIC / 2007 AFP)

La CIJ estime enfin que la Serbie ne s'est pas rendue «complice» de génocide.

Mais elle affirme que, s'agissant du génocide commis à Srebrenica en juillet 1995, la Serbie a violé l'obligation de «prévenir le génocide».

Elle a jugé aussi que «la Serbie a violé les obligations qui lui incombent, en vertu de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, en ne transférant pas Ratko Mladic, accusé de génocide et de complicité de génocide, au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) pour y être jugé, et en ne coopérant donc pas pleinement avec ledit Tribunal».

En conséquence, la CIJ décide que la Serbie doit prendre immédiatement des «mesures effectives pour s'acquitter pleinement» de ses obligations, notamment «punir les actes de génocide» et transférer les personnes accusées de génocide au TPIY.

Dans le corps de son arrêt, la CIJ rappelle que, «pour que certains actes puissent être qualifiés de génocidaires, il faut qu'ils s'accompagnent de l'intention de détruire, en tout ou en partie, le groupe protégé, comme tel».

Elle insiste sur «la distinction entre génocide et “nettoyage ethnique”».

«Si ce dernier peut être réalisé par le déplacement forcé d'un groupe de personnes d'une région donnée, le génocide se définit par cette intention spécifique de détruire le groupe, en tout ou en partie», rappelle la CIJ.

En l'espèce, si la Cour «considère comme établi par des éléments de preuve irréfutables que des meurtres ont été perpétrés de façon massive au cours du conflit sur l'ensemble du territoire de la Bosnie-Herzégovine», «elle n'est cependant pas convaincue que ces meurtres étaient accompagnés, dans l'esprit de leurs auteurs, de l'intention spécifique de détruire, en tout ou en partie, le groupe des musulmans de Bosnie».

«Peut-être ces meurtres constituent-t-ils des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, mais elle n'a pas compétence pour en juger», indique la Cour.

La Cour note toutefois que la République fédérale de Yougoslavie (RFY) a mis des «ressources militaires et financières considérables à la disposition de la Republika Srpska [le gouvernement pro-serbe sécessionnaire en Bosnie-Herzégovine] et que, si elle avait décidé de retirer ce soutien, cela aurait grandement limité les options ouvertes aux autorités de cette dernière».

La CIJ conclut enfin «que des actes de génocide ont été commis à Srebrenica par l'armée de la Republika Srpska».

Mais, «au vu des éléments d'information dont elle dispose, la Cour conclut que les actes des personnes ayant commis un génocide à Srebrenica ne peuvent être attribués» à la Serbie-et-Monténégro.

Le 8 mars 1995, Radovan Karadzic, en tant que commandant suprême de la Republika Srpska, la république serbe autoproclamée en sécession de la Bosnie-Herzégovine, a donné l'ordre d'éliminer les enclaves musulmanes de Srebrenica et de Zepa.

Ces ordres ont été mis en oeuvre par le général Ratko Mladic, dont les forces ont attaqué l'enclave le 11 juillet 1995, terrorisant la population et procédant à l'exécution sommaire de près de 7900 musulmans bosniaques entre le 13 juillet et le 19 juillet 1995.