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La bataille de Mogadiscio

Écrit par Vincent Duclos, La Grande Époque - Montréal
11.04.2007
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La guerre au terrorisme menée depuis quelques années par Washington a

définitivement trouvé un nouveau terrain de bataille. En décembre

dernier, l’armée éthiopienne envahissait la Somalie qui, après une

quinzaine d’années de guerre civile, semblait avoir retrouvé une

certaine stabilité. L’opération, ouvertement soutenue par le

gouvernement américain, avait pour but de renverser le régime de

l’Union des tribunaux islamiques (UTI) qui assumait depuis plus de six

mois le contrôle de la majorité du pays et de la capitale, Mogadiscio.

Un scénario qui ne peut manquer de rappeler l’invasion de l’Afghanistan

menée par les États-Unis pour des raisons similaires, même si dans un

contexte bien différent.

  • n soldat dans la banlieue de Mogadiscio(Stringer: STRINGER / 2007 AFP)

 

 Invasion éthiopienne et résistance insurgée

À la fin du mois de décembre 2006, les troupes du gouvernement somalien transitoire, fortement appuyées par l’armée éthiopienne, renversent l’UTI qui en appelle conséquemment à une «guerre sans précédent» contre les forces éthiopiennes, traditionnel ennemi de la Somalie. L’armée éthiopienne marche sur Mogadiscio dans le but de permettre l’instauration du gouvernement du président Adbullahi Yusuf Ahmed. Une situation qui a tout pour soulever la violence. Non seulement la population avait-elle retrouvé un calme et une prospérité relative sous le régime islamique de l’UTI, mais le gouvernement transitoire ne réussit aucunement à assurer la sécurité.

C’est le retour des seigneurs de guerre qui occupaient la ville avant sa prise par l’UTI. Profitant de ce changement de pouvoir dans la capitale Mogadiscio, l’armée américaine y va, pour sa part, de frappes aériennes tuant plusieurs civils dans le sud du pays. L’opération militaire, menée dans le cadre de la «guerre contre la terreur» de Washington qui soupçonne que des membres d’Al-Qaïda se cachent dans cette partie du pays, ne manque toutefois pas d’en rajouter à la colère de la population.

Sans gouvernement stable, vivant avec l’impression de n’être que le terrain de bataille d’une armée éthiopienne hostile et soutenue par le géant américain, le nombre d’insurgés dans la capitale augmente. Ceux-ci consistent en des partisans du pouvoir islamiste de l’UTI mais surtout de milices loyales au Hawiye, principal clan dans cette partie du pays. Ceux-ci sont avant tout opposés à la présence éthiopienne. Ils ont émis un communiqué dans lequel ils affirment leur hostilité autant envers l’Éthiopie qu’envers le gouvernement transitoire et son président qu’ils accusent d’avoir causé la crise actuelle et de s’appuyer sur la présence éthiopienne pour se hisser au pouvoir. Les insurgés affirment aussi le peu de confiance qu’ils ont en la présence de l’Union africaine (UA) sur leur territoire.

Mogadiscio sous les bombes

Il pleut du mortier, à Mogadiscio. Depuis deux semaines, la capitale somalienne est le lieu de violents combats opposant les forces progouvernementales appuyées par la présence éthiopienne et les insurgés. Chaque jour, plusieurs personnes perdent la vie dans les combats féroces, les pires en plus de quinze ans selon le Comité International de la Croix-Rouge. Seulement depuis février, 10 % de la population de Mogadiscio, qui compte un million d’habitants, ont déserté la ville

Les organismes humanitaires sur place dénoncent les innombrables violations des droits de l’homme. L’armée éthiopienne «ouvre le feu sur quiconque s’approche d’elle», a raconté une habitante, Aisha Elmi Ali, à l’AFP.

Pour sa part, un représentant en matière de sécurité de l’Union européenne (UE) envoyait récemment un courriel d’urgence, dont l’Associated Press a obtenu copie, à l’ambassadeur de l’UE à Nairobi, au Kenya. «Je me dois de vous aviser qu’il y a de fortes raisons de croire que le gouvernement éthiopien, le gouvernement fédéral de transition de Somalie et le commandant des forces de l’Union africaine (UA) […] ont, soit par perpétration ou omission, violé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale». Le haut responsable souligne également les «questions urgentes de responsabilité et de complicité potentielle dans la perpétration de crimes de guerre de la Commission européenne et ses partenaires.» Selon Human Rights Watch, de tels crimes seraient des plus embarrassants pour l’UE qui a soutenu financièrement le gouvernement transitoire de l’armée éthiopienne.

Suite à de telles allégations de crimes de guerre, Jendayi Frazer, assistante au secrétaire d’État américain aux affaires africaines, est arrivée en Somalie le 7 avril. Après une rencontre avec le président et le premier ministre du gouvernement transitoire, appuyé par Washington, Mme Frazer a affirmé vouloir amener l’attention internationale sur les défis auxquels la population fait face. Elle a affirmé que «La Somalie, malheureusement, est devenue un repère pour les terroristes et que cela continue d’être une inquiétude de premier plan pour les États-Unis d’Amérique».

 

Prisons secrètes américaines en Éthiopie

C’est en Éthiopie, élève modèle du Fonds monétaire international –avec lequel elle entretient une relation de dépendance dont on a fait autant l’éloge que la critique – que des agents de la CIA et du FBI retiennent dans des prisons secrètes des personnes soupçonnées de terrorisme et originaires de dix-neuf pays. C’est du moins ce qui ressort d’une enquête menée par l’Associated Press auprès d’organisations de défense des droits de l’homme, d’avocats et des diplomates occidentaux.

Le gouvernement américain, tout comme la communauté internationale en général, a en effet ouvertement appuyé l’opération éthiopienne visant à renverser l’UTI, soupçonnée d’entretenir des liens étroits avec le réseau Al-Qaïda. Suite à cette invasion, plusieurs centaines de prisonniers, dont des femmes et des enfants, ont été transférés secrètement et illégalement du Kenya et de la Somalie vers l’Éthiopie. C’est dans ce pays de la Corne d’Afrique, reconnu pour ses violations des droits de l’homme, que les détenus sont incarcérés et interrogés sans inculpation ni accès à des défenseurs et à leurs familles.

Des responsables américains, contactés par l’Associated Press, ont reconnu que des prisonniers avaient été interrogés en Éthiopie. Selon John Sifton, expert de Human Rights Watch en matière d’antiterrorisme, a quant à lui qualifié les États-Unis de «meneurs» dans cette affaire qu’il a comparée à un «Guantanamo décentralisé, externalisé».

L’invasion d’un pays soupçonné d’abriter des terroristes et le transfert illégal de ceux-ci vers des lieux tenus secrets et dans des conditions qualifiées de «cauchemar du début à la fin» par Kamilya Mohammedi Tuweni après sa libération d’une de ces prisons le 24 mars dernier, rappelle l’opération militaire contre l’Afghanistan menée par le Pentagone. Bien que dans le cas somalien, il est évident que la présence éthiopienne a permis de réduire l’implication américaine (ou de l’OTAN) sur le terrain, les accusations contre les gouvernements en place sont similaires, tout comme les violations des droits de l’homme et le caractère illégal de l’invasion. Dans les deux cas aussi, la situation se présente comme des plus explosives et l’avenir des habitants comme de plus en plus incertain.

 

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